Ce document est un commentaire sur l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 14 juin 2006.
La question qui se pose est celle de savoir si le fait de détenir des informations confidentielles et précises sur une opération financière à venir est suffisant pour commettre un délit d'initié lorsque ces informations ne sont utilisées que successivement mais génèrent un profit pour celui qui, en ayant eu connaissance avant les autres, les a utilisées.
Pour répondre à cette question et commenter cet arrêt de la Chambre criminelle, nous allons d'abord l'expliquer par l'appréciation des juges sur la caractérisation retenue du délit d'initié (I), et ensuite commenter la portée de l'arrêt sur l'interprétation ainsi donnée par la Cour de Cassation de la loi pénale française en matière de délit d'initié (II).
[...] Au contraire, la chambre criminelle casse l'arrêt d'appel en ce qui est de sa décision d'attribution du montant de Euro. Selon le demandeur, en effet, ce montant n'était pas justifié car il était le même qu'au premier degré alors que les juges de première instance avaient retenu ce montant pour les opérations réalisées à Paris, mais aussi à Londres, opérations exclues en seconde instance. Cette absence de base légale est la seule retenue par la Cour de cassation et pour laquelle l'arrêt sera cassé et renvoyé. [...]
[...] Des moyens particulièrement graves avaient été avancés par le demandeur, notamment en ce qui concerne des atteintes graves aux droits de la défense. En effet, selon le demandeur, la durée excessive de cette procédure, d'environ quinze ans, constituait une cause de nullité que les juges de cassation devait retenir en premier sans avoir à prononcer d'arrêt, en raison d'une violation flagrante de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Selon les juges d'appel, interprétation qui sera par la suite retenue par les juges de cassation, même en supposant une violation dudit article de la CEDH, une telle violation n'entraîne pas la nullité de l'entière procédure en droit interne, mais ouvre seulement la possibilité pour le demandeur de solliciter un dédommagement économique pour l'éventuel préjudice subi par une telle longueur judiciaire. [...]
[...] Or, selon la Cour d'appel et selon la Cour de Cassation qui est venue confirmer cette lecture, il est interdit aux personnes disposant « d'informations privilégiées sur la perspective d'évolution d'une valeur mobilière » en raison de leur profession de réaliser des opérations sur le marché « avant que le public en ait eu connaissance ». Les conditions précisées sont que les informations détenues par le professionnel doivent être « précises, confidentielles et de nature à influer sur le cours de la valeur et déterminantes des opérations réalisées ». Or, en l'espèce, M. [...]
[...] Un telle évaluation serait donc excessive et injustifiée. La question qui se pose alors est celle de savoir si le fait de détenir des informations confidentielles et précises sur une opération financière à venir est suffisant pour commettre un délit d'initié lorsque ces informations ne sont utilisées que successivement mais génèrent un profit pour celui qui, en ayant eu connaissance avant les autres, les a utilisées. La Cour de Cassation, réunie dans sa formation criminelle, répond par l'affirmative en cassant et renvoyant l'arrêt de la Cour d'appel seulement sur son moyen relatif au montant de l'amende, mais en confirmant tout le reste de l'arrêt rendu par les juges d'appel. [...]
[...] Or, il semblerait, à la lecture de ces deux moyens avancés par le défendeur, que, malgré un législateur défaillant, qui ne se serait pas mis en adéquation avec les normes communautaires en la matière, le juge ait préféré retenir une interprétation en faveur de ce dernier plutôt que confirmer le raisonnement plus souple demandé par le prévenu. En effet, la rétroactivité in mitius, exception au principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, tel que confirmé aussi par les juges de Strasbourg dans l'arrêt Scoppola c. Italie de 2009, doit être retenue lorsqu'il s'agit d'une loi nouvelle qui viendrait assouplir le régime existant. [...]
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