Faute lourde droit administratif responsabilité doctrine jurisprudence
L'ÉVOLUTION DE LA FAUTE LOURDE
« Nous avons déjà vu avec M. Paul Duez, que « la faute légère ne donne lieu à aucune
responsabilité » » rappelle J. Luchet dans sa thèse, intitulée L'arrêt Blanco, la thèse de la
compétence administrative en matière de responsabilité civile de l'État et soutenue devant la faculté
de droit de Nancy le 27 février 1935. Ce rappel met subtilement en évidence toute l'importance de
la notion de faute lourde en droit administratif
Cette notion de faute lourde est particulièrement importante en droit administratif car, en
principe, la responsabilité de la puissance publique est normalement liée à l'existence d'une faute ;
cependant, contrairement aux principes qui découlent du Code civil, toute faute n'engage pas la
responsabilité de l'Administration. À cet égard, l'existence de la faute lourde est souvent le seul
élément justifiant l'engagement de la responsabilité administrative.
Le 08 février 1973, le Tribunal des conflits précise dans l'arrêt Blanco que : « la
responsabilité, qui peut incomber à l'État, (...) n'est ni générale, ni absolue ; qu'elle a ses règles
spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'État
avec les droits privés ». Par cette précision est amorcée la distinction entre le faute lourde et la
faute simple. Jean Waline constate dans la 23ème édition du manuel de droit administratif que :
« Cette distinction s'est simplifiée, la faute manifeste et d'une exceptionnelle gravité s'étant résorbée
dans la faute lourde ». Il ne s'aventure cependant pas à donner une définition concise de la faute
lourde, en droit administratif ; définition qu'il dissocie en tout cas de la notion civiliste de faute
lourde considérée comme un comportement qui s'écarte largement du comportement qu'aurait eu
dans les mêmes circonstances le bon père de famille.
Cette difficulté à définir une notion tellement essentielle au droit administratif explique sans
doute que « L'histoire de la faute lourde est celle de son recul » comme l'écrit R. Chapus dans la
4ème édition de son manuel de Droit administratif général.
Bien que l'histoire de la faute lourde et son évolution soient parfois inextricablement liés,
étudier l'évolution de la faute lourde nécessite moins un détail chronologique de la progression de
cette notion au fil des arrêts qu'une étude graduée de l'appréhension de cette notion par la doctrine et
la jurisprudence.
[...] Certaines activités de service public bénéficieraient, à raison de leur nature même, du régime de la responsabilité pour faute lourde. Les autres activités publiques, relevant normalement du régime de la responsabilité pour faute administrative simple, pourraient bénéficier de l'exigence d'une faute lourde lorsque des circonstances particulières de temps ou de lieu en rendraient ( . ) l'accomplissement difficile C'est Jean-François Couzinet qui rapporte la pensée de M. Vedel dans sa note de 1977. Il met en exergue la difficile pénétration de la notion même de faute lourde en dépit de l'existence d'une technique pour la circonscrire. [...]
[...] C'est l'arrêt Chabba du Conseil d'État qui en fonde le principe. Eu égard à ce que présente Antoine Carpentier dans son mémoire, sans doute M. Richer approuverait cette évolution jurisprudentielle ; Antoine Carpentier a précisé cependant que M. Richer, et ses contemporains n'en concluaient pas inconditionnellement à la nécessité d'abandonner la faute lourde, car, même dépourvue juridiquement d'utilité, celle-ci pouvait conserver un intérêt sur le plan psychologique. En effet, selon lui, elle avait l'avantage d'introduire de la clarté dans les relations entre la victime et la collectivité : à partir du moment où, dans un domaine, est posée l'exigence de faute lourde, les victimes savent que l'existence d'une faute est difficilement admise Il semble donc que si Le Conseil d'État a maintenu, au moins nominalement, l'exigence d'une faute lourde pour un certain nombre de services, ou activités de certains services. [...]
[...] Il poursuit en expliquant que cette notion non spécifique de faute lourde repose sur l'idée contraire à ce que l'intuition implique, que la faute lourde n'est pas une faute d'une gravité supérieure à la faute simple, mais une faute suffisamment caractérisée pour être distinguée de l'erreur. Continuant son commentaire, l'auteur de Déclin et continuité de la notion de faute lourde dans le droit de la responsabilité de la puissance publique indique que pour M. Richer l'utilisation par le juge administratif de la notion de faute lourde n'implique pas toujours une gradation des fautes. [...]
[...] Il est donc important de déterminer une méthode claire de délimitation du champ d'application de la notion de faute lourde. Cette clarté s'est incarné dans la méthode de délimitation matérielle suite à quelques hésitations de la doctrine Les tergiversations doctrinales Quelques textes législatifs ont exigé que soit apportée la preuve d'une faute lourde administrative pour que soit engagée la responsabilité de l'administration du fait de certaines activités publiques, c'est le cas de la loi du 5 juillet 1972 relative à la réforme de la procédure civile qui pose dans son article 11 : L'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. [...]
[...] Le degré de gravité exigé de la faute varie selon les services (1968). Suit alors l'énumération des principaux services pour lesquels, en raison des difficultés de leur fonctionnement, la jurisprudence exige une faute lourde . : le service de la police le service hospitalier le service fiscal et la tutelle administrative ( Cette présentation ne paraît pas correspondre exactement à la position jurisprudentielle. constate Jean-François Couzinet qui estime qu'en réalité le juge utilise une autre méthode de délimitation[: la ] délimitation matérielle ou par activités [Elle] consiste à se fonder, pour exiger la preuve d'une faute lourde, non sur la notion organique de service mais sur celle, matérielle d'activités. [...]
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