TD de Droit administratif: Le refus du juge administratif de contrôler les actes non décisoires paraît-il toujours justifié? (7 pages)
Refuser de contrôler la légalité des actes non décisoires n'est-ce pas restreindre le recours pour excès de pouvoir au point de méconnaître l'importance pratique de ces actes dans la vie administrative? En effet, apparaît une tendance à la justiciabilité des actes administratifs unilatéraux non décisoires malgré la persistance des juges dans le refus de les contrôler. Paradoxe que la CEDH a déjà tenté d'atténuer en condamnant la France pour violation de l'article 13 selon lequel tous ont droit à un recours effectif devant les autorités nationales en cas de violation de droits protégés par la Convention. L'incapacité à obtenir un recours devant une instance nationale pour une violation de droits de la Convention est ainsi, en soi, une infraction à la Convention, susceptible de poursuites.
En principe, selon l'expression retenue par la jurisprudence, « seules des décisions faisant grief sont susceptibles d'être déferrées au juge de l'excès de pouvoir» (Arrêt Duvignères). Ceci fait apparaître au sein de l'ensemble des actes administratifs unilatéraux dont il est question une catégorie particulière d'actes qui, ne faisant point grief, ne peuvent faire l'objet de recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif: ce sont les actes non-décisoires. Cela signifie qu'un acte administratif unilatéral émanant de personnes publiques ou privés agissant aux moyens de prérogatives exorbitantes de droit commun pour participer à une mission de service public ne sont pas forcément des décisions administratives et peuvent ne pas avoir de portée contraignante pour les tiers. La décision est une manifestation de volonté qui affecte l'ordre juridique; les actes non décisoires ne conduisent pas à l'édiction ou au maintien d'une norme et ne présentent qu'un faible impact sur le droit positif.
Pourtant, malgré l'absence, lors de leur conception, de caractère contraignant, nous verrons qu'ils sont pris en compte par le juge et suivis par leurs destinataires. Ils acquièrent ainsi, lors de leur réception, un rôle juridique certain. Ce constat nourrit la réflexion sur l'existence de normes qui, bien que dénuées de toute valeur juridique a priori, ont un rôle important. On a pu s'interroger sur le renouvellement des actes administratifs supposés non-décisoires et sur l'existence de 'sources potentielles nouvelles qui viendraient d'organismes institués dans des domaines particuliers' (Droit administratif général, Jean-Louis Autin).
I) Le refus du juge de contrôler la légalité des actes non-décisoires : une nécessité contentieuse ne justifiant pas l'irrecevabilité de tous les recours
II) Le refus du juge de contrôler la légalité des actes non décisoires : un déclinatoire de compétence inadapté aux évolutions jurisprudentielles quant au régime de ces actes
[...] Ces avancées concernant les actes non décisoires entraînent une subdivision de ces actes en sous-catégories faisant grief ou non. II. Le refus du juge de contrôler la légalité des actes non décisoires : un déclinatoire de compétence inadapté aux évolutions jurisprudentielles quant au régime de ces actes Les actes non-décisoires sont alors subdivisés en actes faisant grief et actes sans portée contraignante sous l'influence croissante de la CEDH; tandis que la doctrine doute de ces nouveaux actes hybrides au régime incertain et subjectif L'établissement d'une nouvelle typologie d'actes non-décisoires entre ceux susceptibles de recours pour excès de pouvoir et les actes sans portée contraignante Le fait que de plus en plus d'actes a priori non-décisoires deviennent des actes faisant grief, entraîne la nécessité de distinguer au sein même de chaque catégorie d'actes, ceux susceptibles de recours, et ceux moins contraignants. [...]
[...] De plus, la CEDH a condamné la France pour l'absence de recours effectif contre les décisions de placement en isolement d'un détenu, sur la base de l'article 13 de la Convention EDH. Était contesté le jugement d'un tribunal administratif appliquant la jurisprudence antérieure à l'arrêt Remli (CE juillet 2003) selon laquelle la mise à l'isolement est une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours. Il reste alors une part de subjectivité de la part des juges, encore vexés d'avoir été amputer d'un pouvoir décisionnel important de choix des actes justiciables. [...]
[...] D'autre part, l'intervention du contrôle juridictionnel aurait risqué d'affaiblir la discipline nécessaire, notamment dans l'armée, les prisons, et les écoles (domaines historiques d'élection des mesures d'ordre intérieur). Ouvrir l'accès aux prétoires à l'encontre de ces multiples petites mesures ne pourrait que contribuer à l'encombrement des rôles. Cela na favoriserait pas la pacification nécessaire entre les administrations et leurs usagers. Ces mesures qui ont des effets juridiques sont soumises au principe de légalité mais le juge ne s'estime placé pour vérifier leur légalité. [...]
[...] Les actes non-décisoires traditionnels : absence de portée normative et pas de recours juridictionnel possible La décision est une manifestation de volonté qui affecte l'ordre juridique. Ne sont pas des décisions les actes déclaratoires qui ne contiennent que des vœux ou des déclarations d'intention, les actes préparatoires qui ont seulement pour objet de préparer l'intervention d'une décision administrative comme des avis préalables ou les actes-types servant de modèles à la rédaction de décision. Quant aux circulaires certaines sont considérées comme non-décisoire (interprétatives) et d'autres comme contraignantes (réglementaires) depuis la jurisprudence Notre Dame du Kreisker Ass janvier 1954). [...]
[...] La jurisprudence les qualifie de mesures faisant grief, ou de décisions administratives. Ne sera plus une simple mesure d'ordre intérieur celle qui, eu égard à sa nature et gravité, a des effets directs sur la liberté d'aller et venir et des conséquences sur la situation statutaire de la personne concernée. Sur ce point, l'influence de la CEDH apparaît déterminante. Donc la référence dans une décision de justice à la notion de mesures d'ordre intérieur signifie que ladite mesure est insusceptible de recours. [...]
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