Avant de contrôler la légalité d'un acte, le juge administratif doit examiner si la requête est recevable.
Ainsi, dans les conditions de recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir, il y a obligation que le recours soit mené contre une décision ; en conséquence les circulaires et les directives, qui ne sont pas des décisions, ne peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Se pose ensuite le problème des mesures d'ordre intérieur, comme c'est le cas dans l'arrêt « Marie » rendu par le Conseil d‘État en assemblée, le 17 février 1995. En principe le Conseil d'État considérait que les mesures d'ordre intérieur étaient de trop petite importance pour pouvoir faire grief ; l'adage « de minimis non curat praetor » était de rigueur, cela signifie que les mesures d'ordre intérieur bénéficiaient d'une immunité juridictionnelle.
[...] Cela explique le refus posé par le juge administratif s'agissant des recours pour excès de pouvoir dirigés contre ce type d'acte, en fait, il craint un encombrement des juridictions, il veut aussi laisser une certaine marge de manœuvre à l'administration. De plus l'intervention du contrôle juridictionnel dans les établissements nécessitant de la discipline comme l'armée, les prisons ou les écoles aurait risqué de l'affaiblir. En effet, dans ces domaines, l'ordre occupe une place prépondérante, cela explique le nombre important de mesures d'ordre intérieur. [...]
[...] Pour le Conseil d'Etat, l'annulation demandée est fondée. En conséquence, il s'agira pour cet arrêt d'analyser le revirement de jurisprudence fortuit et d'examiner les motifs et les suites de cette jurisprudence (II). I Un revirement de jurisprudence fortuit Avant l'arrêt Marie, il y avait une jurisprudence constante du Conseil d'Etat en ce qui concerne les mesures d'ordre intérieur pourtant, le 17 février 1995, le Conseil d'Etat va effectuer un revirement de jurisprudence avec cet arrêt A L'approche classique des mesures d'ordre intérieur, une jurisprudence constante du Conseil d'Etat Antérieurement à l'arrêt Marie, la jurisprudence du Conseil d'Etat était constante : les mesures d'ordre intérieur ne font pas grief. [...]
[...] C'est pourquoi dans ces services il n'y a qu'un faible contrôle de leur vie interne. Dans ces domaines, la doctrine considère que beaucoup d'actes qualifiés de mesures d'ordre intérieur sont en fait des actes faisant grief. Ce peut être l'explication à l'évolution de la jurisprudence du Conseil d'Etat. Pourtant, la jurisprudence constante qui voulait que les mesures d'ordre intérieur ne soient pas susceptibles de grief avait été réaffirmée quelque temps auparavant : il suffit d'analyser l'arrêt Caillol rendu le 27 janvier 1984 par le Conseil d'Etat. [...]
[...] Il existe également des dissensions entre les Cours administratives d'appel. Le 19 décembre 2005, la Cour administrative d'appel de Paris, dans l'arrêt Boussouar, admet que les mesures de transfèrement d'un détenu sont susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Alors que le 25 avril 2006, la Cour administrative d'appel de Bordeaux dit que ce genre de mesures ne peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sauf si les mesures de transfèrement du détenu entrainent une aggravation de sa situation. [...]
[...] Avant 1995, le juge administratif avait une vision d'ensemble. Aussi, les mesures d'ordre intérieur étaient présumées ne pas avoir d'effets juridiques importants à l'égard leurs destinataires, donc le juge ne voulait en entendre parler, un recours pour excès de pouvoir ne pouvait être dirigé contre elles. En 1995, le juge n'a plus cette démarche abstraite, il adopte une analyse concrète au cas par cas. Il met en place différents critères qui lui serviront à apprécier les conséquences concrètes que peut avoir une mesure d'ordre intérieur à l'égard d'un administré, pour savoir ainsi s'il s'agit ou pas d'une décision faisant grief. [...]
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