Connu avant tout pour son rôle juridictionnel, le Conseil d'Etat est pourtant à l'origine ce
que son nom même suggère : une instance chargée de conseiller, de donner des avis et recommandations au souverain. Profondément ancrée dans l'histoire de France, cette dualité du
Conseil d'Etat n'est pas sans surprendre à l'étranger, où l'on s'étonne parfois qu'une même institution ait à la fois un rôle de conseiller et de juge de l'administration.
Pourtant, la fonction consultative du Conseil d'Etat n'a jamais été remise en cause, et c'est donc probablement qu'elle remplit un véritable rôle dans le système institutionnel français. Nous verrons dans cet exposé quel peut être ce rôle, de quelle manière il s'organise, et quelles conséquences il a sur la vie institutionnelle française.
[...] Même à l'égard d'un pouvoir présidentiel fort, le Conseil d'Etat garde donc suffisamment d'indépendance pour faire respecter la Constitution, sans pour autant empêcher le pouvoir politique de poursuivre ses propres options. ii. La double-compétence du Conseil d'Etat laisse cependant planer certains doutes S'il reste néanmoins quelques doutes sur l'activité du Conseil d'Etat, c'est à sa fonction juridictionnelle, plutôt qu'à sa fonction consultative, qu'ils sont dûs. En effet, il reste surprenant qu'après avoir conseillé le gouvernement, le Conseil d'Etat soit également compétent pour annuler un texte qu'il aurait pu désapprouver. Pour inhabituelle que soit cette double- compétence, elle se justifie largement parce qu'elle améliore le fonctionnement institutionnel de la République. [...]
[...] Maspetiol, Président en 1975 de la Section de l'Intérieur, ajoute : Ce que le Conseil d'Etat est par contre en droit de demander, c'est que le Gouvernement résiste à la tentation de se prévaloir de l'avis favorable donné sur le plan technique et juridique comme d'une approbation par le Conseil de l'inspiration du projet. Sur les options politiques de celui-ci, il n'y a pas, il ne peut pas y avoir d'avis du Conseil d'Etat. Cette position est illustrée par quelques avis émis par le Conseil d'Etat en 1962. Sur la question de la révision constitutionnelle par référendum, utilisant l'article 11, le Conseil d'Etat avait désavoué le Général De Gaulle. [...]
[...] La compétence et l'expertise du Conseil d'Etat contribuent à améliorer la législation C'est d'autant plus vrai que, si le gouvernement n'est jamais tenu de suivre les avis du Conseil d'Etat, il le fait pourtant dans l'écrasante majorité des cas. Nous l'avions vu pour Louis XIV, qui ne s'écartait pour ainsi dire jamais de l'avis du Conseil du roi, mais c'est tout aussi vrai aujourd'hui. Cela tient en premier lieu à la compétence et à l'expertise des membres du Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat est tout d'abord quasiment toujours suivi lorsqu'il donne son avis sur des points de forme. [...]
[...] La fonction consultative est donc non seulement affirmée, mais aussi étendue : le Conseil d'Etat devient principal rédacteur d'une grande partie des textes officiels. Comme Premier Consul puis comme Empereur, Napoléon présidera lui-même une grande partie de ses séances, et ne se fera remplacer que par son archichancelier Cambacérès. Les cinq grands codes napoléoniens (code civil, code pénal, code de procédure civile, code d'instruction criminelle et code de commerce) furent ainsi préparés et rédigés au Conseil d'Etat. Installée au Palais- Royal depuis 1875, l'institution renforce pendant la Troisième République surtout son rôle en matière de contentieux, jusqu'à ce que sa fonction consultative soit, elle aussi, reconnue et renforcée par la Constitution de la Cinquième République. [...]
[...] Consultation facultative Le gouvernement peut, au-delà des cas de consultation obligatoire, solliciter l'avis du Conseil d'Etat sur tout projet de texte. C'est le cas pour de nombreux décrets pris après avis du Conseil d'Etat (et non pas en Conseil d'Etat, comme c'est le cas lorsque la consultation est obligatoire). Depuis 1992 et la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht, le Conseil d'Etat est également saisi des projets d'actes communautaires, afin de déterminer si ceux-ci sont de nature législative et doivent être transmis au Parlement en vertu du nouvel article 88-4 de la Constitution. [...]
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