Conformément à la référence rousseauiste, la conception traditionnelle du droit public français considérait la loi comme d'une essence plus haute que celle du règlement, d'où la primauté incontestée de la première sur le second. En effet, selon cette vision, 'la loi est l'expression de la volonté générale' (art. 6 de la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen) et s'identifie à la souveraineté nationale ; son domaine ne peut donc être limité : fait partie de la loi tout ce sur quoi statue le Parlement et est loi toute disposition élaborée par le Parlement selon la procédure législative et promulguée par le chef de l'Etat (définition organique de la loi) ; quant aux règlements, ils ne font qu'exécuter la loi, d'où leur subordination. Ainsi, il semblerait, à première vue, que la Constitution du 4 octobre 1958, en délimitant les domaines de la loi & du règlement, fut sur le papier une 'révolution juridique' (P. Durand) considérable (I) ; il s'agira pourtant de montrer que cette révolution fut malgré tout, dans les faits, largement introuvable (II).
[...] CE, rapport 1991). Si révolution il y celle-ci serait donc plutôt le fait de la limitation du domaine de la loi par l'extension croissante du droit communautaire que de la limitation du domaine de la loi par l'extension du domaine du règlement. [...]
[...] Dans ces conditions, il appartient au législateur de mettre en cause toutes les matières, le gouvernement se bornant à les mettre en oeuvre. Il faut ainsi distinguer, d'une part, le pouvoir réglementaire dérivé (résultant de l'art. 34) et, d'autre part, le pouvoir réglementaire autonome (cf. CE février 1985, Association des centres E. Leclerc) résultant de l'art (le premier ministre "assure l'exécution des lois") & de l'art qui dispose que "les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire" (par exemple la procédure civile ou administrative, la détermination des contraventions ou des peines applicables ; cf. [...]
[...] II/ Domaine de la loi et domaine du règlement face à la réalité du système constitutionnel : des frontières plus étanches que prévues. Domaine de la loi & domaine du règlement : des frontières mouvantes. Ainsi et malgré les limites d'emblée soulignées, le véritable jurislateur de principe serait, d'après ce qui précède et étant donnée la définition matérielle de la loi, le pouvoir réglementaire. Pourtant, si cela reste vrai qualitativement, cela ne l'est plus quantitativement puisque, face au pouvoir réglementaire dérivé, le pouvoir réglementaire autonome se réduit à quasiment rien (cf. lecture unitaire de l'art. 34). [...]
[...] Cela résulte notamment du fait que la liste de l'art n'épuise en aucun cas le domaine de la loi. Depuis la décision du Conseil Constitutionnel du 16 juillet 1971, il faudrait, en effet, souligner les compétences infinies qui résultent des dispositions du préambule de la Constitution (par exemple, le fait que les bornes de la liberté "ne peuvent être déterminées que par la loi" selon l'art de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; parmi les principes "particulièrement nécessaires à notre temps", l'égalité des droits entre les hommes et les femmes ou le droit de grève doivent aussi, par exemple, être assurés par la loi). [...]
[...] La "révolution juridique" de 1958 : d'une définiton matérielle du domaine de la loi (art à la reconnaissance d'un domaine du règlement (art C). Cependant, en déterminant à l'aide d'une liste, limitative par définition, la consistance du domaine de la loi, la Constitution du 4 octobre 1958 semble, dans son art produire une véritable "révolution juridique". Même si les matières traditionnellement du domaine de la loi s'y trouvent, on passe en effet, de fait, d'une définition organique à une définiton matérielle de la loi. [...]
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