Contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité, exposé de 19 pages
La déclaration d'incompétence du Conseil constitutionnel formulée en 1975 est limpide : le juge constitutionnel est chargé de veiller au respect du « bloc de constitutionnalité », mais nullement à celui du « bloc de conventionalité » que représente l'ensemble des « traités ou accords » de l'article 55. Ainsi, à la lumière de la jurisprudence constitutionnelle, contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionalité ont des juges clairement différenciés. Mais l'affirmation de cette bipartition des compétences juridictionnelles serait incomplète si on ne rappelait pas ce qui en constitue le fondement : dans l'esprit du juge constitutionnel, elle repose pleinement sur la différence de nature des deux contrôles, résultant elle-même d'un irréductible constat : les normes constitutionnelles sont différentes et différentiables des normes internationales.
[...] dès lors que le débat se construira nécessairement autour de la définition contradictoire des contrôles de constitutionnalité et de conventionalité : dans ce domaine, l'apport de la décision I.V.G. demeure fondamental. Parce que l'idée d'intégration implique l'utilisation de normes communautaires dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois, les développements du Conseil constitutionnel relatifs à la différence de nature des normes constitutionnelles et internationales, en particulier, sont incontournables. De l'avis du Président Genevois, la solution I.V.G. repose toujours sur de solides justifications juridiques Ces justifications juridiques consistent dans cette fameuse et abondamment critiquée argumentation aboutissant à l'affirmation d'une différence de nature entre le contrôle de conformité des lois à la Constitution et le contrôle de conformité des lois aux normes internationales. [...]
[...] Selon les termes du Conseil, les dispositions de l'article 55 ne prescrivent ni n'impliquent que le respect du principe de supériorité des traités doive être assuré dans le cadre du contrôle de constitutionnalité prévu à l'article 61. Cet article n'envisage d'autre rapport que celui de la constitutionnalité, à l'exclusion de la conventionalité. C'est cette logique du contrôle de constitutionnalité qui sous-tend et justifie intégralement la décision I.V.G . En serait-il autrement si le Conseil devait se prononcer quant à la possibilité d'assurer le respect des normes communautaires dans le cadre de l'article 88-1 ? [...]
[...] a connu les flèches de l'opposition doctrinale. Faut-il maintenir la jurisprudence issue de la décision du 15 janvier 1975 ? La question reste aujourd'hui largement ouverte sur un débat qui n'est pas nouveau : pour ou contre la jurisprudence I.V.G., tout, ou presque, a été dit à ce sujet, et ce, par les juristes les plus éminents. En effet, l'année 2004 a projeté l'article 88-1 de la Constitution sur le devant de la scène constitutionnelle jurisprudentielle. Au travers de deux importantes décisions du Conseil constitutionnel (décisions Economie numérique du 10 juin 2004 et Traité établissant une Constitution pour l'Europe du 19 novembre 2004), cette disposition constitutionnelle, de façon inattendue, s'est vu conférer une portée inédite permettant au juge constitutionnel de tirer pleinement les conséquences de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 en vertu de laquelle le constituant français consacre la participation de la France à la construction de l'Europe : non seulement l'article 88-1 fonde l' exigence constitutionnelle de laquelle sera tirée l'obligation de transposition des directives et, subséquemment, le refus de principe du juge constitutionnel de contrôler la constitutionnalité des lois de transposition, mais il autorise également ce dernier à reconnaître que le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international Au regard des apports des décisions susmentionnées, nul doute que l'article 88-1 est devenu le dispositif central régissant désormais les rapports entre le droit interne et le droit communautaire. [...]
[...] Le Président Genevois considère, par exemple, s'agissant d'un remaniement de la jurisprudence I.V.G., que le débat est plus ouvert sur le terrain de l'application de l'article 88- 1 C'est ici que survient une question importante : le fait que l'on soit précisément sur le terrain de l'article 88-1 et non de l'article 55 de la Constitution doit-il avoir pour conséquence d'écarter de la présente réflexion les éléments essentiels issus de la jurisprudence I.V.G., sachant que celle-ci se rattache au seul article 55 ? Nous ne le pensons pas. Le fait que ces deux dispositions constitutionnelles aient un contenu radicalement différent n'ôte rien de son intérêt à la décision I.V.G. [...]
[...] Devra-t-il en être autrement pour le Traité établissant une Constitution pour l'Europe ? Même si la formulation de 2005 diffère de celle de 1992, les termes nouveaux de l'article 88-1, pas plus que les termes initiaux, ne doivent permettre d'affirmer hâtivement que le constituant ait voulu donner valeur constitutionnelle au Traité ou qu'il ait fait des dispositions de ce dernier des normes de référence du contrôle de constitutionnalité. Ne résultant donc pas directement de la volonté du constituant, l'intégration du droit communautaire originaire et dérivé dans le bloc de constitutionnalité ne pourrait donc être que le fruit d'une interprétation constructive du Conseil constitutionnel. [...]
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