Bien avant l'apparition du terme « administration » au sens actuel du terme (milieu du XVIIIème siècle), le concept préexistait sous le terme de police, désignant ainsi tout ce qui avait trait au bien public. Cependant, l'administration française contemporaine ne peut plus prétendre à une limitation stricte à la sphère publique, en témoignent les « services publics industriels et commerciaux », soumis en partie à des règles de droit privé. La concept d'administration serait-il dépassé?
Dans la vision classique et libérale, le repérage de l'administration s'effectue à l'aune de deux distinctions successives: une première entre le politique et l'administratif, une seconde entre la sphère publique et la sphère privée. Parallèlement, l'Administration se conçoit comme « visage de l'Etat » (Jacques Chevallier, La Science Administrative): elle est neutre et sert de lien entre l'individu (sphère privée, soumise aux intérêts particuliers) et l'Etat (sphère publique, incarnation de l'intérêt général), tout en étant subordonnée à ce dernier. Le terme « administration » trouve en effet son étymologie dans le mot latin « administrare », servir ; l'administration est au service de l'Etat (cf. art 20 de la Constitution de 1958 :« le gouvernement dispose de l'administration et de la force armée »), mais aussi de la société civile, par la logique d'intérêt général. Selon Hegel, c'est à ce titre qu'elle est une institution sociale exceptionnelle: la fonction de promotion de l'intérêt général justifie l'octroi de moyens d'actions privilégiés : les prérogatives de puissance publique.
C'est de cette doctrine dite classique que la notion de service public est devenue la finalité de l'administration, en s'appuyant sur le passage de l'Etat-gendarme à l'Etat-Providence, entre 1870 et 1914. En 1903, l'arrêt Terrier du Conseil d'Etat démontre bien la logique à l'oeuvre : « Tout ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement des services publics constitue une opération administrative. ». Cependant, à partir de la première guerre mondiale, l'Etat développe ses activités d'ordre économique, pour des raisons contextuelles (nécessité de la gestion des biens des vaincus). Cette logique se poursuit lors de la vague de nationalisations entre 1936 et 1982. Or, ces services (banques, industrie lourde, compagnies d'assurance) étaient régis par le droit du commerce, et malgré leur absorption par « la sphère publique », ils le restèrent (TC, Eloka, 1920). Tout un pan de l'administation se trouvait donc mêlée au droit privé. Parallèlement, l'administration eut de plus en plus recours à des organismes et des personnes privées, dans le cadre de missions de service public. Cette double mutation a conduit à brouiller les contours de l'Administation, et par là même la question de la compétence du juge, au coeur du problème. Ainsi, la doctrine contemporaine en matière de droit administratif s'attache plus à l'apport de fond du droit plutôt qu'à la question de l'accès au juge. L'administration tend à se définir par son action effective plutôt que par sa limitation.
L'évolution de la conception de l'Administration avec la réalité sociale et institutionnelle, principalement en matière juridique, est une question centrale en France, car c'est ce concept fluctuant d'Administration qui est à la base de la construction du droit administratif. Il convient alors de se demander si les évolutions de cette notion ont permis de clarifier ou non la question du droit applicable. Le passage d'un critère de définition organique de l'administration à un critère fonctionnel est-il éclairant quant au droit applicable? Afin de répondre à cette question, nous nous pencherons dans un premier temps sur la désuétude du critère organique face au critère fonctionnel (I), et nous examinerons en second lieu en quoi la notion fonctionnelle d'administration, à travers son but et ses moyens, est elle aussi remise en cause, et complexifie la question du régime de droit applicable (II).
[...] Tout un pan de l'administration se trouvait donc mêlée au droit privé. Parallèlement, l'administration eut de plus en plus recours à des organismes et des personnes privées, dans le cadre de missions de service public. Cette double mutation a conduit à brouiller les contours de l'Administration, et par là même la question de la compétence du juge, au coeur du problème. Ainsi, la doctrine contemporaine en matière de droit administratif s'attache plus à l'apport de fond du droit plutôt qu'à la question de l'accès au juge. [...]
[...] Par ailleurs, un organisme privé investi d'une mission de service public peut user de prérogatives de puissance publique. La complexification des régimes juridiques sans issue La notion d'administration se trouve affaiblie par les mutations institutionnelles du siècle dernier (décentralisation, déconcentration, construction européenne, dispersion des organes, etc.), mais aussi complexifiée : il n'existe donc pas un critère unique de reconnaissance de l'administration. Ce flou quant au concept d'administration mène à une remise en cause même des régimes de droit administratif spécial et de droit privé, le tout dans un contexte de crise de l'Etat Providence qui discrédite les rares bases sur lesquelles s'est construite l'Administration. [...]
[...] II) Une conception fonctionnelle elle aussi insuffisante Le critère des moyens et des fins visés permettent certes de pallier l'insuffisance de la vision organique, mais cette distinction est elle même complexe ce qui ne contribue pas à éclaircir le concept d'administration et donc le régime juridique Des moyens et des fins brouillés L'analyse de Rivero montre que l'Administration, via la dérogation au droit commun, ne voit pas forcément ses droits étendus, car elle doit se plier à la poursuite de l'intérêt général. L'Etat peut, par le biais de l'Administration devenir une simple personne civile capable de s'obliger par des contrats dans les termes du droit commun et non plus une personne publique (cf. [...]
[...] L'administration tend à se définir par son action effective plutôt que par sa limitation. L'évolution de la conception de l'Administration avec la réalité sociale et institutionnelle, principalement en matière juridique, est une question centrale en France, car c'est ce concept fluctuant d'Administration qui est à la base de la construction du droit administratif. Il convient alors de se demander si les évolutions de cette notion ont permis de clarifier ou non la question du droit applicable. Le passage d'un critère de définition organique de l'administration à un critère fonctionnel est-il éclairant quant au droit applicable? [...]
[...] L'Administration, un concept dépassé? Bien avant l'apparition du terme administration au sens actuel du terme (milieu du XVIIIème siècle), le concept préexistait sous le terme de police, désignant ainsi tout ce qui avait trait au bien public. Cependant, l'administration française contemporaine ne peut plus prétendre à une limitation stricte à la sphère publique, en témoignent les services publics industriels et commerciaux soumis en partie à des règles de droit privé. Le concept d'administration serait-il dépassé ? Dans la vision classique et libérale, le repérage de l'administration s'effectue à l'aune de deux distinctions successives : une première entre le politique et l'administratif, une seconde entre la sphère publique et la sphère privée. [...]
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