Protection, domaine public, principe d'inaliénabilité
« Il existe un domaine public dans la mesure où existent des dépendances domaniales frappées d'inaliénabilité », René Chapus.
Le domaine public est constitué par l'ensemble des biens d'une personne publique qui sont affectés soit à l'usage du public soit à un service public et soumis en tant que tels à un régime juridique particulier. Par opposition, les biens qui ne remplissent pas cette affectation sont du domaine privé de la personne publique.
Du verbe aliéner qui signifie transmettre la propriété d'un bien, le vendre, le donner, le léguer ou encore le céder, l'inaliénabilité est la qualité juridique d'un bien qui ne peut valablement être l'objet d'une aliénation, soit par l'effet d'une interdiction légale soit en vertu de la volonté de l'homme ; elle peut être comprise comme une espèce d'intransmissibilité ou d'indisponibilité.
Une personne privée peut disposer, dans le respect de la loi, comme elle le souhaite de la propriété de ses biens régis par le droit privé, biens pouvant donc être aliénés. Il n'en va pas de même quant aux biens des personnes publiques relevant du domaine public dont le statut juridique est soumis à de nombreuses règles particulières. La règle fondamentale de la domanialité publique est énoncée à l'article L. 3111-1 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques (CG3P), qui dispose que « les biens des personnes publiques (…) qui relèvent du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles ». En effet, dans l'objectif de protéger ces biens contre d'éventuels abus inhérents aux règles encadrant la propriété privée, la jurisprudence, et plus récemment le législateur, sont intervenus afin d'encadrer strictement les règles de la domanialité publique.
Le principe va être consacré pour la première fois de manière absolue par l'édit de Moulins de 1566 comme principe fondamental du royaume. La règle de l'inaliénabilité a désormais pour but principal de responsabiliser le souverain pour l'empêcher de dilapider les biens de la Couronne, source de revenus essentielle pour le royaume. Par la suite, lorsque la doctrine créera la notion de domaine public, elle réaffirmera le principe d'inaliénabilité, en disant que les biens sont affectés à l'intérêt général et que donc ils doivent être protégés.
Ainsi, la doctrine établit dès la première moitié du XIXème siècle la distinction domaine public, domaine privé, pour pouvoir défendre l'inaliénabilité du domaine public. C'est Pardessus qui le premier se prononce en faveur de ce principe, puis Proudhon qui en affirme sa valeur, à travers son ouvrage Traite du domaine public (1833). L'idée majeure de la doctrine est de préserver par l'inaliénabilité l'affectation du bien à la disposition du public ou à un ou plusieurs services publics. Les biens du domaine privé des personnes publiques, au contraire, ne satisfont pas cette affectation et ne peuvent entrer dans le régime de l'inaliénabilité. La jurisprudence va tout de suite (CA Paris, 3 janvier 1846) former juridiquement le principe sur ces bases doctrinales.
Par la suite, l'inaliénabilité du domaine public est affirmée au niveau législatif en 2 temps. D'abord pour l'Etat, avec la codification en 1976 du principe au sein du Code du domaine de l'Etat (article L. 52), puis pour les personnes publiques locales, avec la loi du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation. La synthèse de la règle de l'inaliénabilité du domaine public est effectuée en 2006 avec l'adoption du Code général de la propriété des personnes publiques. L'article 3111-1 de ce Code (précité) se réfère cette fois-ci à une restriction claire des personnes publiques visées à l'article 1 : « l'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements et les établissements publics ».
Une controverse existe aujourd'hui sur la valeur de la règle de l'inaliénabilité, qui aurait pu être de niveau constitutionnel. En effet, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 21 juillet 1994, consacre une protection du droit de propriété des personnes publiques sur le fondement de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Toutefois, selon la doctrine, cette décision ne consacre pas l'inaliénabilité du domaine public, mais seulement la nécessité d'une dépossession équitable des biens des personnes publiques. La règle reste seulement de valeur législative.
[...] Le caractère inaliénable des biens du domaine public est ainsi limité par la durée de leur affectation, c'est-à-dire la période pendant laquelle ces biens sont utilisés soit par le public, soit par le service public. Un principe d'origine jurisprudentiel : Illustration faite par un arrêt du 13 février 1953 Susini, où le Conseil d'Etat va considérer que l'eau d'un lavoir municipal faisait partie du domaine public de la commune ; mais que, au contraire, l'eau qui arrivait et qui sortait de ce lavoir cessait dès lors d'être à l'usage du public et donc relevait du domaine privé et devenait ainsi aliénable. [...]
[...] A savoir que le fait de supprimer l'inaliénabilité n'interdit pas de conserver l'imprescriptibilité. Aussi peut on répondre à la problématique de ce sujet ainsi : non la protection du domaine public ne passe pas forcement par le principe d'inaliénabilité, cependant, ce dernier constitue la garantie de l'affectation du bien à une utilité publique déterminée ; c'est-à-dire des biens affectés à un usage ou à un service public. L'inaliénabilité protège l'affectation du bien, pas le bien en tant que tel. [...]
[...] Cette action en nullité de la vente est une action perpétuelle, qui ne se prescrit pas. Ainsi, toutes ventes doit être déclaré nulle. Il n'y a pas de prescription même si le bien a été vendu il y a 150 ans (CAA Paris 4 avril 2006 « Mme Mercier »). Il est interdit ou impossible d'exproprier une parcelle du domaine public : Un interdit non seulement des aliénations volontaires mais aussi des aliénations forcées. Il peut y avoir cependant dérogation lorsque la surface est peu importante. [...]
[...] Ainsi le principe d'inaliénabilité, protecteur des biens du domaine public, est intimement lié à l'affectation des biens qu'il protège. Tant bien que cette dernière, tout en lui apportant sa force et sa légitimité semble en même temps la limiter. II Dérogations et limites à la protection du domaine public par le principe d'inaliénabilité En effet, si un bien protégé par la règle de l'inaliénabilité ne vient plus à être affecté (à l'usage du public ou à un service public), elle disparait en même temps que son affectation et ne peut plus donc plus protéger ce bien. [...]
[...] 3112-3 : Il est possible d'échanger un bien du domaine public avec un bien appartenant à une personne privée ou relevant du domaine privé d'une personne publique. Le législateur le permet, mais après déclassement. De plus, et même surtout, la loi du 25 juillet 1994 offre la possibilité pour des personnes privées de constituer des droits réels sur le domaine public. Le législateur admet ainsi une possibilité qui apparait pourtant en contradiction avec le principe d'inaliénabilité qu'il entendait tant protéger auparavant. [...]
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