droit administratif des biens, DAB, principe d'intangibilité d'un ouvrage public, ouvrage public mal planté ne se détruit pas
Principe qui n'est inscrit dans aucun texte, il est de tradition de faire remonter l'intangibilité de l'ouvrage public, création jurisprudentielle, à l'arrêt du Conseil d'état de 1853, Robin de la Gimaudière plus connue sous l'adage « ouvrage public mal planté ne se détruit pas ».
Le Conseil d'état, interrogé lors de cette affaire quant à la juridiction compétente pour la remise en l'état d'une propriété privée suite à des travaux publics s'était contentée de passer la question sous silence. Ce n'est qu'en 1956 que le Tribunal des conflits dans un arrêt du 6 février 1956, Consort Sauvy affirme qu'« Il n'appartient en aucun cas aux juridictions judiciaires de prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public ». Aujourd'hui considéré comme inhérent au régime des ouvrages publics, le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public a depuis été consacré avec beaucoup de force par les différentes juridictions.
Selon une définition communément admise, l'ouvrage public résulte tout d'abord du travail de l'homme, en ce sens qu'il aménage le milieu naturel. Il est ensuite un bien immobilier présentant des caractères de solidité, de stabilité et de durabilité, cet ouvrage a également un lien avec l'intérêt général. Le principe vise en pratique le cas où un ouvrage public, le plus souvent résultat d'un travail public et constituant une dépendance du domaine public, a été édifié par erreur sur une propriété privée. L'ouvrage public mal planté serait alors selon la définition de A de Laubadère un « ouvrage public construit irrégulièrement, sciemment ou non, sur un terrain qui n'appartient pas à l'administration ». Or à partir du moment où un ouvrage est défini comme public, il bénéficie de certaines protections. Ce privilège dont bénéficie l'administration est essentiellement fondé sur la nécessité de préserver l'intérêt général auquel est affecté l'ouvrage public ; même illégalement édifié, l'ouvrage public reste affecté à l'utilité générale de sorte que sa destruction causerait un trouble grave à l'intérêt public. Il suffisait qu'un ouvrage soit qualifié de « public » par un juge, pour que le requérant qui en demandait la modification ou la destruction voit sa demande rejetée, obtenant au mieux, une indemnité compensatrice a posteriori pour dépossession forcée irrégulière (arrêt CE, 21 janvier 1978, Commune de Margon). Le juge judiciaire pouvait alors constater du transfert de propriété qu'il a été convenu de qualifier comme « expropriation indirecte » selon M. Hauriou.
Toutefois, sensible à l'anomalie et à l'anachronisme d'une situation trop favorable à la souveraineté des autorités administratives, le Conseil d'état, de même que la cour de cassation puis le législateur ont progressivement été amenés à rendre, à partir des années 1990, des décisions que l'on a pu considérer comme annonciatrices d'une certaine relâche à l'applicabilité stricte du principe d'intangibilité. Suivit de près par la doctrine qui considère ce principe comme étant un « principe en mutation » (S. Brondel AJDA 2003 p761, C.Boutayeb RDP 1999 p1480), certains auteurs se demandent même si ce principe n'a pas un peu vécu.
Alors qu'il convient de se demander s'il est possible de forcer l'administration à détruire un ouvrage public ou si au contraire le principe d'intangibilité prévaut à chaque fois, nous pouvons soulever que l'interdiction faite aux juridictions quant à la destruction d'un ouvrage public mal planté apparaît fragilisée (I). Ce principe semble par une évolution très encadrée tendre à se résumer par la tangibilité plutôt que par l'intangibilité de l'ouvrage public (II).
[...] Le Conseil d'état qui opère un bilan coût-avantage apparaît l'orienté vers le maintien de l'ouvrage et en précisant que la destruction de la cale qui n'est qu' une simple rampe et qui n'a donc qu'un impact limité sur le paysage, la faune et la flore du site déclare que la démolition de la cale des Moulières porterait une atteinte excessive à l'intérêt général L'invocation de l'intérêt général prouve, bien qu'il soit traditionnellement envisagé sous l'angle de la démolition de l'ouvrage, que celui-ci conduire à justifier le maintien de l'ouvrage. Par suite, dès lors que l'intérêt général en cause apparaît comme majeur, l'ouvrage public sera systématiquement maintenu bien qu'irrégulièrement construit (CAA Lyon 18 décembre 2003 Commune de Veurey-Voroize). Enfin, le Conseil d'état contrôlant sévèrement les atteintes souhaitées contre un ouvrage public semble trouver dans l'intérêt économique une justification suffisante au maintien de l'ouvrage. [...]
[...] L'interdiction faite aux juridictions de condamner l'administration à détruire un ouvrage public mal planté : une interdiction fragilisée Alors que le principe d'intangibilité de l'ouvrage public apparaît solidement affirmé cette règle subit progressivement quelques inflexions Ouvrage public mal planté, ne se détruit pas Même si le principe d'intangibilité de l'ouvrage public n'apparaît que suggestivement dans l'arrêt Robin de la Grimaudière de 1853, la doctrine s'est depuis toujours accordée à trouver dans cette décision l'origine du principe. Adage qualifié de vénérable par J. Morand-Deviller, il a été considéré comme un objectif de protection de l'ouvrage public qui même construit par mégarde ne pouvait être détruit car affecté à l'utilité publique et donc à l'intérêt général. Principe entièrement jurisprudentiel, il a reçu de nombreuse application de la part du Conseil d'état et de la cour de cassation. [...]
[...] Cette solution démystifie ainsi le principe d'intangibilité de l'ouvrage public et conduit M-P Maître à considérer en quelque sorte que le ver est dans le fruit Il est ainsi sous-entendu par cette expression un glissement du principe d'intangibilité vers une tangibilité de l'ouvrage public. Par ailleurs, le juge judiciaire, dans un arrêt rendu en assemblée plénière le 6 janvier 1994, Consort Baudon de Mony, a continué d'élargir la brèche en rejetant la conséquence de l'expropriation indirecte En l'espèce, la cour de cassation avait censuré l'arrêt d'appel, relevant l'impossibilité d'ordonner la destruction des ouvrages publics irrégulièrement construit et avait constaté le transfert de propriété à EDF puis a condamné cette entreprise à indemniser les ex-propriétaires. [...]
[...] Il est ensuite un bien immobilier présentant des caractères de solidité, de stabilité et de durabilité, cet ouvrage a également un lien avec l'intérêt général. Le principe vise en pratique le cas où un ouvrage public, le plus souvent résultat d'un travail public et constituant une dépendance du domaine public, a été édifié par erreur sur une propriété privée. L'ouvrage public mal planté serait alors selon la définition de A de Laubadère un ouvrage public construit irrégulièrement, sciemment ou non, sur un terrain qui n'appartient pas à l'administration Or à partir du moment où un ouvrage est défini comme public, il bénéficie de certaines protections. [...]
[...] De même, lorsqu'une affaire est portée devant le Tribunal des conflits, ce dernier rappel dans l'arrêt Consort Sauvy de 1956 que l'autorité judiciaire n'est pas compétente en matière de destruction d'ouvrage public. Également, ce principe apparaissait à l'époque comme justifié par l'autocensure du juge administratif lui-même qui se refusait, bien qu'aucun texte ne l'interdise, à adresser des injonctions à l'administration. Cette autocensure a même été prise pour motif par le Conseil d'état dans l'arrêt CE du 29 octobre 1954, Prudot considérant qu'il n'appartenait pas aux tribunaux administratifs d'adresser des injonctions à l'administration pour rejeter une demande de destruction plutôt que d'user du principe d'intangibilité de l'ouvrage public. [...]
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