Contractualisation, action administrative, limites, processus, service public
Dans son rapport de 2008 sur « Le contrat, mode d'action publique et de production de normes », le Conseil d'Etat (CE) souligne que « L'ascension du contrat, comme mode de production de normes et comme procédé d'action publique, constitue l'un des traits les plus remarquables des dernières décennies. » Le contrat « « convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à faire ou à ne pas faire quelque chose », selon l'article 1101 du code civil, est en effet devenu un instrument privilégié de l'action administrative au sens large, dans sa double fonction de prestation et de réglementation.
Laurent Richer distingue trois phases de cet essor, amorcé selon lui au début des années 1969. La période 1960-1962 serait ainsi cette de « l'économie contractuelle », 1982-1992 celle de « l'administration territoriale », l'année 1992 ouvrant l'époque du « tout contractuel ». Cette évolution traduit en fait un profond renouveau de l'action administrative elle-même, qui a perdu de son caractère unilatéral au profit d'une coopération accrue avec de nouveaux acteurs. L'acte administratif unilatéral, instrument privilégié de l'ancien « Etat gendarme », a donc été marginalisé au profit du contrat, outil plus souple, basé sur la négociation et mieux à même de satisfaire aux nouvelles missions de l'« Etat providence » qui a émergé dans l'après-guerre.
[...] l'affermage, qui se distingue de la concession en ce qu'il consiste à exploiter des installations déjà construites contrairement à la concession, qui charge le cocontractant d'établir des ouvrages du service (CE avril 1987, Commune d'Elancourt), la régie intéressée, dont l'arrêt Marc et Béranger (CE janvier 1912) précise que La différence essentielle avec la concession est que le régisseur intéressé n'est pas rémunéré par les usagers et la gérance, définie plus tardivement, par le décret du 29 octobre 1980 relatif aux modalités d'exploitation des services de transports publics d'intérêt locaux : un tiers exploite le service pour le compte de la collectivité, qui, elle, assure l'intégralité des dépenses et recueille la totalité des recettes du service. La collectivité conserve donc la maîtrise du service, décide seule de la fixation des tarifs et rémunère elle-même le gérant. A la fin des années 1980, la jurisprudence a toutefois dégagé la notion de délégation de service public censée recouvrir partiellement les catégories préexistantes. L'arrêt. [...]
[...] Ainsi plusieurs directives communautaires relatives aux marchés publics de travaux, de fournitures ou de services ont établi une règle de transparence en matière de commande publique, qui vise à mettre fin au morcellement des marchés nationaux de commande publique, en vertu du principe de non-discrimination en raison de la nationalité. La jurisprudence la Cour de justice étend ce principe à tous les types de contrats passés par la puissance publique (CJCE décembre 2000, Telaustria). L'arrêt Coname (CJCE juillet 2005), précise toutefois que le principe de transparence ne s'étend qu'aux contrats susceptibles d'exercer une influence sur le commerce intracommunautaire. Enfin, elle admet des exceptions à ce principe pour les services non prioritaires lorsqu'il n'est pas démontré que leur attribution présente un intérêt transfrontalier (CJCE novembre 2007, Commission c/Irlande). [...]
[...] En matière de gestion du domaine public, la même évolution est constatable : si depuis l'entrée en vigueur décret-loi du 17 juin 1938, les contrats portant occupation du domaine public constituent des contrats administratifs assujettis à un régime juridique de droit public, la loi du 5 janvier 1988 renforce considérablement le champ du procédé contractuel en permettant aux collectivités territoriales et aux établissements publics de conclure des baux emphytéotiques (de longue durée) administratifs. Ces baux conclus pour une durée allant de 18 à 99 ans sont conditionnés par le fait que le cocontractant soit chargé d'une mission de service public ou d'une opération d'intérêt général. Une telle mesure permet donc, dans un contexte de décentralisation, s'assurer la mise en valeur du domaine public tout en ménageant la stabilité de son occupation. Le procédé contractuel s'est aussi considérablement développé en matière d'organisation et de gestion déléguée du service public. [...]
[...] Si la contractualisation a permis de faire évoluer l'action publique vers une plus grande efficacité et un caractère plus coopératif, l'usage du procédé contractuel a requis et requiert toujours des efforts de délimitation et d'adaptation de son cadre juridique aux spécificités de l'action publique. Ainsi, le droit communautaire et la jurisprudence nationale ont peu à peu adapté le droit des contrats aux exigences inhérentes à la conduite de l'action administrative Toutefois, face à l'usage extensif de la notion de contrat la portée normative de certains de ces actes juridiques doit être précisée, voire renforcée L'essor du procédé contractuel dans l'action administrative s'est accompagné d'importantes évolutions de son cadre juridique. [...]
[...] Enfin, le juge est intervenu pour limiter le champ de la contractualisation, en particulier dans les matières dites régaliennes Ainsi, la police administrative ne peut pas faire l'objet de contrats (CE juin 1932, Castelnaudary), principe appliqué dans l'arrêt Commune d'Ostricourt (CE décembre 1997) qui précise qu'une mission de surveillance publique ne peut pas être confiée à une société privée. Il en est de même concernant la délimitation du domaine public (CE juin 1975, Leverrier). La jurisprudence constitutionnelle va dans le même sens, en interdisant l'usage du contrat en matière de police des étrangers (CC février 1992, Conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France) ou encore de surveillance des détenus et de contrôle judiciaire (CC août 2002, Loi d'orientation et de programmation pour la Justice). [...]
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