Libre, concurrence, juge, administratif
Une économie moderne se conçoit aussi bien sur le Marché économique que dans les textes de Loi, et repose comme beaucoup de compromis sur un subtil équilibre entre encadrement du Marché, et protection de l'« égalité d'accès au Marché » ( on parle en droit économique de « liberté d'entreprendre »).
L' Histoire a en effet prouvé que le choix des extrêmes apportait inévitablement son lot de conséquences néfastes : l'État pouvant tantôt tout contrôler, planifier et rejeter l'initiative privée, tantôt laisser à cette initiative privée une quasi toute puissance économique risquant à terme de creuser le déséquilibre qui existe de façon presque systématique sur le Marché.
C'est donc ce compromis économique que les démocraties européennes cherchent aujourd'hui à protéger, d'une part en structurant leur économie, d'autre part en proclamant leur attachement à certains principes de droit protégeant une régulation concurrentielle du marché (cet élan commun s'est entre autres concrétisé à la faveur de la construction Européenne et du Droit Européen : Traité de Rome, 1957, Article 3).
En France, la liberté de concurrence fait depuis longtemps partie du paysage juridique puisqu'elle a été en réalité posé comme sous-principe de la « liberté de commerce et d'industrie » par le décret d'Allarde de 1791. Ces principes juridiques ont tout au long des XIXème et XXème siècles imprégné le tissu normatif du droit public en obligeant l'État a protéger la libre concurrence et a respecter lui même ces règles lorsqu'il souhaitait intervenir en tant qu'acteur économique ou en tant qu'autorité de régulation. ( Le juge administratif sanctionnant alors les éventuels abus ou manquements de l'État.)
Repris ensuite de façon assez abstraite dans la fameuse ordonnance du 1 décembre 1986 relative à la « liberté des prix et de la concurrence », le principe d'une libre concurrence trouve de nos jours un grand nombre d'applications modernes, d'autant plus grand que la concurrence, plus rude, s'est élargie à un niveau international, et que les personnes publiques interviennent régulièrement et de manière déterminante dans l'Économie.
Cependant, le « principe » a aussi acquis cette caractéristique d'être régulièrement cité par les juridictions, mais de conserver une valeur juridique « flexible » : tantôt considéré comme « sous-principe » découlant de la liberté de commerce et d'industrie, tantôt comme principe de droit « quasi » autonome. Cette situation pose juridiquement problème car la « liberté d'entreprendre » de laquelle découle la libre concurrence est, elle, considérée comme une liberté fondamentale par le Conseil Constitutionnel et il paraît audacieux dès lors de citer ce principe dans le contentieux, s'il n'existe qu'indirectement « au travers » d'un autre principe.
Par ailleurs, le fait qu'il existe une volonté réelle de l'autorité publique d'affirmer et de protéger le principe de libre concurrence est en soit une bonne chose, mais il ne faut pas oublier que cette intervention n'est pas dénuée d'intérêt car l'État Français est autant une autorité régulatrice par le biais du juge administratif, qu'un acteur économique de premier plan dans le cadre de ses missions d'intérêt général, ou pour pallier l'absence d'initiative privée. Doté de larges moyens économiques et de par sa nature, de prérogatives de puissance publique, l'encadrement stricte de son activité économique par le respect de ses propres règles de concurrence devient essentielle pour protéger l'équilibre.
Il serait donc intéressant de se demander qu'elle est aujourd'hui la véritable nature de ce que l'on appelle le « principe de libre concurrence » ? Peut-on parler d'un principe reconnu ou d'une chimère juridique ? Peut-il être réellement appliqué de manière « indépendante » par le juge administratif pour sanctionner au besoin la personne publique ?
[...] Katz avait analysé dans sa thèse publiée en 2003 les rapports entre juge administratif et libre concurrence bien qu'aujourd'hui juridiquement datée, il est intéressant de constater que nombres de ses arguments font encore mouche : il y relevait notamment que la tâche du juge administratif doit aujourd'hui inclure de « distinguer » le contentieux des actes administratifs de régulation concurrentielle ( qui doivent mettre en œuvre les règles de concurrence), et le contentieux des actes administratifs « anticoncurrentiels » entravant la libre concurrence. Ce système « deux poids / deux mesures » devient une source de critiques pour les détracteurs de la compétence du juge administratif « en ce que son application des principes du droit de la concurrence peut être influencée par la volonté de distinguer des règles spécifiquement applicables aux personnes publiques, des règles applicables aux entreprises telles que l'ordonnance du 1er décembre 1986 le prévoit. [...]
[...] Le juge administratif, juge «traditionnel» de la libre concurrence. Le juge administratif souvent qualifié de « juge historique » de la concurrence exerce de nos jours un contrôle des actes qui organisent la vie économique de l'État, c'est à dire les actes détachables du comportement économique des agents contrôlé lui par «Autorité de la Concurrence » (remplaçant le Conseil de la Concurrence depuis 2008) . Cette compétence s'articule autour de deux axes principaux : Le droit interne de la concurrence depuis un arrêt CE « Million et Marais » La compétence du juge administratif y vise l'ensemble de l'activité économique de l'État (au niveau local, départemental, national), mais aussi (et surtout) en tant qu'« autorité de réglementation » du droit de la concurrence. [...]
[...] puis nous verrons en quoi la multiplication des textes et des autorités de contrôle a aidé à complexifier la tâche du juge administratif.( La libre concurrence, principe reconnu ou chimère juridique ? Historiquement, le décrèt D'Allarde cité en introduction des 2 et 17 mars 1791 avait établit en son article le principe de « liberté de commerce et d'industrie » duquel découlait entre autre le principe d'une libre concurrence. En outre, le libre exercice d'une profession autrefois régulée par le corporatisme (que le décret abolit), était désormais possible « sous réserve » du respect de l'ordre public. [...]
[...] En France, la liberté de concurrence fait depuis longtemps partie du paysage juridique puisqu'elle a été en réalité posé comme sous-principe de la « liberté de commerce et d'industrie » par le décret d'Allarde de 1791. Ces principes juridiques ont tout au long des XIXème et XXème siècles imprégné le tissu normatif du droit public en obligeant l'État a protéger la libre concurrence et a respecter lui même ces règles lorsqu'il souhaitait intervenir en tant qu'acteur économique ou en tant qu'autorité de régulation. [...]
[...] Pourtant, cette diversité normatives et d'autorités n'est pas sans conséquence puisque nous allons voir dans une seconde partie que d'un point de vue textuel ainsi que pratique le juge administrative peut avoir certaines difficultés à remplir sa mission. Liberté de concurrence et juge administratif, un contentieux de plus en plus complexe Dans cette seconde partie, nous allons revenir sur la timide « autonomisation » de la liberté de concurrence en tant que principe de droit indépendant de la liberté de commerce et d'industrie. [...]
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