liberté, conscience, principe, neutralité, service, public, deux, principes, constitutionnels, antagonistes
A la fin du mois du janvier dernier, une mission parlementaire sur le voile intégral a préconisé une loi d'interdiction du port de la burqa dans les services publics. Le rapport rendu à cette occasion précise que la conséquence de la violation de cette loi ne serait pas de nature pénale mais consisterait en un refus de délivrance du service demandé, par exemple, une femme porteuse d'un voile intégral se rendant à la caisse d'allocations familiales et refusant d'obtempérer ne pourrait pas percevoir ses prestations. Ce serait donc une mesure très contraignante, qui obligerait les femmes porteuses du voile intégral à renier leur culture, car même si un grand nombre de ses opposants le voit comme un signe d'oppression, il reste une marque de culture qu'il n'est jamais facile de désavouer. L'actuelle division de l'opinion publique sur « l'affaire de la burqa » marque toute la difficulté de la conciliation de la liberté de conscience de chacun et du principe de neutralité du service public.
La notion de « liberté de conscience » est souvent mal comprise, car elle est par beaucoup réduite au simple fait de penser ce que l'on veut sans l'exprimer publiquement. C'est évidemment insuffisant, et c'est même la vider de son contenu : l'important est bien sûr la liberté publique de conscience. Elle entretient par ailleurs des liens étroits avec les notions voisines de liberté de religion, d'opinion, de culte et de tolérance qui en sont toutes des déclinaisons. Si l'on admet que la liberté est le droit que possède l'homme d'agir selon son gré et non sous une pression extérieure et que la conscience se définit comme la connaissance de soi, du monde extérieur et la capacité mentale de produire des représentations abstraites, la liberté de conscience pourrait se définir comme le fait qu'un individu puisse choisir lui-même les valeurs et les principes qui conduisent son existence et puisse également les exprimer sans entrave. Cette liberté de conscience est solennellement affirmée à l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l'Etat, et trouve son fondement directement dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lequel « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre établi par la loi», mais est également rappelée par le préambule de la Constitution de 1946, et reprise à l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958. En outre, le Conseil constitutionnel a reconnu à la liberté de conscience une valeur constitutionnelle en la hissant au rang de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République dans une décision du 23 novembre 1977. Le principe de neutralité du service public, c'est-à-dire des organismes destinés à la satisfaction des besoins collectifs, quant à lui, a été pendant longtemps confondu avec le principe constitutionnel de l'égalité des usagers devant le service public. Aujourd'hui, même si ces deux principes restent liés, la neutralité a quand même acquis une certaine autonomie. Elle désigne le fait de ne pas prendre parti et exprime une volonté d'abstention, un souci d'impartialité, d'objectivité. Il résulte clairement de cette définition que le principe de neutralité du service public présente deux aspects distincts. D'une part, et c'est ce qui le rapproche du principe d'égalité, il interdit de discriminer entre les usagers et les candidats à l'accès à la fonction publique en fonction de leur opinion politique, religieuse, syndicale et philosophique, ou encore en fonction de leur race, âge, ou même sexe. D'autre part, il implique que le service public soit protégé de toute tentative de manipulation qui viserait à le convertir en un moyen de propagande, qui viendrait soit de l'intérieur, c'est-à-dire d'un agent public, soit de l'extérieur, ce qui le rapproche du principe de laïcité.
[...] Ainsi, le juge administratif semble très attaché au principe de neutralité du service public ; dans l'exercice de leur fonction, la liberté de conscience des agents publics qui passe forcément par le droit de respecter les principes de sa religion sans en être inquiété, semble être très restreinte. Toutefois, le fonctionnaire ne doit pas se sentir comme un citoyen à part. Ainsi, ce devoir de réserve ne doit pas devenir une « obligation au silence » et les carrières des agents publics ne doivent pas dépendre de leurs opinions. [...]
[...] PARTIE 2 / L'interdiction de l'expression de leur croyances par les agents publics Il est indéniable que les principes de laïcité de l'Etat et de neutralité du service public emportent différentes conséquences dont la neutralité des agents publics dans l'exercice de leur mission de service public. La France tâche de combiner la liberté d'opinion de l'agent public avec cette exigence de neutralité du service public en recourant à la notion d'« obligation de réserve » et de « devoir de stricte neutralité » Toutefois, si les fonctionnaires sont tenus à un devoir de stricte neutralité dans l'exercice de leur mission de service public, leur liberté de conscience est entière à leur recrutement et dans leur vie privée L'obligation de réserve des agents dans l'exercice de leur mission de service public La notion de réserve est apparue pour la première fois dans la jurisprudence du Conseil d'Etat dans un arrêt Bouzanquet du 11 juin 1935, mais ne sera évoquée, sans toutefois être définie, que beaucoup plus tard dans un texte réglementaire officiel ; il s'agit de l'ordonnance de 1958 relative au statut de la magistrature. [...]
[...] Et de même, usager du service public et citoyen ? Car avec l'actuel débat sur la burqa on est amené à se poser la question : l'usager ne perd-t-il pas, peu à peu, sa liberté de conscience ? En fait, comment sont conciliées, dans le cadre des services publics, l'exigence de neutralité et la liberté de conscience des agents publics et de ses usagers ? L'équilibre trouvé pour conjuguer l'exercice de la liberté de conscience et le jeu du principe de neutralité du service public est différent selon que la personne considérée est agent du service public ou bien usager. [...]
[...] C'est donc au juge qu'il revient d'apprécier si les limites que l'administration assigne à la liberté d'expression de ses agents est régulière ou non, le statut général des fonctionnaires ne fixant pas clairement les contours de ce devoir de réserve, et ne l'évoquant même pas comme un devoir du fonctionnaire. L'obligation de réserve n'est pas regardée, en France, comme une « obligation de conformisme », au contraire d'autres pays comme le Royaume Uni ou les Etats Unis, mais comme une obligation de retenue: Elle n'interdit pas non plus à l'agent public de s'exprimer, elle l'oblige simplement, s'il est amené à manifester publiquement ses opinions, à mesurer les mots et la forme dans lesquels il les exprime, et lui défend d'utiliser sa fonction comme moyen de propagande, ou de faire des actes ou des déclarations de nature à mettre en doute sa neutralité. [...]
[...] Malgré les efforts du Conseil d'Etat pour encadrer la liberté de conscience des élèves des collèges et lycées, et plus précisément, de leur droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses, les contentieux n'ont cessé de s'accroître. Il était devenu trop difficile de distinguer les circonstances dans lesquelles ce droit pouvait être exercé, et notamment si un signe d'appartenance à une communauté religieuse était ou non prosélyte. Le seul moyen pour mettre fin à ces incidents à répétition, à ces exclusions tantôt licites, tantôt illicites c'était le vote d'une loi qui fixe clairement les limites de la liberté de religion des élèves. [...]
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