Juge, administratif, censeur, loi
« Le juge est la bouche qui prononce les paroles de la loi ». Cette formule célèbre tirée de l'Esprit des lois de Montesquieu illustre parfaitement le rôle auquel s'est cantonné le juge durant des décennies. Néanmoins cet énoncé mérite d'être largement nuancé. Le juge certes se doit de faire respecter et d'appliquer la volonté du législateur mais il peut dans certains cas endosser le rôle de censeur de la loi. Sans arriver à chaque fois à cette extrémité, l'interprétation de la loi par le juge l'éloigne semble-t-il de l'affirmation émise par le philosophe des Lumières.
[...] Le juge administratif apparaît ici comme un censeur de la loi car il se déclare compétent pour accomplir un contrôle sur cette dernière. Il peut la censurer en la déclarant conventionnelle ou pas. Un contrôle de constitutionnalité qui s'ouvre au juge administratif Reforme constitutionnelle de 2008 : Instaure la question prioritaire de constitutionnalité prévue à l'article 61-1 de la Constitution Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garanti, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de Cassation dans un délai déterminé = tout justiciable lors d'un procès peut soulever l'inconstitutionnalité d'une disposition législative si elle porte atteinte aux droits&libertés prévu par la Constitution. [...]
[...] Debut de sa disparition ? La question de constitutionnalité revêt un caractère prioritaire face au contrôle de conventionnalité = garantie de la primauté de la Constitution = Protection des droits&libertés car la question prioritaire de constitutionnalité abroge la disposition alors que le contrôle conventionnalité écarte la disposition lors d'un litige. Il faut savoir que : Le Conseil d'État est conduit à exercer un contrôle de la compatibilité de la loi avec la Constitution dans le cadre de l'abrogation implicite (CE,15decembre 2005Ministre des aff.sociales,du travail&de la solidarité) :possibilité du contrôle de l'abrogation implicite d'une loi par la Constitution lorsque la Constitution est entrée en vigueur après la loi en question = montre que le Conseil d'État reconsidère sa position relative à l'appréciation de la constitutionnalité des lois à défaut de contrôle de constitutionnalité, contrôle de compatibilité. [...]
[...] Mais, il n'opérera pas de revirement de jurisprudence en matière de contrôle de constitutionnalité et se cantonnera à réaffirmer sans cesse son incompétence du fait de la théorie de la loi-écran dont l'arrêt le plus célèbre reste Arrighi en 1936. Cependant la réforme constitutionnelle de 2008 fait l'objet de nombreuses controverses. Cette dernière instaure la question prioritaire de constitutionnalité c'est à dire un contrôle de constitutionnalité effectué par le Conseil Constitutionnel a posteriori et pouvant être invoqué par tout justiciable lors d'un procès. [...]
[...] Le juge administratif se dresse comme un serviteur de la loi : il ne veut pas s'interposer et nuire à la volonté du legislateur le juge n'est pas elu, il n'a pas à remettre en cause la volonté générale. reviendrait à bouleverser la volonté d'un organe politique (Parlement) par un organe juridique(Conseil d'Etat) déséquilibre des pouvoirs. Bouleversement dans la hiérarchie des normes : Si le juge administratif peut censurer la loi au nom de la Constitution, cela signifie que le juge se place au dessus du législateur puisqu'il contrôle ses actes. [...]
[...] Il est certain qu'avec l'affirmation de la compétence du juge administratif pour le contrôle de conventionnalité l'écran législatif a totalement disparu et que la création de la question prioritaire semble offrir une possible ouverture en matière de contrôle de constitutionnalité ce qui amenerait à sa disparition définitive. Cependant, cette démonstration mérite d'être largement nuancée car les juges refusent systématiquement tout contrôle de constitutionnalité et vis à vis de la réforme constitutionnelle de 2008, cette dernière ne semble pas avoir un impact si considérable. Si le juge tends à devenir un censeur de la loi il n'en reste pas moins avant tout un serviteur (II). [...]
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