Droit administratif des biens, Hypertrophie du domaine public, domaine public, CGPPP, code général de propriété des personnes publiques, domanialité publique
En s'interrogeant sur la question d' "un État sans domaine?'' dans sa tribune paru à l'AJDA du 26 mai 2003, Phillipe Yolka analyse des conséquences à long terme de la politique de cessions des biens publics du domaine public vers le domaine privé. Au début des années 2000, cette politique répond à un impératif de valorisation économique et de gestion assouplie des biens publics. Cet impératif s'est imposé suite au constat de la rigidité des règles de la domanialité publique appliquées à certains biens. Au départ le domaine public recouvrait les biens de l'Etat et des Collectivités territoriales soumis à un régime plus strict que les autres biens pour préserver leur utilité. L'absence de définition précise du domaine public a conduit au fil du temps à étendre considérablement le champ de cette domanialité publique et donc l'application de règles plus rigides pour certains biens. Le terme d'hypertrophie apparaît dans les années 20 dans la thèse de Jean Waline relative aux mutations domaniales et est dénoncée constamment depuis par la doctrine. Ces dénonciations visaient à dénoncer la surabondance de biens incorporés au domaine public et donc soumis à un régime plus contraignant parfois même incompatible avec leur affectation. Dans une optique de réduction du champ de cette domanialité publique le CGPPP est venu poser une définition précise du domaine public, l'article L2111-1 dispose ainsi : « Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L1 est constituée des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ».
L'intérêt est de mettre en lumière la conception évolutive du domaine public en fonction des impératifs économiques et juridiques de clarté du droit qui ont conduit la doctrine, la Jurisprudence et le législateur à évoluer jusqu'à l'adoption du CGPPP, auquel il manque encore la partie règlementaire.
Ainsi il convient de s'interroger sur les causes de cette hypertrophie du domaine public ainsi que sur les influences ayant conduit aux différentes réactions du juge et du législateur jusqu'à l'adoption du CGPPP.
Le constat et l'analyse des causes de l'étendue excessive du domaine public ainsi que les réactions que cela à suscité conduit à envisager tout d'abord une hypertrophie dénoncée et prise en compte tardivement par le législateur et la Jurisprudence (I). Les incertitudes sur la définition de la domanialité publique et les impératifs accrus de valorisation économique des biens publics conduisent à évoquer l'hétérogénéité du régime de la domanialité publique comme nuance à la réaction du CGPPP face à l'hypertrophie du domaine public. (II)
[...] De plus cela entrainait une extension abusive de la domanialité publique, en considérant qu'une anticipation d'affectation engendrait la domanialité publique du bien. Ces diverses constatations ont été prises en compte dans le CGPPP, qui abandonne toute référence au domaine public virtuel, il laisse donc à la Jurisprudence le soin de statuer sur la survie ou non de cette théorie qui semble néanmoins amenée à disparaitre. Même si le professeur Fatome a notamment avancé que le commencement de l'aménagement indispensable pour l'affectation au SP pouvait entrainer l'incorporation du bien au DP. [...]
[...] - Ce sont des régimes dérogatoire au droit commun qui ont conduit à une réduction certaine du champ de la domanialité publique pour des impératifs économiques et de souplesse de gestion. 1° Les biens de France Télécom, lorsqu'elle a été transformée en EPIC en puis privatisée en 2004, n'a pas supprimé un certain régime d'exception pour ces biens, qui doivent rester affecter au service public, avec un certain contrôle de l'État sur l'usage qui est fait de ces biens. 2° La loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports a décidé le déclassement sans désaffectation des biens ( ceux non nécessaires à l'exercice par l'État de ses missions de service public relativement au secteur aéroportuaire) d'Aéroports de Paris, quand cet EP fut transformé en SA. [...]
[...] * Le rapport du CE de 1986 et un avis du 31 janvier 1995 avaient mis en exergue l'hypertrophie du domaine public, les limites du régime de la domanialité dans le cadre d'une valorisation du domaine des collectivités publiques. Conscient de cela le législateur a alors dans ce souci de fluidifier la gestion du domaine public immobilier de son domaine et de celui des EP notamment procédé à divers déclassements notamment concernant les biens de France Télécom en dont la constitutionnalité a été admise en 1996, et de la Poste en 2001. [...]
[...] 4° Dans une optique différente, les immeubles de l'État et de ses EP à usage de bureaux font partie de son domaine privé selon les termes de l'ordonnance du 19 août 2004. Ceci afin de permettre leur aliénation sans désaffectation pour que l'État les reprenne à bail ensuite. Cependant dans une logique de protection des nécessités du service public, des clauses doivent prévoir la continuité du service public. Le CGPPP aujourd'hui à l'article L2211-1 alinéa 2 prévoit que les "biens immobiliers à usage de bureaux, à l'exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobilier appartenant au DP" relèvent du domaine privé. [...]
[...] Des biens répondant aux conditions de la domanialité publique peuvent être cédés ou échangés avec au profit de personnes privées. Comme le souligne Odile David de Beaureagard Berthier, ces initiatives affaiblissent la portée de la distinction domaine public, domaine privé, tout en augmentant la part des biens privés affectés à la satisfaction de l'intérêt général. Ce qui a pour effet de réduire le périmètre de cette domanialité publique. L'apport inachevé du CGPPP quant à la réduction du périmètre de la domanialité publique. [...]
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