Juridiction, ordre juridictionnel, conserver, dualité, pertinence, séparation, droit public, droit privé, compétences, jurisprudence
La dualité des ordres de juridiction repose sur la séparation du droit public et du droit privé, théorie qui guide le système juridique français, et consiste en une répartition de compétences entre deux juridictions distinctes : l'ordre administratif, soumis au contrôle du Conseil d'Etat, et l'ordre judiciaire, soumis à la Cour de Cassation. Ce sont deux ordres constituants séparément, selon le dictionnaire juridique de Cornu, "un ensemble juridique distinct et hiérarchisé de juridictions de même nature". Les juridictions composant l'ordre judiciaire sont les juridictions civiles et répressives, résolvant les litiges des intérêts particuliers. Quant aux juridictions composant l'ordre administratif, elles sont composées de fonctionnaires inamovibles soumis à l'autorité du Premier ministre ou du ministre de l'intérieur, qui résolvent des litiges mettant en cause l'intérêt général selon les règles spécifiques du droit administratif, et dans le but de protéger les citoyens tout en permettant de conserver la puissance de l'administration. Si un conflit apparaît entre ces deux ordres, le tribunal des conflits intervient, composé de 4 conseillers d'Etat et de 4 conseillers à la Cour de Cassation, (dont le Président est le Garde des Sceaux qui intervient en cas d'égalité des voix).
Un simple premier coup d'oeil à la jurisprudence permet de voir que la répartition des compétences est parfois malmenée, puisque le juge administratif est amené à appliquer le droit civil et le juge judiciaire à appliquer le droit administratif. Cette superposition et donc confusion de compétences, s'accompagne de nombreux inconvénients pratiques. Ainsi, de nombreuses critiques sont adressées à ce système, dont la pertinence s'est accrue notamment par la mondialisation, la perte de puissance de l'Etat, l'émergence des marchés financiers, etc.
On peut alors se demander si la justification actuelle du maintien de la dualité des juridictions est toujours valide, s'il faut au contraire l'abolir et établir l'unité de l'ordre juridictionnel, ou bien s'il ne faudrait pas, non pas révolutionner le système mais articuler les particularités de la spécialisation des juges avec une nécessaire évolution vers un ordre juridictionnel plus clair.
[...] ( L'idée de l'autonomie de la juridiction administrative a longtemps été considérée comme spécifique à la France. Dès l'Ancien Régime, sous le règne de Philippe le Bel, existait un Conseil du Roi composé de maîtres de requêtes et des conseillers d'Etat, donnant son avis sur les questions administratives et les litiges intéressant les affaires publiques. La révolution conserva cet héritage: l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 dispose que : Les fonctions judiciaires sont toujours distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. [...]
[...] De plus, les "administrative tribunals" se multiplient dans les domaines notamment de l'immigration, de l'aide sociale et de la sante, ainsi que de la fiscalité. En 2000, une Administrative Court est formée au sein de la High Court de Londres. Si les mêmes tribunaux traitent les procès civils et administratifs, des chambres spécialisées existent, même si l'influence de la CEDH tend plutôt vers l'unicité de juridiction, tout comme d'autres pays tel que les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l'Inde ou Israël. [...]
[...] Le commissaire du gouvernement a d'ailleurs dit dans ses conclusions: il nous semble impossible, en bonne raison et en bonne justice, d'assimiler complètement l'Etat à un simple particulier Cet héritage provient de la peur du "gouvernement des juges" (héritière des Parlements hostiles aux réformes) et donc de l'évolution historique de l'ordre juridictionnel français qui a voulu empêcher l'intrusion du juge judiciaire dans les litiges administratifs. En effet, l'édit royal de Saint- Germain-en-Laye en 1641 avait déjà pour but d'éloigner les tribunaux des affaires du gouvernement. Il représente l'interprétation française de la séparation des pouvoirs. ( Cependant, puisque la méfiance à l'égard du juge judiciaire, fondement principal de l'interprétation française de la séparation des pouvoirs, n'existe plus, on pourrait imaginer que cette dernière puisse être révisée. Mais la dualité des juridictions se justifie par le particularisme du droit administratif. [...]
[...] Conclusion On voit donc bien que la dualité de l'ordre juridictionnel français est de plus en plus difficile à justifier. En effet, le système juridique, selon François Ost, cherche à intégrer le "milieu" écologique et social dans lequel l'homme évolue. Néanmoins, le fait que l'activité administrative soit complexe et nécessite une spécialisation des juges reste un argument fort en faveur de son utilité. Ainsi, l'enjeu est moins de conserver ou d'abolir la dualité de juridiction, que de réformer l'ordre juridictionnel, en abandonnant cette fausse représentation de la réalité. [...]
[...] Ils doivent identifier la juridiction compétente, puis courir le risque de ralentissement (dû aux questions préjudicielles qui peuvent avoir lieu entre juge judiciaire et juge administratif afin que chaque juge statue sur une règle de droit de sa compétence, ou encore à travers la saisine du Tribunal des conflits si un problème de répartition de compétences se pose). ( En outre, des arguments idéologiques font que le principe même de dualité de juridiction est dépassé. On a vu, certes, que l'ancrage historique déterminait la justification de la dualité de juridiction française, mais on peut se demander si le poids de l'histoire comporte encore aujourd'hui, dans notre système, une telle puissance. Il semble plutôt que la législation s'adapte aux faits sociaux de notre temps, la société étant en perpétuel mouvement. [...]
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