Évolutions de l'action publique, éviction du droit administratif, France, notion de puissance publique, intérêt général, Etat-providence, action publique
« Le droit administratif est l'ombre de l'État, éclairé par la lumière du siècle. L'ombre varie avec le siècle et ses Lumières, mais vouloir s'en défaire relève moins du libéralisme que de l'utopie » écrivait en 1988 Jean BOULOUIS dans la revue Pouvoirs. On présente le plus souvent le droit administratif comme un ensemble des règles dérogatoires au droit privé auxquelles est soumise l'Administration, bien qu'elles ne s'appliquent pas qu'à elle, et qui est essentiellement d'origine jurisprudentielle. Il arrive également que l'on parle du droit administratif au sens large, auquel cas on renvoie alors au droit auquel est soumise l'Administration, qu'il soit privé ou dérogatoire au droit privé. L'administration est un terme qui peut revêtir deux sens. Au sens matériel du terme, l'administration désigne généralement la fonction d'administrer ou de gérer, et ceci dans le but de garantir l'intérêt général. Si l'on retient en revanche le sens organique du terme, l'Administration désigne à la fois les personnes publiques chargées de la fonction administrative et les personnes privées associées à cette fonction. On parle d'action publique pour désigner l'action des différentes personnes publiques qui concourent à l'intérêt général et des personnes privées qui y sont associées. Deux courants doctrinaux s'opposent sur le fondement du droit administratif.
[...] L'extension champ de l'action publique, facteur de remise en cause du droit administratif L'extension champ de l'action publique a entraîné une éviction progressive mais néanmoins partielle du droit administratif A. L'extension du champ de l'action publique Du XIXe au années 1980 le champ de l'action publique s'est considérablement élargi. L'administration a pris en charge de nouvelles activités comme les transports, la sécurité sociale, la culture, l'éducation, les hôpitaux et la production de certains biens et services, auxquelles on a donné la dénomination de service public. [...]
[...] Malgré tout, cette éviction du droit administratif n'est que partielle. Elle ne concerne que les entreprises publiques et rien n'empêche le juge administratif d'appliquer des règles du droit administratif s'il l'estime nécessaire. Par exemple le Tribunal des conflits a pu qualifier d'acte administratif un acte pris par une personne morale de droit privé gérant un SPIC (TC Epoux Barbier). Il arrive fréquemment que le juge combine des règles du droit administratif et du droit privé. Le juge peut aussi simplement s'inspirer des règles du droit privé pour trancher le litige (CE Ass Trannoy) Si l'on peut justifier que les entreprises publiques soient soumises au droit privé, on peut difficilement imaginer une suppression totale du droit administratif qui priverait l'administration de ses prérogatives de puissance publique, dont elle a besoin pour faire triompher l'intérêt général. [...]
[...] Aujourd'hui la soumission des entreprises publiques au droit privé trouve d'autres justifications. On invoque notamment la règle de la spécialité (specialia generalibus derogant) pour faire application du droit privé. Cette règle s'applique sauf si le juge estime qu'il faut y déroger pour un motif d'intérêt général. On avance également l'effet des normes communautaires, par exemple parce que le juge administratif fait également application du droit européen de la concurrence (CE Société Million et Marais) ou parce qu'elles ne font pas la distinction entre entreprises privée ou publiques. [...]
[...] Pour HAURIOU, le droit administratif est fondé sur la puissance publique, sur la nécessité des personnes publiques de pouvoir imposer leurs décisions unilatéralement aux administrés pour faire prévaloir l'intérêt général. Par conséquent il doit nécessairement déroger au droit privé. Le second est l'École du service public, fondé par le professeur Léon DUGUIT, pour lequel le droit administratif est un instrument de la solidarité sociale. Le fondement de l'autonomie du droit administratif est alors le service public, comme le soutenait le commissaire du gouvernement David devant le Tribunal des Conflits dans l'affaire Blanco (1873). Le service public est une activité d'intérêt général assurée ou assumée par l'Administration. [...]
[...] A cette contestation de l'Etat-providence s'ajoute une modification du rapport de force entre l'Administration et les individus au profit de ces derniers. Le caractère autoritaire des actes administratif a été atténué par les lois de 1978 et 1979 donnant accès aux documents administratifs et imposant la motivation des actes administratifs. Les administrés se transforment en citoyens comme le montre la loi du 12 avril 2000 et les usagers se transforment petit à petit en consommateurs Les citoyens et les entreprises privées conçoivent de moins en moins l'utilité des privilèges que le droit administratif accorde à l'Administration comme exemple le privilège du préalable (le fait que les décision de l'administration deviennent exécutoire dès le moment qu'elles sont signées), le statut des fonctionnaire, l'insaisissabilité des deniers publics, le pouvoir de modification ou de résiliation unilatérale d'un contrat administratif, prohibition de l'usage de voies d'exécution du droit privé à l'encontre des personnes publiques, l'obligation parfois faite d'exercer un recours administratif avant d'exercer le recours contentieux ou encore l'impossibilité d'établir des servitudes sur le domaine public. [...]
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