Contentieux de la fonction publique, article 6 de la CEDH, notion de patrimonialité, Cour européenne des droits de l'homme, arrêt Vilho Eskelinen
L'article 6 de la CEDH est certainement l'article qui a connu le plus de développements au fur et à mesure de son interprétation par les juges de Strasbourg. Il dispose dans son 1 que chacun a droit « à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi ». Le champ d'application prévu par cet article porte sur « le jugement des contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil et des accusations en matière pénale ».
Au vu de ces éléments, l'inclusion des contentieux de la fonction publique était loin d'être évidente. Elle a commencé à se faire à partir du début des années 90, à la faveur d'une interprétation constructive de cet article par la Cour . Cette interprétation prévoyait initialement l'application de l'article 6 chaque fois que les contentieux avaient notamment une incidence patrimoniale, permettant ainsi de les relier à cet article 6 grâce à la notion de droits et obligations de caractère civil. Fondée sur des critères plus ou moins incertains, elle a connu deux évolutions importantes en 1999 avec l'arrêt Pellegrin c/France et tout récemment en avril 2007 avec un dernier revirement de la cour dans l'affaire Vilho Eskelinen et autres c/Finlande.
[...] Ce critère reposerait sur la modification de la situation juridique d'une personne. Pour les auteurs de cette opinion dissidente, l'article s'applique à toute personne dès que sa situation juridique est modifiée par un litige, que cette personne soit fonctionnaire ou non. Pour les autres travailleurs, c'est une garantie tellement essentielle qu'elle constitue un droit fondamental, c'est pourquoi, il n'y aurait pas de raisons d'en priver les personnes qui relèvent du service public. Ces personnes voient leurs vies profondément influencées par leur salaire, licenciement ou mutation, c'est pourquoi ils doivent bénéficier des garanties du procès équitable. [...]
[...] Puis il fallait déterminer si dans le cadre d'une de ces catégories de postes, il occupait bien des fonctions pouvant relever de l'exercice de la puissance publique (notamment au regard de sa position dans la hiérarchie). Sur cette base, des décisions peu cohérentes ont été prises. Ainsi, dans l'affaire Veresova c/Slovaquie, il s'agissait d'une juriste travaillant pour la police nationale. L'application de l'article 6 a été écartée non pas par rapport à la nature des fonctions exercées par l'intéressée, mais par rapport à la nature des fonctions et des responsabilités de l'ensemble du service de police, sans tenir compte du rôle de la requérante dans l'organisation. [...]
[...] Tout d'abord, La Cour considère que l'application du critère de l'arrêt Pellegrin suscite des anomalies. En l'espèce, notamment, une assistante administrative se trouve privée du bénéfice de l'article 6 alors que ces fonctions ne lui conféraient aucune prérogative de puissance publique. Cet aspect qu'évoque la cour est sujet à critique. Dans cette affaire, le Gouvernement finlandais s'appuyait sur une jurisprudence de la CEDH elle-même, où une juriste travaillant pour la police s'est vue exclure du bénéfice de l'art en raison de la nature des fonctions et des responsabilités de l'ensemble du service de police[19]. [...]
[...] Le concept autonome est une technique désormais classique utilisée par la Cour dans différents domaines. Il s'agit d'une notion commandant l'application d'un droit processuel garanti par la convention et dotée par la cour d'une définition de nature matérielle différente de celle retenue par le droit interne de l'État défendeur L'utilisation de concepts autonomes par la Cour représente un avantage en ce sens qu'elle renforce l'égalité entre les États membres, en appliquant la même définition qu'elle que soit l'origine des affaires traitées. [...]
[...] Désormais, pour que le contentieux relatif à un agent public soit soustrait aux exigences de l'art une double condition doit être remplie : Tout d'abord, le droit interne de l'État concerné doit avoir expressément exclu l'accès à un tribunal s'agissant du poste ou de la catégorie de salariés en question. Et cette dérogation doit reposer sur des motifs objectifs liés à l'intérêt de l'État. Cette condition fait dire à M. Rolin que seules les hypothèses dans lesquelles l'État aura jugé nécessaire pour la protection de ses intérêts d'exclure l'accès au prétoire pourront échapper aux prescriptions de l'article 6§1[14]. Il souligne l'importance et les conséquences de ce critère en prenant l'exemple des sanctions militaires. [...]
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