Commentaire de l'arrêt : Conseil d'Etat, 30 octobre 2001, Ministre de l'Intérieur c/ Mme Tliba. Note correspondant à un 13/20 ; 3 pages : écriture soignée
La réponse à cette interrogation peut s'articuler de la façon suivante, par l'analyse des éléments de définition d'une liberté fondamentale (I), puis par l'examen des conditions de mise en jeu du référé-liberté (II).
[...] Après avoir déclaré l'urgence, le Conseil d'Etat qualifie le droit de mener une vie familiale normale de liberté fondamentale en s'appuyant sur deux critères : il constitue la liberté de toute personne de vivre avec sa famille et il estime que le droit protège cette liberté contre les ingérences de l'autorité publique Il reprend dans son raisonnement la jurisprudence Commune de Venelles où le juge administratif qualifie le principe de libre administration de liberté fondamentale qui doit être une liberté essentielle et spécialement protégée par le législateur et par le droit. A La nature d'une liberté essentielle Il faut se demander ce qu'est une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2: c'est une notion qui recouvre à la fois des libertés et des droits, une notion que le législateur n'a pas voulu déterminer ou encadrer, qu'il a donc laissée au juge le soin de qualifier. Mais c'est aussi une notion que la jurisprudence a déjà acceptée et approuvée. [...]
[...] L'atteinte à une liberté fondamentale se détermine au cas par cas. Certaines libertés fondamentales peuvent subir des restrictions sans que ces limitations ne constituent une atteinte grave à la substance de ces droits (CE nov Commune de Montreuil-Bellay: liberté d'entreprendre). Le comportement du requérant peut même empêcher la réalisation de l'exigence de gravité de l'atteinte à la liberté fondamentale (CE mars 2001 Ministre de l'Intérieur Djalout). Toutefois, certaines mesures constituent une atteinte grave à une liberté fondamentale, comme les mesures d'expulsion du territoire français, ce qui est le cas dans cet arrêt où elle peut faire l'objet d'une mesure d'exécution d'office par l'autorité administrative, n'est pas susceptible de recours suspensif devant le juge de l'excès, et fait directement obstacle à la poursuite de la vie en commun des membres d'une famille Alors qu'un refus de titre de séjour à un étranger possédant des liens familiaux en France ne porte pas atteinte à la liberté fondamentale du requérant de vivre avec sa famille (CE mars 2002 Fikry). [...]
[...] Cet écart d'intensité est clairement illustré dans l'affaire Tliba. La requérante - estimant que son expulsion portait atteinte d'une manière manifestement excessive à son droit de mener une vie familiale normale aurait pu ainsi susciter un doute sérieux dans un référé-suspension (en invoquant l'article L. 521-1), mais - ici - ce simple doute ne peut convaincre le juge. En effet, aucune faute grossière n'a été commise par le ministre en retenant une nécessité impérieuse : la condition tendant à l'illégalité manifeste n'est donc pas remplie. [...]
[...] B Une illégalité manifeste absente dans le cadre du référé-liberté L'urgence de l'article L. 521-2 est appréciée de manière plus sévère que celle du référé-suspension et de son article L. 521-1: le requérant doit faire état d'une condition plus rigoureuse que celle du moyen propre à créer un doute sérieux. L'acte ou le comportement litigieux doit porter une atteinte manifestement illégale à la liberté fondamentale invoquée. Or le juge du référé-liberté est le juge de l'évidence. Ainsi - eu égard au caractère spécifique mais limité de son office - certains moyens ne sont pas susceptibles d'être invoqués. [...]
[...] Or une liberté à valeur constitutionnelle et figurant dans un texte à applicabilité directe a une influence indéniable sur sa qualification par le juge administratif. On comprend alors pourquoi un tel droit a été qualifié de liberté fondamentale par le juge des référés dans cet arrêt: l'inverse aurait été paradoxal au regard de la jurisprudence précitée. Le Conseil d'Etat a ainsi adopté une démarche pragmatique et autonome. Cependant, la mise en œuvre de l'article L. 521-2 est subordonnée à l'existence d'une atteinte à une liberté fondamentale qui doit être grave et manifestement illégale. [...]
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