action, personne publique, contre l'agent, responsabilité, faute
De manière parallèle, mais pas entièrement comparable, à la responsabilité civile, la responsabilité classique fondée sur la faute de l'administration est concurrencée par des régimes de responsabilité sans faute. Cela n'est pas étonnant car, longtemps, régna le dogme de l'irresponsabilité extracontractuelle des personnes publiques. Par exemple, Léon Duguit avait souligné avec humour qu'on ne peut pas déjeuner avec une personne morale et, plus sérieusement, que l'Etat étant une personne abstraite, comment pourrait il commettre des fautes?
Cette conception de l'irresponsabilité de l'administration n'était pas satisfaisante. Elle a freiné la volonté protectrice du juge administratif, volonté allant dans le sens d'une plus facile indemnisation des dommages causés par l'administration. Ainsi, des raisons pratiques évidentes condamnaient le maintien de l'irresponsabilité. L'ampleur des dommages dus à l'administration, croissant avec le développement de son action et la puissance de ses moyens, faisait de leur réparation, une nécessité sociale.
D'abord reconnue, en dehors même des cas ou un texte précis la consacrait, pour les actes dits de gestion, qui ne mettaient pas en jeu la souveraineté de l'Etat, elle fut admise en principe par le célèbre arrêt Blanco (TC, 8 février 1873) qui affirme: « La responsabilité qui peut incomber à l'Etat pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public (…) n'est ni générale, ni absolue; elle a ses règles spéciales ». Si restrictive que puisse paraître la formule, elle n'en consacre pas moins l'existence d'une responsabilité de la puissance publique, indépendamment de tout texte.
Pour reprendre la formule de l'éminent civiliste Marcel Planiol, la faute est « un manquement à une obligation préexistante ». Donc la faute de l'administration est une violation d'une obligation administrative. Cependant, l'administration, étant une personne morale, elle ne peut agir que par l'intercession de ses agents. Dès lors, quand une faute est commise et qu'elle entraîne un dommage, qui est responsable?
[...] La puissance publique dispose, dès lors, de moyens réels et efficaces pour pourvoir agir contre son agent. Pourtant, l'irresponsabilité des agents publics semble maintenue. L'irresponsabilité maintenue des agents publics? En effet, la portée de la jurisprudence Laruelle et Delville ne doit pas être surestimée. L'action récursoire ouverte à la puissance publique contre ses agents n'est que rarement utilisée, et plus exceptionnellement encore à mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie administrative, en raison de son objectif quasi disciplinaire (D. Bordier, La faute personnelle, l'agent public et les finances publiques). [...]
[...] Dans un arrêt Pelletier en date du 30 juillet 1873, il estimera en effet que les lois révolutionnaires établissaient deux prohibitions distinctes l'une destinée à protéger l'acte administratif l'autre destinée surtout à protéger les fonctionnaires publics Au terme de ce raisonnement très constructif le Tribunal des conflits distinguait entre deux catégories de fautes, la faute personnelle et la faute de service. La faute personnelle de l'agent public engage sa responsabilité devant le juge judicaire, sans qu'il soit désormais besoin d'obtenir l'autorisation du Conseil d'Etat. [...]
[...] Il existe, d'ailleurs, deux catégories d'actions récursoires. Celle intentée par l'agent contre son administration, qu'il estime pour tout ou partie responsable du préjudice pour lequel il vient d'être condamné pour faute personnelle (arrêt Delville). Une deuxième catégorie, la plus innovatrice, d'actions récursoires recouvre celles entreprises contre l'agent par son administration, sanctionnée pour faute de service ou faute non dépourvue de tout lien avec le service. Dans l'arrêt Laruelle, l'administration, condamnée à réparer un accident provoqué par le défaut de surveillance et la mauvaise organisation du service, se retourne contre son agent, prouve que ladite faute de service fut provoquée par ses manœuvres, et obtient ainsi le remboursement de la totalité des indemnités versées à la victime. [...]
[...] La personne publique avait donc des moyens très réduits pour pouvoir agir contre son agent, responsable du dommage. Ce manque de moyen d'action est d'ailleurs renforcé par l'adaptation du critère temporel, souvent déterminant dans la qualification de la faute, et, en général, bénéfique à l'agent. Le critère temporel aménagé: la faute non dépourvue de tout lien avec le service Le critère temporel est souvent déterminant dans la qualification de la faute. En règle général, la faute commise pendant le service est une faute de service (CE novembre 2006, Mme Baillet); la faute commise en dehors du service est une faute personnelle (CE juin 1954, Dame veuve Litzler). [...]
[...] Cependant, l'administration, étant une personne morale, elle ne peut agir que par l'intercession de ses agents. Dès lors, quand une faute est commise et qu'elle entraîne un dommage, qui est responsable? L'article 75 de la Constitution de l'An VIII avait mis en place le système dit de la garantie des fonctionnaires ceux-ci ne pouvaient voir leur responsabilité mise en jeu qu'avec l'accord du Conseil d'Etat. celui-ci ne l'octroyant quasiment jamais, la responsabilité des fonctionnaires n'existait pas. Avec la suppression de la garantie des fonctionnaires (décret-loi du 19 septembre 1870), la question se pose à nouveau: quand une faute est commise, qui est responsable? [...]
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