« Le désordre matériel est le symptôme qui guide la police comme la fièvre est le symptôme qui guide le médecin ». Ainsi est-ce de ce point de vue que le juriste Maurice Hauriou envisage, en 1919, l'objet de la mission de police administrative générale : prévenir toutes les atteintes à l'ordre public. Cette vision est tout à fait justifiée par l'article L2212-2 du Code des Collectivités territoriales : « l'ordre public est le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique ». Le maire peut en effet prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect de l'ordre public. Il peut par exemple interdire la tonte du gazon dans sa commune les dimanches dans un souci de tranquillité publique. La police administrative est alors là pour intervenir dans les cas ou cet ordre public serait menacé. Elle doit en outre respecter la liberté des individus et son champ d'application n'est alors pas total. Cette police ne doit donc pas poursuivre un objectif moral.
Pour autant il peut arriver que celle-ci intervienne pour préserver l'ordre moral. Par exemple, un maire peut interdire la projection d'un film en raison du caractère immoral de celui-ci par rapport aux circonstances locales. Ainsi l'autorité de police est-elle ici amenée à porter un jugement sur la moralité du film : est-il susceptible de porter atteinte à l'ordre public de par son caractère potentiellement immoral ? Il convient ici en effet de prendre en considération l'idée véhiculée par le film et son impact sur le public à un moment donné. On peut néanmoins se demander si la mesure aurait été prise si le film était paru des années plus tard ou si la population concernée avait été autre. Le domaine d'intervention de la police administrative, garante de l'ordre public est alors très large, mais il dépend avant tout de l'évolution des moeurs dans l'espace et dans le temps.
L'administration doit alors se confronter aux idées véhiculées par la population à un moment donné et en fonction du lieu pour préserver l'ordre public.
En ce sens-là, on peut alors se demande si la moralité est une réelle composante de l'ordre public ?
[...] En ce sens-là, on peut alors se demande si la moralité est une réelle composante de l'ordre public ? La notion de moralité publique a au fil des années gagné en considération ) , mais la jurisprudence entend néanmoins séparer cette notion du tryptique composant l'ordre public ( II ) . La prise en compte d'un ordre moral au sein de l'ordre public Si le Conseil d'Etat a d'abord considéré que le respect de moralité publique pouvait être invoqué au soutien de circonstances particulières justifiant une mesure de police administrative il a par la suite dégagé une autre composante de l'ordre public , la dignité humaine ( B ) La police Administrative face à l'ordre moral Dans son arrêt Société Les films Lutétia du 18/12/1959, le Conseil d'Etat rappelle, sur le fondement de la loi municipale de 1884, qu'un maire, en tant que responsable du maintien de l'ordre dans sa commune peut interdire la diffusion d'un film dont la projection est susceptible d'entrainer des troubles sérieux ou d'être, à raison du caractère immoral dudit film et de circonstances locales, préjudiciable à l'ordre public En outre, il ajoute que l'ordonnance du 03/07/1945 ayant notamment pour objet de permettre que soit interdite la projection de films contraires aux bonnes mœurs ou de nature à avoir une influence pernicieuse sur la moralité publique n'a pas retiré cette compétence au maire d'interdire la projection d'un film même si celle-ci a été autorisée par visa à l'échelle nationale. [...]
[...] Dans l'arrêt du 27/10/1995 sur les lancers de nains , il apparaît clairement que les troubles matériels comme la sécurité , la salubrité et la tranquillité publique sont absents . C'est donc davantage en raison du sentiment que l'activité inspire que celle-ci a été interdite. En effet, elle implique de la part du public une curiosité malsaine, voir une perversité puisque l'œil de la foule est attiré par la difformité que présente la personne qui fait l'objet du spectacle. Donc permettre à une telle attraction d'être effectuée est en quelque sorte encourager le développement de sentiments immoraux, ce qui représente en soi un désordre moral. [...]
[...] La séparation faite entre moralité et ordre public par l'état En quoi l'état peut-il juger ce qui est moral ou non ? Admettre que la police puisse préserver le respect de la moralité publique c'est admettre qu'elle puisse juger de ce qui est bon pour la société et qu'elle puisse prendre les mesures proportionnées afin de rendre son jugement efficace. Celle-ci reste attachée au gouvernement et au pouvoir exécutif qui selon la Constitution ne sont pas habilités à fixer les droits civiques et garanties fondamentales des citoyens pour l'exercice de leur liberté publique ( article 34 ) . [...]
[...] Cependant, le conseil d'état se refuse de fonder ses appréciations sur la notion de respect de la moralité publique , à tel point qu'il l'écarte de la notion d'ordre public . II ) La moralité publique écartée par l'administration dans son action Le conseil d'état distinct dans ses décisions de l'ordre moral On s'aperçoit que la moralité publique est toujours invoquée en liaison avec un autre élément constitutif de l'ordre public. Ainsi, on a pu constater qu'elle était évoquée au soutien de circonstances locales dans l'arrêt Société les films Lutétia de 1959 ; mais elle a pu également accompagner le bon ordre pour justifier de mesures visant à lutter contre la prostitution 17/12/1909, Chambre syndicale de la corporation des marchands de vin et liquoristes de Paris) en tant qu'elles sont nécessaires pour faire cesser un trouble apporté à l'ordre public De même, un maire a interdit de se déshabiller sur les plages au nom du maintien du bon ordre et de la décence sur le rivage de la mer (CE Sect 30/05/1930). [...]
[...] Il apparait donc clairement que l'ordre moral n'est pas si distinct de l'ordre public puisque la police administrative dont l'objet est précisément de protéger l'ordre public est habilitée à prendre des mesures empêchant la population locale d'accéder à une œuvre jugée immorale sur le territoire communal. La notion d'ordre public recouvre alors celle de moralité publique. Malgré les difficultés qu'a connues la jurisprudence pour définir cette notion d'ordre moral , le Conseil d'état a bien pu juger légale l'interdiction du lancer de nain en se fondant uniquement sur le respect dû à la dignité de la personne humaine, et ce, en l'absence de circonstances locales . [...]
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