Contractualisation, action administrative, services publics, action publique, procédé contractuel
« Le contrat émerge comme un puissant instrument de modernisation des services publics et de renouvellement des relations entre l'Etat et la société. Sa vocation est de contribuer à l'efficacité de l'action publique ainsi qu'à la stabilité et à la sécurité de la norme ». En érigeant ainsi, dans son Rapport Public de 2008, le contrat en mode d'action publique en devenir au service de la modernisation de l'Administration, le Conseil d'Etat semble, à première vue,remettre en cause le modèle d'Etat qui poussait Maurice Hauriouà déclarer qu' « en droit administratif, il est d'ordre public que les autorités ne renoncent pas à leur pouvoir et ne laissent pas lier leur pouvoir par des conventions ». Certains observateurs ont pu voir en ce nouvel engouement pour le contrat à partir des années 1960, le passage d'un Etat prescripteur à un Etat négociateur voire à l'émergence d'une « époque du tout contractuel » comme l'écrivait Laurent Richer.
[...] On observe également la multiplication de contrats que l'Administration passe avec elle-même comme le contrat passé entre le Conseil d'Etat et les Cours Administratives d'Appel portant sur un objectif de réduction des délais de jugement. Ces phénomènes conduisent ainsi certains observateurs à parler de « faux contrats » ou d' « illusion contractuelle ». Par exemple, si dans son arrêt Union des Assurances de Paris du 21 mars 1983, le Tribunal des conflits avait considéré le Contrat de Plan Etat-Région comme étant un contrat administratif, le Conseil d'Etat a considéré dans son arrêt du 8 janvier 1988, Ministre chargé du Plan/Communauté urbaine de Strasbourg ou affaire « Synchrotron », que ses clauses correspondent davantage à « des objectifs ou à des programmes qu'à des obligations juridiques » et a conclu au caractère non contraignant des contrats de plan . [...]
[...] Ce phénomène peut ainsi donner le sentiment d'une administration qui se lie progressivement les mains, entravant ainsi son intervention et ainsi qu'un sentiment d'émergence d'un droit plus « souple », puisqu'il n'est plus « imposé » mais « négocié ». Cela pourrait contribuer à un accroissement de l'insécurité juridique accompagnée d'une disparition des caractéristiques propres aux contrats administratifs, source de déstabilisation de l'appareil administratif. On pourra alors se demander si l'usage plus systématique du contrat par l'administration ne s'accompagnerait pas d'un phénomène de double banalisation, tant du procédé que du droit contractuel, source d'accroissement de l'insécurité juridique et d'une déliquescence des autorités publiques ? [...]
[...] Cette démarche est relayée par le juge administratif qui s'efforce de cantonner l'activité contractuelle par rapport au pouvoir de décision unilatérale Cette exclusion du procédé contractuel de certains domaines a également très tôt été affirmée par le juge administratif avec, par exemple, l'affirmation dès le 17 juin 1932, par le Conseil d'Etat dans son arrêt Ville de Castelnaudary que les autorités détentrices d'un pouvoir de police, général ou spécial, ne peuvent qu'édicter des règlements et prendre des décisions unilatérales. Ce principe d'exclusion sera d'ailleurs réaffirmé pour de nombreuses autres manifestations du pouvoir régalien comme la délimitation du domaine public (CE juin 1975, Leverrier). [...]
[...] Cet encadrement du phénomène de contractualisation a d'ailleurs été renforcé par la double influence du droit civil et communautaire qui a imprégné le contrat administratif. L'encadrement de la contractualisation de l'action publique au service du principe de sécurité juridique a d'ailleurs été renforcé sous la double influence des droits civil et communautaire Une influence du droit civil qui se cristallise autour du principe de liberté contractuelle Les juges constitutionnel et administratif ont repris le principe de liberté contractuelle – tel qu'il résulte de l'article 1134 du Code Civil – et en ont précisé la portée en droit public. [...]
[...] Sans remettre en cause le régime des contrats administratifs, la jurisprudence a ainsi déduit de ce principe de liberté contractuelle certaines règles d'encadrement au profit du cocontractant. Il en déduit, notamment dans ses décisions du 13 janvier 2000 relative à la réduction du temps de travail et de manière plus générale dans sa décision du 16 août 2007, le principe de respect des stipulations contractuelles, dont le législateur lui-même ne peut s'affranchir que pour des motifs d'intérêt général suffisants. Ce principe est consacré de manière symétrique par le Conseil d'Etat dans son arrêt Compagnie générale des eaux du 8 avril 2009 qui continue de s'inspirer du droit privé pour dégager d'autres principes comme la nécessité d'un consentement valablement donné par les contractants dans son arrêt du 15 janvier 1931, Boyreau, qui apparaît à l'article 1109 du Code Civil. [...]
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