Commentaire de l'arrêt : Conseil d'État, 11 juin 1999, OPHLM de la Ville de Caen
Pour résoudre ce problème, le Conseil d'Etat s'est servi de l'article 87 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel qui a été recodifié à l'article R. 411-1 du Code de justice administrative. Il est vrai que cet article ne concerne plus que l'introduction de l'instance de premier ressort. Toutefois, dans la mesure où aucun texte ne régit la motivation des appels, le Conseil d'Etat a fait fi de cette erreur matérielle en fondant ses décisions sur la motivation de la requête d'appel sur cet article. Cet arrêt en constitue le point de départ.
Cette décision marque un frein à une jurisprudence antérieure floue qui était la conséquence d'une contradiction existant au sein même du Conseil d'Etat (I). Cependant l'intérêt de cette décision n'est pas là, au contraire, mais se trouve dans une évolution de la notion d'appel et plus exactement du rôle du juge d'appel qui peut trouver son explication dans une volonté de réduire l'encombrement des tribunaux. Il n'en reste pas moins que cette jurisprudence n'est pas sans susciter certaines critiques, au point que l'évolution jurisprudentielle tende vers son abandon (III).
[...] Toutefois, dans la mesure où aucun texte ne régit la motivation des appels, le Conseil d'Etat a fait fi de cette erreur matérielle en fondant ses décisions sur la motivation de la requête d'appel sur cet article. Cet arrêt en constitue le point de départ. Dans cette affaire, un différend opposait, depuis 1981, l'Office public d'habitations à loyer modéré de la ville de Caen aux constructeurs d'un ensemble immobilier en raison de désordres affectant les installations de chauffage de trois immeubles. [...]
[...] Cette solution peut s'expliquer dans un souci de sécurité juridique. Ainsi cela conduirait à rejeter les moyens nouveaux. Mais on peut se demander ce que l'on entend par moyen nouveau. En matière d'excès de pouvoir, un requérant qui s'est, par exemple, prévalu de l'incompétence de l'autorité ayant pris la décision administrative, peut ultérieurement se prévaloir d'un vice de procédure dans la mesure où le moyen procède de la même cause juridique que l'incompétence, en d'autres termes de la légalité externe. [...]
[...] Ainsi la Cour administrative d'appel de Lyon, dans un arrêt du 27 novembre 2001, SA Rivlin, avait rejeté une requête d'appel en se référant mot pour mot à la jurisprudence OPHLM ville de Caen. Mais le Conseil d'Etat, dans une décision du 16 février 2004 annule l'arrêt de la Cour administrative d'appel au motif qu'un mémoire reprochant au jugement litigieux d'avoir inexactement apprécié les faits de la cause et les droits des parties pour avoir écarté ses moyens tirés des violations des formalités substantielles, en ce que la procédure qui a mené à l'approbation du schéma directeur n'est pas conforme aux articles L121-4, L121-7 ; qu'une telle motivation, qui ne se borne pas à faire référence à l'argumentation présentée en première instance et qui désigne avec une précision suffisante les dispositions dont la méconnaissance est invoquée répond aux exigences de l'article 411-1 du Code de justice administrative. [...]
[...] En effet une décision du Conseil d'Etat, Entreprise sanitaire auboise, en date du 18 octobre 2006, sanctionne la Cour administrative d'appel de Nancy pour avoir écarté un moyen au seul motif que le requérant se borne à reproduire le moyen tel qu'il avait été présenté en première instance et ne critiquerait pas les motifs du jugement attaqué ».Toutefois, le Conseil d'Etat n'en n'oublie pas pour autant les impératifs de rapidité et d'efficacité de la justice, en permettant aux juges d'appel de sanctionner l'appelant par la reprise des motifs des premiers juges. Cette décision a le mérite d'aboutir à ce que ce ne soit plus le juge administratif qui prive l'appelant d'un degré de juridiction mais que ce soit l'appelant lui-même qui, par paresse, se sanctionne. Ainsi cette décision semble apporter une nouvelle limite à la jurisprudence OPHLM Ville de Caen, en imposant au juge d'appel d'apprécier la requête dans sa globalité et non pour chaque moyen. [...]
[...] C'est justement cette solution qui semble être retenue par le Conseil d'Etat, dans cette décision. En effet si l'on se réfère à la motivation du Conseil d'Etat on constate que celui-ci définit le moyen d'appel comme la reprise des moyens de première instance, complétés par une critique de la réponse apportée par les premiers juges. Une telle interprétation a pour effet de remettre en cause le principe selon lequel l'appel a un effet dévolutif, en d'autres termes qu'il permet le rejugement du litige faisant ainsi de l'appel une voie de réformation. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture