Commentaire de l'arrêt rendu par la CJCE, 19 novembre 1991, Francovitch c/ République italienne
Depuis les arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes (C.J.C.E) de 1964 (Costa c/ Enel) et de 1978 (Administration des finances de l'Etat c/ SA Simmenthal), est affirmée la primauté du droit communautaire originel comme dérivé sur les droits nationaux des Etats membres de l'Union Européenne. Ceci est également valable pour les directives européennes, qui, en revanche, doivent faire l'objet d'une transposition en droit interne pour revêtir un plein effet dans le système juridique des Etats. Toutefois, que se passe t-il lorsqu'un Etat n'a pas respecté son obligation de retranscrire une directive et que cela a causé un préjudice à des particuliers? C'est à cette question que tente de répondre l'arrêt rendu par la C.J.C.E le 19 novembre 1991. En l'espèce, M. Francovich d'une part, et Mme Bonifaci d'autre part, ont demandé à l'Etat italien un dédommagement après la faillite de leurs entreprises respectives, au titre de la directive 80/987 du 20 octobre 1980 qui prévoit d'assurer aux travailleurs salariés un minimum communautaire de protection en cas d'insolvabilité de l'employeur.
I. La reconnaissance par la C.J.C.E d'un principe de mise en responsabilité des Etats pour leurs manquements propres au droit communautaire
II. Les conditions nécessaires pour engager la responsabilité de l'Etat et procéder à un dédommagement des victimes du manquement au droit communautaire
[...] Cette responsabilité avait été exposée la première fois dans l'arrêt Humblet pour la violation de l'article 86 du traité C.E.C.A en 1960. - Pour ce qui est des directives, la responsabilité d'un Etat pour son absence de transposition a été mise en avant pour la première fois par l'arrêt du 22 janvier 1976 Russo Par conséquent, la solution donnée n'est pas nouvelle et n'apporte pas sur ce point de changements notables. - Cette solution est d'autant moins nouvelle que la C.J .C.E affirme que cette directive n'a aucun effet direct en droit interne dans la mesure où elle n'a pas été transposée par l'Etat fautif. [...]
[...] Dégagée originellement par l'arrêt Costa Enel Ceci a pour conséquences de lier les Etats membres quant aux obligations à respecter. - L'une des obligations est de transposer les directives communautaires: en effet, si les Etats décidaient arbitrairement d'appliquer ou non telle ou telle directive, cela nuirait à la portée du droit communautaire dans son ensemble. - Par conséquent, si la non-transposition d'une directive par un Etat entraîne un préjudice pour les particuliers vivant dans cet Etat alors il faut que l'Etat soit condamné pour cette violation du droit communautaire. [...]
[...] C'est à cette question que tente de répondre l'arrêt rendu par la C.J.C.E le 19 novembre 1991. En l'espèce, M. Francovich d'une part, et Mme Bonifaci d'autre part, ont demandé à l'Etat italien un dédommagement après la faillite de leurs entreprises respectives, au titre de la directive 80/987 du 20 octobre 1980 qui prévoit d'assurer aux travailleurs salariés un minimum communautaire de protection en cas d'insolvabilité de l'employeur. Cependant, dans la mesure où l'Etat italien n'a pas retranscrit dans les temps ladite directive, et s'est même vu condamné à ce titre par un arrêt du 2 février 1989 (Commission Italie), les deux juridictions italiennes saisies de ces litiges ont posé une question préjudicielle à la C.J.C.E pour avoir une interprétation de la directive, ainsi que de l'article 189 alinéa 3 du traité C.E.E concernant l'obligation pour les Etats de retranscrire les directives communautaires pour qu'elles acquièrent pleine force juridique en droit interne. [...]
[...] En effet, si les directives avaient un effet direct même sans transposition, les Etats ne prendraient plus la peine de les traduire en droit interne .La mise en œuvre de la responsabilité de l'Etat pour ses manquements à la transposition d'une directive communautaire doit donc rester une mesure exceptionnelle, qui vise surtout à dédommager des victimes. - En effet, en l'espèce, la C.J .C.E considère qu'elle a déjà condamné l'Italie pour sa non-transposition de la directive par son arrêt de 1989. Elle veut simplement s'assurer que l'Etat assumera bien les conséquences de sa faute au regard des personnes lésées. Par conséquent, puisqu'elle a déjà condamné l'Etat fautif au titre de sa non-transposition, la Cour estime qu'il incombe aux Etats eux-mêmes de dédommager les victimes de sa violation du droit communautaire. B. [...]
[...] - Toutefois, le contrôle du juge national en cas de non-transposition de la directive est limité, dans la mesure où, si une disposition n'est pas précise et inconditionnelle, il doit poser une question préjudicielle à la C.J.C.E pour analyse (exemple: CE Ass janvier 2002 Ligue pour la protection des oiseaux - De la même façon, les modalités de contrôle par la Cour du paiement effectif par les Etats fautifs du dédommagement ne sont pas explicitées dans cet arrêt, ce qui constitue une nouvelle limite à l'énonciation de ce principe. Ce n'est que dans des arrêts postérieurs, qui reprennent cette solution, que ce contrôle sera précisé. Exemple: arrêt CJCE 30 septembre 3003 Köbler contrôle par la C.J.C.E du respect par les juridictions statuant en dernier ressort des objectifs des directives communautaires non transposées et du droit à indemnisation des victimes de cette non-transposition. [...]
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