La citation de Maurice Hauriou, jurisconsulte et doyen de la faculté de droit de Toulouse, extraite du "Précis de droit administratif", semble plaider pour la nécessité de respect du principe de non-intervention de la police administrative dans le domaine des "désordres moraux". Nous appréhenderons, dans le cadre de notre étude, cette expression subjective comme les troubles relatifs à la moralité, aux bonnes mœurs.
Par cette phrase, qui renvoie à la thématique du rôle, du champ de compétence de la police administrative, le doyen caractérise l'ordre public comme un ordre matériel et non comme un ordre moral. Il nous faut donc évoquer l'ordre public, dont le maintien est la mission de la police, et que l'on peut plus globalement considérer comme une situation ou règne dans la société la tranquillité et la sécurité. Cependant, les justifications idéologiques de ce principe d'exclusion stricte du domaine moral de la compétence de la police administrative peuvent apparaître comme discutables.
S' il apparaît dans un premier temps comme un postulat de bon sens par les réels risques de dérives, il faut néanmoins le relativiser. De plus les entorses faîtes à cette théorie dans la pratique juridique par les extensions qu'il a connues, nous conduit à la réflexion suivante : Quel est le fondement et la portée juridique de ce principe doctrinal de non-intervention de la police administrative dans le domaine de la moralité ?
[...] Selon ce dernier, le fait qu'une activité soit immorale est hautement subjectif , ce qui justifie son refus de considérer que la protection de la moralité publique est englobée dans l'ordre public. Cependant, afin de relativiser le fondement de cette thèse, il est nécessaire de préciser que la moralité englobe la protection des individus contre eux-mêmes. Cela peut apparaître discutable dans la mesure ou l'on peut considérer cela comme une atteinte à la liberté individuelle, qui laisse à penser que chacun peut se mettre en danger s'il le souhaite. [...]
[...] "Précis de droit administratif", Maurice Hauriou - La police administrative "ne pourchasse pas les désordres moraux. Si elle essayait, elle verserait immédiatement dans l'inquisition et dans l'oppression des consciences" La morale commence là où s'arrête la police Cette citation du philosophe français Alain semble exprimer le fait que la morale débute là ou l'autorité publique ne règne plus. On peut en déduire une distinction marquée et théoriquement indépassable entre le domaine de la moralité et celui de l'intervention policière. La citation de Maurice Hauriou, jurisconsulte et doyen de la faculté de droit de Toulouse, extraite du Précis de droit administratif, semble également plaider pour la nécessité de respect du principe de non-intervention de la police administrative dans le domaine des désordres moraux Nous appréhenderons, dans le cadre de notre étude, cette expression subjective comme les troubles relatifs à la moralité, aux bonnes mœurs. [...]
[...] II Un risque effectif de dérives circonscrit par le contrôle du juge administratif Il est à présent nécessaire de détailler de manière concrète les risques mis en relief par Maurice Hauriou et de s'interroger sur la façon dont le juge tente de les circonscrire par son contrôle dans une volonté de protection de la liberté individuelle A La mise en relief des risques de dérives de cet interventionnisme Maurice Hauriou évoque un péril direct immédiatement en cas d'intervention policière dans le domaine moral, qui est l'inquisition Ce terme, du latin juridique inquisitio, désigne une enquête abusive. [...]
[...] Le juge administratif n'acceptait initialement de prendre en compte l'immoralité sous la condition stricte d'un risque de provocation d'un désordre matériel. Il a revu sa position dans le domaine cinématographique en levant cette condition pour l'interdiction de la diffusion d'un film sur le territoire d'une commune, mais en ajoutant celle de la justification de l'arrêté par des circonstances locales particulières, comme le montre l'arrêt du 18 décembre 1959 Société des films Lutetia. Cette dernière condition peut également être levée dans le cas de film comportant des scènes à caractère pornographique ou d'incitation à la violence pouvant relever de dispositions pénales. [...]
[...] La Commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République parle de la liberté de conscience comme du second pilier de la laïcité Ce droit est de plus garanti par l'article 9 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme lui reconnaît également une protection juridique dans les décisions du 29 juin 2004 Leyla Şahin c. Turquie et du 15 février 2001, Lucia Dahlab c. Suisse. On peut donc en conclure que malgré des empiétements jurisprudentiels sur le principe de non-intervention de la police administrative dans le domaine moral, les dommages envisagés par Maurice Hauriou dans ces cas de figure semblent peu effectifs dans la réalité juridique. [...]
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