Exposé de Droit Administratif: L'état de siège et l'état d'urgence (15 pages)
En matière d'ordre public, tout est relatif : l'appréciation de ses exigences dépend étroitement des circonstances dans lesquelles elle s'inscrit. Dès lors, les périodes troublées conduisent traditionnellement à un renforcement important des pouvoirs publics. En période de crise, en effet, les exigences de l'ordre public ne sont plus les mêmes : il ne s'agit plus de répondre à un « simple » risque d'affrontement, de nuisances sonores, etc., mais à une menace qui pèse directement sur les institutions et, in fine, sur l'Etat lui-même. L'une des acceptations du mot « crise » proposées par le Petit Larousse est la suivante : « période - 2 - décisive ou périlleuse de l'existence ». Appliquée à l'Etat, elle et à notre sens opérante pour définir le but de ces régimes spéciaux d'aménagement des libertés publiques, qui permettent aux autorités de police d'aller plus loin qu'en période normale.
On recense en droit positif quatre régimes de ce type :
L'article 16 de la Constitution permettant au Président de la République, en cas de menace grave et immédiate pour l'indépendance de la Nation ou l'intégrité du territoire et d'interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, de rassembler entre ses seules mains tous les pouvoirs, législatif, réglementaire et judiciaire aux fins de prendre « les mesures exigées par les circonstances ». Cet article instaure donc ce qu'il est légitime d'appeler une dictature présidentielle où les contrôles parlementaire et juridictionnel sont réduits et dont la durée dépend de la volonté du Président : mis en oeuvre en avril 1961 pour répondre au putsch des généraux d'Algerie, il est maintenu jusqu'à la rentrée parlementaire d'octobre 1961 alors que le putsch s'est effondré immédiatement.
La théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles qui a été consac ré par trois arrêts importants: CE, 28 juin 1918, Heyriès ; CE, 28 février 1919, Dames Dol et Laurent, et enfin n TC, 27 mars 1952, Dame de la Murette. Elle repose sur l'idée que « les limites des pouvoirs de police dontl'autorité publique dispose pour le maintien de l'ordre et de la sécurité [?] ne sauraient être les mêmes dans les temps de paix et pendant la période de guerre » ou dans d'autres circonstances exceptionnelles (CE 28 février 1919 Dames Dol et Laurent). Dans ces hypothèses, le juge administratif substitue au principe de légalité habituel une égalité de crise, qui tolère certaines entorses aux règles habituelles et admet une extension des pouvoirs des autorités de police. Le juge contrôle rigoureusement l'existence de ces circonstances et la proportionnalité des mesures prescrites.
I) Des régimes exorbitants du droit commun permettant de répondre à des situations exceptionnelles de troubles
II) Des régimes d'exceptions soumis à de vives polémiques
[...] Les interdictions de manifester, les assignations à résidence, les limitations d'aller et venir ne peut plus, en effet, être contrôlées au regard de la légalité ordinaire, au regard du droit commun des libertés mais au regard de la légalité d'exception qui les autorise. En d'autres termes, les bases du contrôle changent : alors qu'en temps ordinaire elles permettent au juge de sanctionner des atteintes graves à tel ou tel droit fondamental, en temps d'état d'urgence elles lui permettent de les déclarer justifiées par les circonstances exceptionnelles. Maintenu en théorie, le contrôle devient inopérant en pratique. [...]
[...] La loi de 1955 sera reprise en mars 1956 dans le cadre des pouvoirs spéciaux accordés au gouvernement Guy Mollet (SFIO). En 1957, quatre camps d'internements sont ouverts en métropole, comme au Larzac, où sont enfermés sans jugement plus de Français d'Algérie. Et c'est dans la suite de la loi de 1955, qu'en 1961, le préfet Papon introduit dans le département de la Seine un couvre-feu sélectif visant les Français musulmans d'Algérie Il s'agissait d'une saisie de journal opérée par la Général Deladmirou, commandant l'état de siège dans le département de l'Oise, et évidemment cette saisie avait été très dommageable pour le propriétaire du journal, Mr PELLETIER, d'autant qu'il s'agissait du 1er numéro de celui-ci. [...]
[...] Le juge contrôle rigoureusement l'existence de ces circonstances et la proportionnalité des mesures prescrites. Et enfin l'état de siège et l'état d'urgence, thème de l'exposé que nous vous présentons aujourd'hui. L'état de siège est un régime d'exception spécifiquement conçu pour l'éventualité d'un conflit armé. Créé par la loi du 9 août 1849, puis modifié par celle du 3 avril 1875, il figure actuellement aux articles L.2121-1 et suivants du Code de la défense et est évoqué à l'article 36 de la Constitution. [...]
[...] Il faut encore que la guerre dont il s'agit soit d'une ampleur suffisante pour être à l'origine d'un péril imminent L'état de siège est donc très rarement utilisé : au cours du XXè siècle, il ne fut déclaré qu'à l'occasion des deux guerres mondiales. L'état de siège est déclaré par décret en conseil des ministres, donc par le président de la République. Cette règle de compétence figure tant à l'article L.2121-1 du code de la défense qu'à l'article 36 de la Constitution. [...]
[...] Et d'où cet article 1er de la loi du 3 avril 1955, légèrement décalé de celui de la loi sur l'état de siège, qui autorise la proclamation de l'état d'urgence soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique Pour Edgar Faure, qui le reconnaîtra plus tard, aucune différence entre état de siège et état d'urgence, la simple vérité étant que le terme état de siège évoque irrésistiblement la guerre et que toute allusion à la guerre devait être soigneusement évitée à propos des affaires d'Algérie Sans revenir sur son application en Algérie, il faut cependant préciser que l'état d'urgence a régné tout au long des événements : d'avril 1955 à décembre 1955 (dissolution de l'Assemblée nationale), de mai 1958 à juin 1958 (changement de gouvernement) et d'avril 1961 à octobre 1962 (dissolution de l'Assemblée nationale), soit pendant et après l'application de l'article 16[20]. En 2005, du fait de la survenance de violences urbaines sur le territoire métropolitain, mais alors que ces violences semblent s'atténuer, l'état d'urgence est déclaré par le Président de la République le 8 novembre. [...]
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