Le procès administratif se caractérise incontestablement par la présence du commissaire du gouvernement. Selon l'article L 7 du Code de Justice administrative, « Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de commissaire du gouvernement, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent ». Le rôle du commissaire du gouvernement est ainsi d'exposer l'état du droit applicable au litige et de proposer une solution, de manière impartiale et indépendante. Il était, puisqu'il faut désormais employer le passé, la dernière personne à s'exprimer avant le délibéré. Son rôle est en ce sens central.
Le décret nº2009-14 du 7 janvier 2009, relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions a été annoncé par un communiqué de presse publié sur le site du Conseil d'État en mars 2008 et vient répondre à un certain nombre « d'incompréhensions » qui entouraient le commissaire du gouvernement et son rôle dans l'instance contentieuse. En quoi ainsi ce décret vient-il réformer le statut du commissaire du gouvernement ?
[...] Cependant, sous la pression de la Cour européenne des Droits de l'Homme qui invoquait une violation de l'article le Conseil d'Etat avait admis cette pratique et le décret vient la conforter. Cette disposition va donc dans le sens d'un renforcement des droits des justiciables. Pour autant, ce changement de point de vue, assez radical, vis-à-vis de la jurisprudence Dame Esclatine, semble condamner le raisonnement du juge administratif qui refusait l'application du principe du contradictoire car le rapporteur public appartenait à la formation de jugement. [...]
[...] Car en effet, sur le fond, l'évolution proposée, si ce n'est imposée, par le décret est majeure : il s'agît d'un inversement dans l'instance puisque les parties prendront la parole après le rapporteur public. Il convient de noter qu'il n'est plus fait état ici d'observations brèves (cf supra). C'est un réel droit de réponse, plein et entier, qui est ici reconnu aux parties : le contradictoire fait une entrée remarquée quant à son application au rapporteur public. C'est sans doute une avancée pour les parties, dont les droits doivent sans cesse être complétés. [...]
[...] La seconde question que pose le décret, en introduisant cette mesure, est celle du rôle du rapporteur public. En effet, celui-ci était traditionnellement écarté de l'application du principe du contradictoire, et ce en raison de son appartenance à la formation de jugement. Cela résultait de la jurisprudence Dame Esclatine de 1998, précitée. Or en introduisant ce droit de réponse, qui s'apparente à un droit de plaider pour les avocats après le prononcé des conclusions, le décret vient contrecarrer cette jurisprudence : le contradictoire s'impose désormais au rapporteur public. [...]
[...] Cette évolution fait apparaître en filigrane un rapporteur public qui s'apparenterait à une partie, à une sorte de ministère public. Or cela est en totale contradiction avec son rôle même d'indépendance et d'impartialité. C'est donc l'expérimentation seule qui permettra de répondre à la question de savoir s'il est possible de concilier l'exigence de contradictoire qui s'impose au rapporteur public avec son statut de magistrat membre de la formation de jugement. [...]
[...] Mais plus largement, ce statut réservé aux conclusions vient poser la question du statut du rapporteur public lui- même au sein de la formation de jugement. Car si le décret introduit une part de contradictoire en prévoyant une possibilité encadrée de répondre aux conclusions (A'), le décret inaugure également, et peut-être surtout, le recours à l'expérimentation dans le cadre de la procédure contentieuse, et ce pour consacrer un réel droit de réponse des parties aux conclusions, ce qui est à même de rejaillir sur le statut du rapporteur public (B'). [...]
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