Dans son œuvre "Centralisation et décentralisation. Esquisse d'une théorie générale", le publiciste Charles Eisenmann définissait la centralisation en ces termes : « Est central un organe qui est investi d'une fonction à l'égard de la collectivité tout entière, c'est-à-dire de tous ses membres indistinctement ». Ce mode d'administration a longtemps caractérisé la France dont les rois, obsédés par l'idée de maintenir l'unité de leur royaume et de garder tous leurs pouvoirs, ont appliqué une centralisation sévère par le biais de régimes monarchiques ou de techniques de contrôle plus ou moins strictes. Néanmoins, en 1789, le serment du jeu de Paume est conclu entre les députés aux Etats Généraux : ils ne se quitteront qu'après avoir offert à la France une Constitution écrite qui transfère la souveraineté du Roi à la Nation. Fondée sur la séparation des pouvoirs et le principe de souveraineté du peuple, la Constitution du 3 septembre 1791 va faire un premier pas hors de la centralisation stricte en faisant l'expérience de la déconcentration.
Ce mode d'administration novateur se caractérise, au sein d'une même personne publique, par la remise du pouvoir de décision à des organes appartenant à la hiérarchie administrative qui lui demeure assujetti. Mais l'histoire constitutionnelle française n'en reste pas là, de nouvelles constitutions et de nombreux projets vont développer cette administration qui aspire à une plus grande démocratie. Les textes qui sont proposés à notre étude dressent le parcours chronologique de l'organisation administrative française qui se caractérise par un relâchement progressif de l'autorité de l'Etat sur les collectivités territoriales, par des transferts de compétences successifs, et finalement par l'application totale du principe démocratique à travers la décentralisation. L'organisation de l'administration française est donc passée d'une déconcentration stricte à l'émergence d'une décentralisation (I). Cette évolution n'a pas été sans effet sur le système actuel qui a gardé de nombreux principes fondamentaux qui continuent de se développer (II).
[...] Ce n'est qu'en 1946 que la décentralisation est consacrée. Dans la Constitution d'octobre, ainsi que dans son projet rejeté en mai ; les constituants ont appliqué la décentralisation. Les élus locaux ont désormais un pouvoir de représentation des administrés (article 117 du projet) qui sont élus au suffrage universel (article 87 de la Constitution). C'est le commencement de la démocratie locale, sujet que nous traiterons ultérieurement. Les collectivités s'administrent en toute liberté (article 114 du projet et article 87 de la Constitution). [...]
[...] Commentaire comparé de textes constitutionnels entre 1791 et 1946 Introduction Dans son œuvre ‘Centralisation et décentralisation. Esquisse d'une théorie générale', le publiciste Charles Eisenmann définissait la centralisation en ces termes : Est central un organe qui est investi d'une fonction à l'égard de la collectivité tout entière, c'est-à-dire de tous ses membres indistinctement Ce mode d'administration a longtemps caractérisé la France dont les rois, obsédés par l'idée de maintenir l'unité de leur Royaume et de garder tous leurs pouvoirs, ont appliqué une centralisation sévère par le biais de régimes monarchiques ou de techniques de contrôle plus ou moins strictes. [...]
[...] Dans un premier temps, le statut des administrateurs est sévèrement contrôlé : de nombreuses contraintes leur sont imposées afin d'exercer ce rôle (âge, ascendant/descendant - articles 175 et 176, Titre VII), leur élection et leur répartition sur le territoire sont rigoureuses (articles 177 à 187, Titre VII), et des situations spécifiques sont prévues afin de limiter tout désordre administratif (article 188, Titre VII). Dans un second temps, des commissaires du gouvernement sont répartis sur l'ensemble du territoire afin d'exercer un contrôle sur la bonne marche de l'administration (articles 191 et 193, Titre VII). Ces agents eux-mêmes soumis au contrôle de l'Etat (article 194, Titre VII), semblent être les ancêtres des préfets de département. Cette constitution admet tout de même une certaine souplesse en gardant la transparence de l'activité administrative (article 201). [...]
[...] Cette stricte déconcentration qui s'applique entre 1791 et 1795 va bientôt être remplacée par une organisation administrative plus souple veillant au respect de la liberté de la Nation : la décentralisation. La naissance de la décentralisation Ce n'est qu'au tournant du 19ème siècle qu'apparaît la décentralisation qui permet la création de collectivités territoriales dotées de la personnalité juridique et pouvant ainsi recevoir de la compétence et s'administrer de façon autonome. La Constitution du 4 novembre 1848 est votée par l'Assemblée Nationale, organe constituant régissant la 2ème République, et tente de faire une synthèse des divers héritages constitutionnels. [...]
[...] A la fois acteurs secondaires (lorsqu'ils sont représentés) et primaires (lorsqu'ils agissent par des procédures juridiques telles que le recours ou le vote), les citoyens ont aujourd'hui un rôle prépondérant, héritage de la correcte application de la décentralisation. Conclusion Les divers textes constitutionnels ont su évoluer sur le plan de l'organisation administrative de l'Etat. Le passage d'un Etat centralisé à déconcentré, puis décentralisé s'est fait progressivement permettant l'installation fondamentale et aujourd'hui irréversible de principes consacrant d'une part, la possible association d'un Etat indivisible et d'une administration autonome ; et d'autre part, le rôle des citoyens au sein des collectivités territoriales. [...]
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