Commentaire d'arrêt, Tribunal des conflits, 5 mars 2012, partage des compétences, deux ordres juridictionnels, juge administratif, juge judiciaire
Le domaine privé, contrairement au domaine public, n'est pas doté de la double protection d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité. À ce titre, son régime est loin d'être simple. En effet, le contentieux y afférant relève en principe du juge judiciaire. Toutefois, de nombreuses exceptions tendent à s'esquisser, P. Godfrin et M. Degoffe ont alors à juste titre évoqué « qu'elles rendent [les exceptions] souvent délicat le partage des compétences entre les deux ordres juridictionnels » dans leur œuvre Droit administratif des biens, Collection Sirey, 10è Edition.
En l'espèce, tel est encore la problématique à laquelle le Conseil d'État est confronté.
Un particulier (M. Dewailly) a voulu conclure un contrat de bail commercial portant sur des terres agricoles relevant du domaine privé d'un établissement public (le centre communal d'action sociale de Caumont) mais ce dernier refuse. M. Dewailly saisit alors le tribunal administratif de Lille qui accédera à sa demande le 7 juillet 2011. Face à ce jugement, une saisine du Tribunal des conflits intervient. Devant cette juridiction, le Conseil d'État défend sa compétence et soutient que la contestation du refus par une personne publique d'engager une relation contractuelle sur le domaine privé doit lui être soumise.
[...] Ici, il prend doucement le contre-pied de cette position. En effet, il affirme que le refus de contracter ne peut être regardé comme un simple acte de gestion du domaine privé mais un acte administratif faisant grief au tiers qui le conteste. La solution est donc dans un sens favorable au tiers (M. Dewailly). En effet, ce dernier pourra se valoir d'une protection plus grande par le juge administratif dès lors qu'il est évincé d'une relation contractuelle. On peut alors arguer d'un caractère protecteur de la solution. [...]
[...] Face à ce jugement, une saisine du Tribunal des conflits intervient. Devant cette juridiction, le Conseil d'État défend sa compétence et soutient que la contestation du refus par une personne publique d'engager une relation contractuelle sur le domaine privé doit lui être soumise. La question que la Haute assemblée a eu à trancher est alors la suivante : comment le juge a t il profité de cet arrêt pour réorganiser le partage des compétences entre juges administratif et judiciaire en cas de refus de conclure un contrat portant sur le domaine privé par une personne publique ? [...]
[...] En effet, si un contrat est initié c'est le juge judiciaire qui sera compétent contestation par une personne privée de l'acte par lequel une personne morale de droit public ( ) initie avec cette personne privée, conduit ou termine une relation contractuelle Mais en cas refus, on bascule dans la compétence administrative, le refus étant plus brutal faisant plus grief, étant connoté plus négativement sera soumis à l'appréciation du juge administratif ce qui constitue une protection supplémentaire pour le tiers en l'occurrence M.Dewailly. Dans l'arrêt Brasserie du théâtre, il est question du renouvellement d'un titre d'occupation d'un local du domaine privé. Ici, il s'agit de la conclusion d'un contrat sur le domaine privé. Cette distinction entre le titre et le contrat justifie-t-elle la différence de régime et le rétrécissement de la compétence judiciaire ? Le fait qu'il s'agisse ici d'un tiers à la relation contractuelle a -t-il été pris en compte ? [...]
[...] ) compétence du juge judiciaire L'arrêt en présence fait donc un rappel explicite et très détaillé de cette jurisprudence (puisqu'il y accorde tout son premier considérant). Le problème se trouve dans cet arrêt de 2010 comme dans l'arrêt Dewailly sur le contrat portant sur le domaine privé. La solution apportée est relativement opportune dans la mesure où il reprend une distinction défendue par une large partie de la doctrine : le contrat est en lui-même privé, cependant il a été autorisé par un acte d'un organe délibérant. [...]
[...] Par exemple, dans l'arrêt CE octobre 2013, l'expulsion des occupants d'une dépendance du domaine privé revient au juge judiciaire . Cette compétence judiciaire peut s'expliquer par le fait que lorsque l'administration gère son domaine privé, elle se comporte comme n'importe quel propriétaire privé. En l'espèce, se fiant à ce principe (compétence judiciaire), le requérant a saisi une juridiction judiciaire (le tribunal des baux ruraux) car il était question de de conclure un bail rural Son action devant la juridiction judiciaire s'est avérée infructueuse, il se tourne alors vers la juridiction administrative qui saisie par précaution le Tribunal des conflits. [...]
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