L'arrêt Regnault-Desroziers constitue une étape importante du développement de la jurisprudence reconnaissant une responsabilité sans faute de l'État, sur le fondement du risque.
[...] Le 4 mars 1916, le Fort de la Double-Couronne, au nord de Saint-Denis, explosa, provoquant la mort de 23 personnes, en blessant 81 autres et détruisant de nombreux immeubles. L'autorité militaire y avait accumulé depuis 1915 de grandes quantités de grenades et de bombes incendiaires, faisant en outre l'objet d'une manutention constante pour alimenter rapidement le front. A la suite de l'accident, plusieurs personnes firent des recours indemnitaires. Le Conseil d'État accueillit ces demandes, en considérant que ces opérations effectuées dans des conditions d'organisation sommaires, sous l'empire des nécessités militaires, comportaient des risques excédant les limites de ceux qui résultent normalement du voisinage, et que de tels risques étaient de nature, en cas d'accident, à engager, indépendamment de toute faute, la responsabilité de l'État. [...]
[...] On est alors très proche d'une solidarité face aux drames vécus par certains membres de la collectivité. Enfin, le juge administratif applique un régime de responsabilité pour risque, même en l'absence d'activité particulièrement dangereuse de l'administration, aux collaborateurs occasionnels des services publics, dont il serait inéquitable qu'ils ne puissent obtenir aucune indemnisation en cas d'accident ; l'application de cette jurisprudence est en revanche devenue inutile pour les collaborateurs permanents, même si elle a d'abord été dégagée à leur profit (Conseil d'Etat - 21 juin 1895 Cames, p. 509), car ils bénéficient de régimes légaux. [...]
[...] Tel est aussi le cas, en second lieu, des méthodes dangereuses. La jurisprudence s'est développée à propos des méthodes libérales de rééducation ou de réinsertion, qui laissent une plus grande liberté à leurs bénéficiaires mais font ainsi courir plus de risques aux administrés. La solution, dégagée dans le cas de mineurs délinquants qui s'étaient enfuis d'une institution d'éducation surveillée, système plus souple que le régime antérieur d'incarcération (Sect février 1956, Ministre de la justice Thouzellier, p. a été appliquée aux détenus bénéficiant d'une permission de sortie ou d'une mesure de semi-liberté et aux malades mentaux bénéficiant d'une sortie d'essai ou d'un placement familial surveillé. [...]
[...] Cette solution a été appliquée aux différents cas dans lesquels une activité de l'administration est à l'origine d'un risque spécial, dont, lorsqu'il se réalise, le juge estime équitable que le dommage en résultant ouvre droit à réparation au profit de la victime. Tel est le cas, en premier lieu, des objets dangereux. A ce titre, on trouve bien entendu les engins dangereux, tels les explosifs qui ont donné lieu à l'arrêt Regnault-Desroziers , ou encore les armes à feu, pour les dommages subis par les personnes étrangères aux opérations de police (Ass juin 1949, Consorts Lecomte, p. 307). Mais cette catégorie recouvre également les ouvrages publics dangereux (Ass juillet 1973, Ministre de l'équipement et du logement Dalleau, p. [...]
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