CE, 22 décembre 1978, Ministre de l'Intérieur c/ Cohn-Bendit

Résumé du document

Par cette décision, le Conseil d'État a fixé sa jurisprudence relative à l'applicabilité des directives communautaires : si elles n'ont pas d'effet direct et ne peuvent donc être invoquées directement à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une décision individuelle, même passé le délai laissé aux États-membres pour assurer leur transposition, il est possible d'exciper de l'incompatibilité du droit national ayant servi de fondement à la décision contestée au regard des objectifs fixés par la directive.

Extraits

[...] Il déféra au juge administratif le refus qui lui fut opposé. Saisi par le ministre de l'intérieur d'un appel contre le jugement du tribunal administratif de Paris, qui avait sursis à statuer en attendant que la Cour de justice des Communautés européennes ait statué sur la question préjudicielle qu'il lui avait posée, le Conseil d'État annula le jugement du tribunal administratif et rejeta la demande de Daniel Cohn-Bendit, l'affaire n'ayant plus, d'ailleurs, au moment où le Conseil d'État statua, qu'un intérêt juridique, puisque le ministre de l'intérieur avait finalement décidé de faire droit à la demande de l'intéressé. [...]

[...] Il en a logiquement déduit qu'en principe, une directive ne pouvait créer directement d'obligations dans le chef d'un particulier. (CJCE février 1986, Marshall, p. 723). En outre, la CJCE a manifesté la volonté de lutter contre la carence de l'Etat dans la transposition en considérant que l'Etat défaillant était tenu de réparer les dommages découlant pour les particuliers de la non transposition (CJCE ? Francovitch). B. L'évolution de la jurisprudence du Conseil d'Etat. [...]

[...] Enfin, il a admis que l'incompatibilité du droit interne avec les objectifs d'une directive non transposée puisse être invoquée dans l'hypothèse où les règles du droit interne résulte de la jurisprudence administrative (CE Tête relativement à la jurisprudence sur les concessions de TxP) 2. Une fois la transposition intervenue Le contrôle du JA s'exerce sur la légalité des AA qui procèdent à la transposition au regard des objectifs définis par la directive (CE Confédération nationale des sociétés de protection des animaux de France) Une directive peut être invoquée à l'appui d'une exception d'illégalité soulevée contre une mesure réglementaire qui n'a procédé à sa transposition que de façon incomplète. [...]

[...] Remarque :le CE ne dénie pas toute valeur juridique à la directive ! Il admet que les Etats doivent les mettre en œuvre, sous le contrôle des juridictions nationales, par voie réglementaire. Or DCB n'avait nullement contesté les mesures réglementaires prises par le Gvt français pour l'application de cette directive. III) Si, initialement, la divergence de jurisprudence entre la Cour de justice des communautés européennes et le Conseil d'État a été soulignée, les développements ultérieurs ont conduit à un rapprochement des positions des deux juridictions dans la pratique, sans pour autant mettre un terme à la différence théorique. [...]

[...] Le Conseil d'État a maintenu sa jurisprudence Cohn-Bendit. Il en ainsi jugé que l'Etat ne peut se prévaloir à l'encontre d'un particulier d'une directive qu'il n'a pas transposée (CE SA Lilly France). Pour autant, il a veillé dans la pratique à ce que les autorités administratives et le législateur se conforment aux directives communautaires : 1. Avant la transposition Tout intéressé peut inviter le Gvt à prendre les règlements transposant une directive dans l'OJI ou à rectifier ceux en vigueur mais non compatibles avec elle (CE Cie Alitalia et CE, Despujols) Les autorités nationales ne peuvent pas prendre d'actes réglementaires contraires aux objectifs définis par une directive, alors même que celle-ci n'a pas été transposée (CE Fédération française des sociétés de protection de la nature, Postérieurement à la jurisprudence Nicolo, il a accepté d'écarter l'application d'une disposition législative incompatible avec une directive antérieure non transposée, une fois le délai de transposition passé. [...]