Par l'arrêt Canal , le Conseil d'État a annulé une ordonnance prise par le Président de la République sur le fondement d'une loi référendaire qui instituait une cour militaire de justice au motif que la procédure prévue devant cette cour et l'absence de tout recours contre ses décisions portaient atteinte aux principes généraux du droit pénal. Cette décision fut la cause d'une très vive tension entre le général de Gaulle et le Conseil d'État, qui sembla un instant menacé, si ce n'est dans son existence même, du moins dans son rôle et dans ses attributions.
[...] Le Conseil d'État a donc considéré que l'habilitation n'était pas une attribution d'une portion du pouvoir législatif mais une simple autorisation accordée au pouvoir réglementaire d'intervenir, dans les strictes limites de l'habilitation, dans le domaine de la loi. Bien que pouvant modifier des textes législatifs, l'ordonnance conservait donc la nature réglementaire que lui confère son auteur[1]. De la même manière, le Conseil d'État s'était reconnu compétent pour se prononcer sur un recours dirigé contre une ordonnance prise par le Gouvernement sur habilitation du Parlement, en vertu de l'article 38 de la Constitution (Ass novembre 1961, Fédération nationale des syndicats de police, p. 658). [...]
[...] II) Sur la légalité de l'ordonnance à valeur réglementaire La légalité de l'ordonnance dépendait de la réponse apportée à deux questions. A. La première était relative à la portée de l'habilitation accordée au chef de l'État par la loi référendaire : le Conseil d'État donna de cette habilitation une interprétation restrictive, dans la ligne de sa jurisprudence Syndicat général des ingénieurs-conseils. La loi référendaire confiait de très larges pouvoirs au PD (prise d'ordonnances en matière législative) mais dans un but précis : l'application des déclarations gvtles du 19 mars 1962. [...]
[...] En revanche, les ordonnances du PDR conservant un caractère tréglementaire, elles demeuraient soumises au respect des PGD en l'espèce les PG du droit pénal et des droits de la défense. Or le CE relève deux graves violations des PGD : L'article 10 de l'ordonnance excluait tout recours contre toute décision de la Cour militaire, de son pdt ou de son MP L'article 11 posait comme principe le dessaisissement des juridictions civiles et militaires , et l'interruption des procédures engagées, dès lors que les auteurs des infractions définies à l'article 1er de l'ordonnance étaient déférés à la CMJ. [...]
[...] Par le référendum du 8 avril 1962, le peuple souverain approuva massivement les accords d'Evian qui mettaient fin à la guerre d'Algérie. La loi soumise à référendum autorisait également le Président de la République à prendre par ordonnance ou par décret en conseil des ministres "toutes mesures législatives ou réglementaires relatives à l'application" de ces accords. Sur le fondement de cette habilitation, le général de Gaulle avait institué, par une ordonnance du 1er juin 1962 une juridiction spéciale, la Cour militaire de justice, chargée de juger, suivant une procédure spéciale et sans recours possible, les auteurs et complices de certaines infractions en relation avec les événements algériens. [...]
[...] Le CE admet dans ce cas que certaines illégalités soient commises sans entraîner la censure du JA (cf CE Heyriès). Dans le cas présent, tout en faisant référence aux circonstances de l'époque le CE estime que celles-ci ne justifiaient pas des atteintes aussi importantes et aussi graves, et que l'objctif poursuivi par l'ordonnance pouvait être atteint sans qu'elles fussent commises. Cette position du CE avait déjà été définie par CE Compagnie des chemins de fer de l'Est puis appliquée aux décrets-lois de la IIIème République (CE Union des véhicules industriels) et aux décrets pris sur habilitation législative sous la IVème (CE Société des Etablissements Mulsan). [...]
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