Le juge administratif peut s'introduire dans la sphère des rapports de droit privé notamment lorsqu'une contestation sérieuse s'élève sur la validité d'un acte de droit privé comme la convention collective de l'arrêt du Conseil d'État de section, du 23 mars 2012, « Fédération Sud Santé Sociaux ».
En l'espèce, le 20 mai 2009, l'Union des fédérations et syndicats nationaux d'employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social (UNIFED) a conclu avec des organisations syndicales, un accord de branche déterminant les conditions de mise à disposition de salariés auprès de six organisations syndicales présumées représentatives à la date de la signature.
Cet accord a fait l'objet d'un agrément du ministre chargé de l'action sociale par un arrêté du 7 juillet 2009 et a été étendu par un arrêté du 18 décembre 2009.
La fédération Sud Santé Sociaux a enregistré une requête le 8 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État. La fédération Sud Santé Sociaux demande en effet au Conseil d'État l'annulation pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 7 juillet 2009 en tant qu'il agrée cet accord litigieux. En effet, le demandeur conteste l'accord litigieux au regard de la loi du 20 août 2008, en ce qu'il est conclu pour une durée indéterminée et ne prévoit de révision que par la volonté des parties et au regard du principe d'égalité.
Avant de se prononcer, il appartenait donc au juge administratif de déterminer s'il devait surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée et si la question de la validité de l'accord soulevait une difficulté sérieuse.
Le Conseil d'État dans cet arrêt de section du 23 mars 2012, « Fédération Sud Santé Sociaux » décide que la contestation de l'accord litigieux soulève une difficulté sérieuse justifiant qu'il sursoie à statuer sur la requête de la société demanderesse tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2009 en tant qu'il agrée l'accord du 20 mai 2009 jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question.
Le juge administratif est en principe seul compétent pour apprécier la légalité des actes administratifs en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.
Cependant, le juge administratif peut interroger l'autorité judiciaire quand un litige soulève une contestation sérieuse (I). Le renvoi préjudiciel est d'autant plus possible, si aucune dérogation à l'obligation de renvoi préjudiciel n'est applicable. En effet, si la contestation sérieuse soulevée par le litige n'est pas résolue par la jurisprudence ; que la question de la conformité de l'accord collectif avec le droit de l'Union Européenne n'est pas en cause ; et que la dérogation liée à l'intervention du législateur ne s'applique pas, il n'y a aucun obstacle à ce que le renvoi préjudiciel soit possible (II) (...)
[...] En effet, l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 sur la séparation des autorités administratives et judiciaires interdit à ces dernières de troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs Ce principe, inspiré par la méfiance envers les tribunaux judiciaires, leur dénie toute compétence pour juger de l'action administrative ainsi que pour juger les administrateurs à raison de leurs fonctions. Les tribunaux judiciaires écartés, s'est instaurée la pratique selon laquelle les administrateurs étaient également juges des litiges administratifs, donc juges et parties, c'est le système de l'administrateur-juge. Il fallait donc donner un véritable juge à la puissance publique sous peine de déni de justice ou d'arbitraire. Ce fut fait en l'an VIII, en 1799, avec l'institution de juridictions spécialisées dans le règlement du contentieux de l'administration. [...]
[...] Le Conseil d'État estime donc que le renvoi préjudiciel doit être opéré puisqu'aucune des dérogations précédemment mentionnées ne peut être appliquée. Le juge administratif a donc l'obligation de surseoir à statuer pour ce litige mettant en cause un acte de droit privé. En effet, ni le droit de l'Union Européenne, ni la jurisprudence établie ne permettent au juge administratif de se prononcer sur la validité, au regard de la loi du 20 août 2008 ou du principe d'égalité, de l'accord conclu pour une durée indéterminée et qui ne prévoyait de révision que par la volonté des parties. [...]
[...] Le Conseil d'État dans cet arrêt de section du 23 mars 2012, Fédération Sud Santé Sociaux décide que la contestation de l'accord litigieux soulève une difficulté sérieuse justifiant qu'il sursoie à statuer sur la requête de la société demanderesse tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2009 en tant qu'il agrée l'accord du 20 mai 2009 jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question. Le juge administratif est en principe seul compétent pour apprécier la légalité des actes administratifs en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. [...]
[...] Cependant, la légalité de cet arrêté est subordonnée à la validité de la convention collective de travail. Une contestation sérieuse s'élevant de plus sur cette validité, le juge administratif doit donc surseoir à statuer. De plus, aucune dérogation à l'obligation de renvoi préjudiciel n'est applicable en l'espèce. II- Une question préjudicielle à l'instigation du juge administratif possible : Cette procédure du renvoi préjudiciel allonge la durée du procès. Il existe donc trois cas de dérogations à ce principe. [...]
[...] De plus, une contestation sérieuse s'élève sur la validité de l'accord de branche déterminant les conditions de mise à disposition de salariés auprès de ces organisations syndicales. Le juge administratif saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté ministériel doit donc surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction judiciaire se soit prononcée sur la question de la validité de cet accord étant donné que cette convention collective de travail possède un caractère de contrat de droit privé. Le juge administratif est compétent pour contrôler la légalité de l'arrêté ministériel. [...]
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