Responsabilité administrative pour faute prisons Zouiya pénitentiaire
« La justice ne saurait s'arrêter à la porte des prisons ». Issue de la jurisprudence de la Cour européenne de des droits de l'homme (CEDH, 1984, Campbell c/ Royaume-Uni), cette affirmation paraît guider les juges français. Si les mesures d'ordre intérieur, en matière pénitentiaire, ont peu à peu été abandonnées, il en va de même en ce qui concerne la responsabilité de l'État pour faute simple. L'arrêt du Conseil d'État du 17 décembre 2008 illustre cette évolution.
Il était question, dans cette affaire, d'un décès survenu accidentellement d'un détenu. En effet, dans le but d'attirer l'attention afin de changer de cellule, un détenu a enflammé divers éléments, dont son matelas. La mousse de celui-ci, hautement inflammable, s'est dégagé très rapidement et a provoqué la mort de l'incendiaire et de l'un de ses codétenus, M. Zaouiya. Le surveillant de nuit n'a pas pu intervenir directement, car, pour des raisons de sécurité, il n'avait pas les clés des cellules. Le temps qui s'est découlé entre l'incendie et l'intervention des surveillants a donc été fatal aux deux détenus.
Les parents de M. Zaouiya ont saisi le tribunal administratif de Versailles dans le but que la responsabilité de l'État soit engagée, et indemnise les requérants de la mort de leur fils. Le tribunal a accueilli leur demande (en jugeant que l'État avait commis une faute spéciale du fait du placement d'un jeune homme vingt ans avec d'autres, ce qui est interdit par le règlement) mais ont prononcé une indemnisation très inférieure à celle demandée, le 18 mai 2004. Ce jugement a été frappé d'un appel par le Ministre de la justice et par les requérants, qui demandaient à ce que la somme allouée soit plus substantielle. La Cour administrative d'appel de Versailles a ainsi été saisie, et a retenu la responsabilité de l'État (pour un cumul de fautes), tout en maintenant l'indemnité allouée (arrêt rendu le 2 février 2006). Le garde des sceaux forma donc un pourvoi en cassation auprès du Conseil d'État, sans que M. et Mme Zaouiya ne demandent directement une réévaluation du préjudice subi.
A l'appui de son pourvoi, le ministre de la justice argue que le contexte dans lequel étaient incarcérés les détenus n'était pas la cause de la mort accidentelle de deux d'entre eux, et qu'il n'y avait eu aucune faute lourde de commise.
Ainsi, dans quelle mesure une faute d'un établissement pénitentiaire, indépendamment de sa gravité dès lors qu'un décès accidentel soit survenu, est-elle susceptible d'engager la responsabilité de l'État ?
Le Conseil d'État a retenu l'existence de plusieurs fautes de nature à engager la responsabilité de l'État (I), tout en confirmant les conditions auxquelles cette responsabilité est susceptible d'être engagée (II).
[...] et Mme Zaouiya ne demandent directement une réévaluation du préjudice subi. A l'appui de son pourvoi, le ministre de la justice argue que le contexte dans lequel étaient incarcérés les détenus n'était pas la cause de la mort accidentelle de deux d'entre eux, et qu'il n'y avait eu aucune faute lourde de commise. Ainsi, dans quelle mesure une faute d'un établissement pénitentiaire, indépendamment de sa gravité dès lors qu'un décès accidentel soit survenu, est-elle susceptible d'engager la responsabilité de l'État ? [...]
[...] Dans l'affaire du 17 décembre 2008, une faute lourde aurait-elle pu être caractérisée ? Il est probable que non, dans la mesure où il n'y a pas véritablement de faute commise par le personnel : le détenu qui a produit les faits ayant conduit à la mort accidentelle de M. Zaouiya ignorait que le « gardien rondier », agissant seul la nuit, n'avait pas les clés des cellules, pour des raisons évidentes de sécurité. Les consignes ont été ici strictement appliquées, ce qui ne peut pas caractériser une faute. [...]
[...] L'arrêt commenté retient cette hypothèse : s'il n'énonce aucune foute lourde (« aucune de ces circonstances ne revêt le caractère d'une faute lourde »), il n'en demeure pas moins qu'il se rallie à la Cour administrative d'appel, dans la mesure où le juge de cassation énonce que « la responsabilité de l'État était susceptible d'être engagée à raison du décès de M. Zaouiya ». En effet, la Cour d'appel a retenu une succession de faute de l'administration. En premier lieu, l'administration pénitentiaire n'a pas tiré les conséquences du phénomène déjà connu des matelas facilement inflammables. De plus, les cellules n'étaient pas équipées d'un système de dégagement de fumées adapté. En outre, le temps d'accès à la cellule enflammée aurait été trop long. [...]
[...] La responsabilité administrative pour faute « La justice ne saurait s'arrêter à la porte des prisons ». Issue de la jurisprudence de la Cour européenne de des droits de l'homme (CEDH Campbell Royaume-Uni), cette affirmation paraît guider les juges français. Si les mesures d'ordre intérieur, en matière pénitentiaire, ont peu à peu été abandonnées, il en va de même en ce qui concerne la responsabilité de l'État pour faute simple. L'arrêt du Conseil d'État du 17 décembre 2008 illustre cette évolution. [...]
[...] La contestation des faits reprochés à l'administration par le requérant ne peut d'ailleurs pas être accueillie. L'appréciation de la seule erreur dans la qualification juridique des faits initiée par la cour d'appel Le Ministre de la justice a développé le moyen selon lequel la Cour administrative d'appel aurait mal apprécié les faits de l'espèce, ce qui conduit à dire qu'elle a commis une erreur dans la qualification juridique des faits. Le Conseil d'État rappelle qu'en tant que juge de cassation, il peut seulement contrôler que la juridiction d'appel n'a pas commis de dénaturation en cette matière. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture