FIFA, Conseil, Etat, 22 novembre 1974
Pour Léon Duguit (1859 ; 1928), doyen de la faculté de Bordeaux et fondateur de l'école dite du service public, le service public se définit comme « toute activité dont l'accomplissement doit être assuré, réglé, contrôlé par les gouvernants, parce que l'accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l'interdépendance sociale, et qu'elle est de telle nature qu'elle ne peut être réalisée complètement que par l'intervention de la force gouvernante. » Ainsi, Duguit distingue trois éléments constitutifs d'un service public. En effet, il met tout d'abord en évidence un élément organique selon lequel tout service public doit être géré par une personne publique, puis un élément formel attribuant un régime juridique différent du droit privé pour les services publics et enfin un élément matériel à savoir la satisfaction de l'intérêt général. Toutefois, cette conception tripartite des éléments constitutifs de la définition d'un service public va évoluer. Ainsi, pour ce qui est du critère organique, celui-ci ne répond plus à la définition de Duguit car désormais il n'est pas rare qu'un service public soit géré par un organisme privé. Ainsi, le 13 mai 1938, le Conseil d'Etat dans un arrêt d'assemblée « Caisse primaire, aide et protection » admet qu'une caisse ayant le statut de personne privée gère tout ce qui relève de la sécurité sociale et exploite ce service public en l'absence de concession.
C'est ce que vient consacrer le Conseil d'Etat dans son arrêt du 22 novembre 1974 « Fédération des Industries Françaises d'Articles de Sport. (FIFAS)» En l'espèce, le ministre de la jeunesse et des sports a en effet accordé, par arrêté en date du 21 décembre 1966, une délégation à la fédération française de tennis de table jusqu'en décembre 1967 afin que celle-ci puisse autoriser les compétitions de tennis de table. En vertu de cette délégation, la fédération française de tennis de table prend, les 1er et 25 juillet 1967, des décisions instituant une redevance de 5000 francs pour l'agrément de balles de tennis de table en compétition et modifiant ainsi la procédure d'homologation des balles. La FIFAS dépose alors une requête tendant à l'annulation de ces décisions pour excès de pouvoir le 25 avril 1969 devant le tribunal administratif de Paris. C'est finalement le Conseil d'Etat qui va se prononcer d'une part sur sa compétence et d'autre part sur la légalité de ces décisions suite à l'ordonnance de 1972 du président du tribunal administratif de Paris.
[...] C'est donc dans les applications de l'arrêt FIFAS que ces limites vont apparaitre. Ainsi, par la suite, le Conseil d'Etat va opérer une distinction entre les organismes privés agissant en vertu d'une habilitation du ministère et les organismes privés agissant en vertu d'un simple agrément. C'est dans ce dernier cas, que l'on va rencontrer les limites de l'application du droit administratif. En effet, pour les organismes privés habilités par le ministère, on applique la jurisprudence FIFAS, dès lors qu'ils exécutent un service public avec des prérogatives de puissance publique, leurs décisions constituent des actes administratifs. [...]
[...] Avant cet arrêt FIFAS de 1974 du Conseil d'Etat, le sport n'était pas nécessairement un service public car ce n'était pas considéré comme une activité d'intérêt général. Il va falloir une évolution jurisprudentielle assez étonnante. Ainsi, avant 1936, l'activité sportive scolaire n'est pas un service public : c'est avec le front populaire qu'on reconnait que le sport fait partie de l'éducation tout comme n'importe quelle autre matière. Toutefois, le sport de loisir, le sport de compétition amateur et le sport professionnel ne sont pas encore reconnus comme un service public. [...]
[...] Mais le conseil d'Etat va considérer que c'est un acte administratif unilatéral sur un autre considérant : cette fédération, organisme de droit privé, a été chargée de participer à l'application de la réglementation économique et s'est ainsi vu dotée d'un pouvoir de décision qui constitue une prérogative de puissance publique. Par conséquence, ses décisions constituent des actes administratifs unilatéraux (arrêt confirmé à plusieurs reprises : Conseil d'État 13 janvier 1961 Magnier ; Conseil d'Etat 13 juillet 1968 Capus). Ainsi, le Conseil d'Etat change la définition de l'acte administratif unilatéral : c'est désormais lorsqu'un organisme privé dispose de prérogatives de puissance publique que ses décisions sont des actes administratifs unilatéraux, on n'exige plus qu'il gère un service public. [...]
[...] Le Conseil d'Etat décide en effet d'annuler cette décision du fait du non respect de la délégation. La délégation a en effet été élargie par la fédération française de tennis de table qui a fixé le montant du versement exigé des titulaires d'agrément à un niveau bien trop élevé alors que cette délégation n'avait pour seul but d'autoriser les compétitions dans ce sport : le ministre de la jeunesse et des sports a accordé, jusqu'au 31 décembre 1967, délégation de pouvoirs a la fédération française du tennis de table pour autoriser dans ce sport les compétitions ce qui comprenait la définition des modalités d'organisation des compétitions et la détermination des règles d'homologation des balles devant être employées lors de ces compétitions. [...]
[...] Ce premier critère déterminant, le conseil d'Etat vient en effet nous dire qu'il est rempli par la fédération française de tennis de table à plusieurs reprises. En effet, après avoir rappelé le principe selon lequel «qu'en vertu de l'article 1er de l'ordonnance du 28 aout 1945 [ ] le législateur a confie aux fédérations sportives [ ] l'exécution d'un service public administratif , le Conseil d'Etat vérifie que c'est bien le cas en l'espèce la décision attaquée du 25 juillet 1967, laquelle a eu pour objet de modifier les conditions de la procédure d'homologation des balles de tennis de table, a été prise pour l'accomplissement d'un service public. [...]
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