Conseil d'Etat, 5 octobre 2007, UGC, ciné, commentaire, CE, La gestion du service public par des personnes morales de droit privé
Le droit administratif gravite autour de la notion de service public, qui est complexe, mais essentielle. Pour René Chapus, le service public c'est « une activité d'intérêt général assurée ou assumée par l'administration ». Le commissaire Corneille complète cette définition en décrivant le service public comme « un procédé juridique par lequel satisfaction est donné par l'administration à un besoin d'intérêt général ». L'arrêt du Conseil d'Etat étudié, du 5 octobre 2007, vient ajouter des précisions sur le service public et les personnes privées qui exercent une activité de service public.
En l'espèce, la société d'économie mixte « Palace Epinal » disposait de six salles de cinéma dans cette ville. Elle a demandé à la commission départementale d'équipement cinématographique des Vosges l'autorisation d'ouvrir un nouveau multiplexe de dix salles, pour remplacer le précédent. Cette autorisation lui a été accordée le 24 avril 2006.
Toutefois, la société UGC-Ciné-Cité a saisi en référé le Tribunal Administratif de Nancy, afin que la signature du contrat soit différée, et que soit ordonnée une procédure de passation de délégation de service public, ceci pour respecter les obligations de publicité et de mise en concurrence prévues notamment par l'article L 551-1 du Code de justice administrative.
Le juge des référés a rejeté ces demandes car il n'estimait pas que « Palace Epinal » gère une mission de service public. La société UGC-Ciné-Cité forme un pourvoi devant le Conseil d'Etat en tant que juge de cassation afin d'annuler cette décision. Et le 5 octobre 2007, le Conseil d'Etat confirme la décision rendue en premier ressort.
Ainsi, il a dû s'interroger sur les critères permettant de qualifier de service public une activité d'intérêt général gérée par un organisme privé, mais ne disposant pas de disposant pas de prérogatives de puissance publique.
Dans cet arrêt de rejet, le Conseil d'Etat, en accord avec la jurisprudence ancienne annonce que sans prérogatives de puissance publique, une personne privée ne peut exercer une activité de service public. Cependant, il affirme aussi l'existence de l'intention d'administration, nouvelle caractéristique du service public autonome de la puissance publique, qui est manquante en l'espèce.
La qualification ou non de service public est essentielle dans cet arrêt. En effet, la société UCG-ciné-cité prétend que la société « Palace Epinal » est un service public, et donc que la ville d'Epinal aurait dû se plier aux règles du Code de justice administrative.
Il conviendra d'étudier dans un premier temps la qualification d'une activité de service public par une personne privée (I), puis dans un second temps l'utilisation de la méthode de faisceau d'indice (II).
[...] Ainsi, comme nous venons de le remarquer ci-dessus, une activité gérée par personne privée peut désormais ne pas être qualifiée de service public, même si elle possède des prérogatives de puissance publique. C'est ce qu'à dégagé l'arrêt APREI, dont le considérant a été reprit : [ ] que même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission Il conviendra par conséquent d'évoquer la reconnaissance d'un service public malgré l'absence de prérogatives de puissance publique puis la recherche d'éléments intentionnels dans l'arrêt d'espèce A La reconnaissance d'un service public malgré l'absence de prérogatives de puissance publique Dès le 20 juillet 1990, dans l'arrêt Ville de Melun le Conseil d'Etat avait estimé qu'une activité gérée par une personne privée ne détenant pas de prérogatives de puissance publique pouvait être qualifiée de service public dès lors que l'activité en cause représente bien un caractère d'intérêt général, et que l'administration contrôle la personne privée. [...]
[...] La qualification ou non de service public est essentielle dans cet arrêt. En effet, la société UCG-ciné-cité prétend que la société Palace Epinal est un service public, et donc que la ville d'Epinal aurait dû se plier aux règles du Code de justice administrative. Il conviendra d'étudier dans un premier temps la qualification d'une activité de service public par une personne privée puis dans un second temps l'utilisation de la méthode de faisceau d'indice (II). I La qualification d'une activité de service public par une personne privée Le Conseil d'Etat reprend le considérant de la décision du 22 février 2007, nommée Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés (arrêt APREI) : Considérant qu' indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public [ ] Ici, le législateur ne s'est pas prononcer. [...]
[...] B La recherche d'éléments intentionnels dans l'arrêt d'espèce Le Conseil d'Etat estime que l'activité de la société Palace Epinal est bien d'intérêt général : Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que si la société d'économie mixte Palace Epinal qui n'est pas dotée de prérogatives de puissance publique, en vertu de ses statuts, une mission d'intérêt général en vue d'assurer localement l'exploitation cinématographique [ ] Cela aurait été impensable il y quelques décennies. Pourtant aujourd'hui, le juge administratif a tendance à qualifier d'intérêt général les activités relevant du domaine de la culture. Cependant, bien que d'intérêt général, cette société n'exerce pas une activité de service public. Pour soutenir la décision des juges du fond, le Conseil d'Etat se fonde sur l'intention de l'administration. Il cherche à savoir si l'administration voulait confier ou non une telle mission à cette personne privée. [...]
[...] Il va observer les conditions de création, d'organisation, et de fonctionnement de l'activité. Il va observer les obligations qui sont imposées à la personne privée, ainsi que sur les mesures prises pour vérifier que les objectifs assignés à la personne privée sont atteints. Et si au vu de tous ces éléments, l'administration semble avoir voulu créer un service public, alors l'activité gérée par la personne privée sera définie de service public, même si elle n'a pas de prérogatives de puissance publique. [...]
[...] Commentaire d'arrêt La gestion du service public par des personnes morales de droit privé Le droit administratif gravite autour de la notion de service public, qui est complexe, mais essentielle. Pour René Chapus, le service public c'est une activité d'intérêt général assurée ou assumée par l'administration Le commissaire Corneille complète cette définition en décrivant le service public comme un procédé juridique par lequel satisfaction est donné par l'administration à un besoin d'intérêt général L'arrêt du Conseil d'Etat étudié, du 5 octobre 2007, vient ajouter des précisions sur le service public et les personnes privées qui exercent une activité de service public. [...]
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