Conseil d'Etat, 14 décembre 2007, Actes administratifs non décisoires, actes administratifs ne faisant pas grief, circulaires, mesures d'ordre intérieur, CE, commentaire
En matière de détention, la France est en retard. Ces dernières années, plusieurs décisions de la Cour Européenne des droits de l'Homme ont condamnées la France. Elle doit aujourd'hui faire face à cela, et modifier sa jurisprudence.
En l'espèce, le Garde des sceaux ministre de la justice, a ordonné le 26 novembre 2003, le transfert de Monsieur A, condamné à 20 ans de réclusion criminelle par la Cour d'assises du Rhône le 30 janvier 1997. Ce transfert devant s'effectuer de la maison centrale de Saint-Maur, qui est un établissement pour peines, à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis.
Monsieur A, qui conteste cette décision, saisit le Tribunal administratif de Paris le 20 décembre 2004, qui rejette sa demande. Il interjette alors appel devant la Cour administrative d'appel de Paris, qui censura l'ordonnance du premier juge, et fît droit à sa requête par un arrêt du 19 décembre 2005. En effet, elle estime qu'il ne s'agissait pas d'une mesure d'ordre intérieur (MOI), et que de ce fait, elle était compétente pour contrôler la légalité de cette décision de transfert qui peut tout à fait faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
Le Garde des sceaux ministre de la justice se pourvoit alors devant de Conseil d'Etat contre cette décision qu'il souhaite voir annulée, pour qu'un ainsi M. A puisse être transféré.
Par conséquent, pour le Conseil d'Etat, il s'agissait de savoir si le transfert d'un détenu d'un établissement pour peine à une maison d'arrêt constitue ou non une mesure d'ordre intérieur, et donc si cette mesure fait grief. Plus généralement, il s'agit de la question de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir. Si ce recours est possible, la décision prise par le Garde des sceaux ministre de la justice a-t-elle été prise dans la légalité, quant à sa forme ou à son fond ? En outre, le mémoire complémentaire déposé par M. A, qui a été enregistré le 25 novembre 2005 et transmis ce même jour au Garde des sceaux ministre de la justice, respecte-t-il les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure ?
Selon de Conseil d'Etat, réuni en assemblée le 14 décembre 2007, la décision du Garde des sceaux ministre de la justice doit être considérée comme faisant grief, et est donc susceptible d'un recours pour excès de pouvoir, d'autant plus que cette décision est irrégulière tant sur le fond, que sur la forme. En outre, le Garde des sceaux ministre de la justice a eu un délai suffisant pour prendre connaissance du mémoire de M. A, et la Cour administrative d'appel n'a pas méconnu le principe du caractère contradictoire de l'instruction. C'est pourquoi le Conseil d'Etat rejette la demande du ministre de la justice.
Antérieurement, le juge avait tendance à considérer que les mesures concernant les détenus étaient des mesures d'ordre intérieur, et qu'elles ne pouvaient faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Mais la jurisprudence a fini par changer, notamment avec la Cour européenne des droits de l'homme qui prescrit le droit au juge par l'article 6 paragraphe 1. Cette jurisprudence s'est initiée par les arrêts Marie et Hardouin de 1995, qui annonce que ces mesures doivent être considérées comme faisant grief, mais aussi par l'arrêt Planchenault de 2007. Par conséquent, l'arrêt Garde des sceaux, ministre de la justice contre M. Boussouar s'inscrit dans cette tendance.
Après avoir étudié que le recours pour excès de pouvoir contre une décision de transfert est recevable (I), il conviendra d'étudier que cette décision de transfert est irrégulière (II).
[...] Cependant, le Conseil d'Etat donne une exception : le transfert entre deux établissements de même nature constitue une mesure d'ordre intérieur. Il en va de même pour le transfert d'une maison d'arrêt à un établissement pour peine. Cela correspond à une volonté de garantir une meilleure sécurité juridique, et de faire respecter les droits fondamentaux de ces personnes qui sont privées de liberté, mais qui restent avant tout des administrés. Il est à noter toutefois que le juge administratif n'impose pas ce raisonnement systématiquement : il l'impose seulement lorsqu'il s'agit des droits et libertés fondamentales des administrés. [...]
[...] Le Conseil d'Etat va donc examiner lui-même ces critères, qui ne sont pas cumulatifs. Ce qui signifie que l'un des deux suffit à faire grief à la décision. Après examen, le Conseil d'Etat estime que les conditions de vie sont différentes dans les deux établissements, et que celles de la maison d'arrêt sont moins favorables au détenu que celles de l'établissement pour peines. En outre, étant donné que cette décision était provisoire, le détenu y serait maintenu quelques temps. Par conséquent, la mesure de transfert doit être appréhendée comme faisant grief. [...]
[...] Pour le Conseil d'Etat, la décision de transférer un détenu d'un établissement pour peines à une maison d'arrêt est une décision de restriction des libertés publiques, qui figure à la liste des décisions qui doivent être motivées une mesure de transfert d'un détenu d'un établissement pour peines à une maison d'arrêt est, par nature, au nombre des décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques [ . ] En outre, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens avec l'administration, impose que, dans le cas des décisions qui doivent être motivées, l'administré concerné puisse présenter ses observations écrites ou orales. Néanmoins, cette disposition n'a pas été respectée, comme l'a souligné la Cour administrative d'appel. [...]
[...] Commentaire d'arrêt Actes administratifs non décisoire et actes administratifs ne faisant pas grief : l'exemple des circulaires et des mesures d'ordre intérieur En matière de détention, la France est en retard. Ces dernières années, plusieurs décisions de la Cour Européenne des droits de l'Homme ont condamnées la France. Elle doit aujourd'hui faire face à cela, et modifier sa jurisprudence. En l'espèce, le Garde des sceaux ministre de la justice, a ordonné le 26 novembre 2003, le transfert de Monsieur condamné à 20 ans de réclusion criminelle par la Cour d'assises du Rhône le 30 janvier 1997. [...]
[...] La détention en maison d'arrêt est donc faite pour les courtes peines, ou pour des conditions exceptionnelles. Or, le cas M. A ne relevait d'aucune de ces trois exceptions. Par conséquent, le Conseil d'Etat déclare la décision du Ministre Garde des sceaux contraire à l'article 717 du Code de procédure pénale, et en demande l'annulation. [...]
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