Tribunal Administratif de Rouen, 27 mars 2008, faute lourde, responsabilité de l'administration, dignité, personne humaine, administration pénitentiaire
Comme le dit si justement Nathalie Albert, professeur de droit à Tours, « L'histoire de la faute lourde est passé de la grandeur à la décadence ». En effet, jusque dans les années 1990, la faute lourde était fortement utilisée pour engager, ou non, la responsabilité de l'administration. Aujourd'hui, on se contente très généralement d'une faute, on ne demande plus qu'elle soit lourde. C'est ainsi que dans un jugement du 27 mars 2008 dont le commentaire nous est proposé, le tribunal administratif de Rouen a engagé la responsabilité de l'administration pénitentiaire pour faute sans qualifier celle-ci de faute lourde.
[...] Il n'y a donc plus d'immunité attribuée à l'administration. Cette solution avait été confirmée non seulement par l'arrêt qui nous intéresse ici, mais également par des arrêts postérieurs comme l'arrêt Delorme du 9 juillet 2007 ou l'arrêt Zaouya du 17 décembre 2008, par exemple. Il est à noter que dans les arrêts Chabba et Delorme, il s'agissait de suicides en prisons, dus à un manque de surveillance mais qui n'auraient probablement pas eu lieu si les victimes n'avaient pas été seules en cellule comme le préconisent les articles 719 et D.83 du code de procédure pénale. [...]
[...] En effet, dans le domaine qui nous intéresse ici, le juge accepte de plus en plus, en incohérence avec les politiques tout répressif et tout carcéral que l'on connait depuis 2007 et le durcissement du droit pénal, le juge accepte de plus en plus d'engager la responsabilité de l'État dans le contentieux qui l'oppose régulièrement aux détenus. Ainsi, plusieurs arrêts engagent la responsabilité de l'État pour des fautes commises dans le fonctionnement du service pénitentiaire. C'est le cas dès 2003 avec l'arrêt Chabba du 23 mai 2003. Le service pénitentiaire avait alors perdu son caractère régalien. Malgré le souci de protéger les deniers publics, la difficulté, aucun critère ne tient plus aujourd'hui pour maintenir la faute lourde. [...]
[...] Elle fait ainsi sa première apparition dans notre jurisprudence administrative dans l'arrêt du Conseil d'État du 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge. Bien avant cela, elle avait été reconnu dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 qui, dans son article interdit les traitements inhumains ou dégradants, la cour européenne des droits de l'Homme ayant, d'ailleurs, reconnu dans un arrêt du 22 novembre 1995 que l'essence même de la convention est le respect de la dignité et de la liberté De même, la Cour de justice des communautés européennes, devenue depuis peu la Cour de justice de l'union européenne, dans un arrêt assez récent du 14 octobre 2004, reconnait que l'ordre juridique communautaire [directement applicable dans les États membres, est-il besoin de le rappeler] tend indéniablement à assurer le respect de la dignité humaine en tant que principe général du droit D'une manière encore plus étendu à l'international, le pacte international sur les droits civils et politiques du 16 décembre 1996 reconnait que ces droits découlent de la dignité inhérente à la personne humaine En outre, le droit français lui-même l'avait reconnu avant même l'arrêt Morsang-sur-Orge, dans la loi du 29 juillet 1994 qui introduit dans le code civil l'article 16 qui pose que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garanti le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. [...]
[...] De plus, le juge administratif n'a pas tous les pouvoirs à l'encontre de l'administration. II)Les conditions d'engagement de la responsabilité de l'administration. Le juge français protège de nos jours de plus en plus les personnes incarcérées cependant, il ne peut sanctionner l'administration que pour des fautes qu'elle a commise et non pour des fautes futures A)L'engagement de la responsabilité de l'administration pour faute simple conforme à la jurisprudence. Jusque dans les années 1990, donc, le juge administratif exigeait la présence d'une faute lourde pour engager la responsabilité de l'administration. [...]
[...] Cependant, ces deux articles comportent une exception de taille, celle de la limite de la distribution intérieure des maisons d'arrêt. Il serait impensable en effet de laisser des personnes mises en cause dans des affaires criminelles ou délictuelles en liberté sous le seul prétexte du manque de place dans les maisons d'arrêts. Si la violation de ce principe de l'emprisonnement individuel est bel et bien établie en l'espèce, il est donc exclu, de par cette exception contenue dans les articles précités, de se fonder sur cette violation pour engager la responsabilité de l'administration pénitentiaire. [...]
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