Administratif, arrêt, commentaire, IFOP, circulaire, acte administratif, décisoire, règlement, loi, interprétative, impérative, réglementaire, légalité, normativité
Cet arrêt d'assemblée rendu par le Conseil d'Etat le 18 juin 1993 se penche sur le délicat statut juridique des circulaires. N'étant par définition qu'« instruments d'un pouvoir réglementaire d'application de fait » (J. Petit), on a pu cependant s'apercevoir qu'elles pouvaient également comporter des dispositions impératives amenant le Conseil d'Etat dans un premier temps à distinguer les circulaires interprétatives des circulaires réglementaires. Toutefois l'évolution de la jurisprudence mais également de la nature de ces circulaire ont amené le juge administratif à reconsidérer cette distinction.
Un communiqué du 18 mars 1992 de la Commission de sondages relatif à l'application de l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977, qui interdit les sondages d'intention de vote mais également ceux réalisés à la « sortie des urnes » le jour du scrutin, a estimé que les enquêtes réalisées lors des élections régionales du 22 mars 1992 ne pouvaient être publiées qu'après le déroulement du second tour des élections cantonales du 29 mars 1992.
L'IFOP, la société Europe 1 Télécompagnie et la société Le Figaro forment une requête devant le Conseil d'Etat (qui statue en premier ressort car il est saisi par une autorité collégiale à compétence nationale ; décret de 2010) tendant à l'annulation pour excès de pouvoir le communiqué de la Commission de sondages en date du 18 mars 1992.
L'interprétation donnée par le communiqué assimilé à une circulaire, ici attaquée, de la loi du 19 juillet 1977, est-elle illégale en ce qu'elle constituerait une décision administrative décisoire, justifiant qu'elle puisse faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ?
Le Conseil d'Etat répond par la négative en rappelant que la circulaire se bornant simplement à interpréter les dispositions de la loi du 19 juillet 1977, elle n'est pas un acte décisoire pouvant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Partant, les requêtes dirigées contre elle sont rejetées. Les juges retiennent, ici, une distinction reposant sur l'objet entre les dispositions impératives d'une circulaire et celles qui ne le sont pas. Estimant que les dispositions impératives à caractère général de la circulaire se bornent simplement à interpréter la loi, les requêtes dirigées contre elles ne sont pas recevables.
Le Conseil d'Etat admet désormais que soient contestées devant le juge les interprétations données par l'administration dans une circulaire. Il semble en effet abandonner la distinction entre circulaires interprétatives et circulaires réglementaires (CE, Ass., 29 janvier 1954, Institution Notre-Dame du Kreisker) et adopté un nouveau critère de recevabilité du recours dirigé contre les dispositions à caractère général d'une circulaire, qui réside dans le caractère impératif de celles-ci. Ainsi l'ordre est inversé, le juge se penche d'abord sur l'impérativité puis sur la recevabilité du recours. Ce courant jurisprudentiel, qui a été initié par un arrêt du 15 mai 1987, Ordre des avocats à la Cour de Paris, où le juge examinait d'abord le bien-fondé de la requête puis sa recevabilité, est ici confirmé mais le bien-fondé n'est plus lié à la recevabilité. Aussi, une nouvelle étape est franchie avec cet arrêt, le juge va également rechercher l'illégalité de l'interprétation dans son respect, du texte qu'elle cherche à expliciter et, de l'ordre juridique ; à savoir, si elle « méconnaît le sens et la portée [du texte] qu'elle se propose d'expliciter » ou si « elle contrevient aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes », alors elle peut faire l'objet d'un recours.
On va dans une première partie se pencher sur le contrôle de légalité de la circulaire opéré par le juge administratif (I) qui lui permettra ensuite de déduire, et on le verra dans une seconde partie, la recevabilité du recours pour excès de pouvoir dirigé contre les dispositions de la circulaire (II).
[...] Le juge administratif admet ainsi la possibilité de former un recours contre des circulaires interprétatives qui seraient illégales en ce que les dispostions impératives à caractère général qu'elle contient seraient vues comme non-conformes à la légalité. Cette décision offre une garantie supplémentaire aux administrés quant aux cas où l'administration déformerait volontairement des dispositions législatives dans des circulaires à ses agents. Outre, le contrôle de la normativité ou même celui de l'innovation qui le précédait (arrêt CE Ass janvier 1954 : Institution Notre-Dame de Kreisker), il y a là un contrôle très restreint des circulaires empêchant toute tentative de « débordement » de l'administration dans l'utilisation, pour le moins très fréquente, de ce type d'actes. [...]
[...] Cependant, en l'espèce, le juge ne relève rien de tel. Il a simplement voulu consacrer la nécessité que la circulaire soit légale au regard du texte qu'elle interprète mais également au regard des autres normes (notamment quant à sa valeur dans l'ordonnancement juridique) alors que cette question n'est pas examinée en l'espèce. La normativité : un contrôle de l'effet de la circulaire « Les dispositions du communiqué de la Commission des sondages [ ] constituent une simple interprétation des prescriptions adoptées par le législateur qui n'est pas de nature à faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ». [...]
[...] L'illégalité et la normativité : critères de la recevabilité du recours Ces deux critères non cumulatifs sont requis pour qu'une requête soit reçue par le juge. L'illégalité : un contrôle du contenu de la circulaire C'est là une des nouveautés apportées par cet arrêt. Le juge administratif retient, ici, la recevabilité de circulaires interprétatives qui méconnaîteraient « le sens et la portée des prescriptions législatives ou réglementaires qu'elle se propose d'expliciter ». Ici, le juge va opérer un contrôle du contenu de la circulaire. [...]
[...] N'étant par définition qu'« instruments d'un pouvoir réglementaire d'application de fait » (J. Petit), on a pu cependant s'apercevoir qu'elles pouvaient également comporter des dispositions impératives amenant le Conseil d'Etat dans un premier temps à distinguer les circulaires interprétatives des circulaires réglementaires. Toutefois l'évolution de la jurisprudence mais également de la nature de ces circulaire ont amené le juge administratif à reconsidérer cette distinction. Un communiqué du 18 mars 1992 de la Commission de sondages relatif à l'application de l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977, qui interdit les sondages d'intention de vote mais également ceux réalisés à la « sortie des urnes » le jour du scrutin, a estimé que les enquêtes réalisées lors des élections régionales du 22 mars 1992 ne pouvaient être publiées qu'après le déroulement du second tour des élections cantonales du 29 mars 1992. [...]
[...] Puis, dans un second temps, il se penche sur le bien-fondé de celle-ci. Or, face aux difficultés qui ont pu se présenter devant lui, quant à la définition délicate du statut juridique des circulaires, et pour éviter que l'administration ne s'octroie le pouvoir d'édicter librement des circulaires contraignantes, le juge a du renforcer son contrôle. Pour déterminer si une circulaire est un acte susceptible de recours pour excès de pouvoir, il est allé jusqu'à commencer par examiner sa légalité afin d'en déduire sa nature (contraignante, partant réglementaire ou non contraignante, partant simplement interprétative). [...]
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