Commentaire comparé des arrêts Boussouar, Planchenault et Payet du 14 décembre 2007
Par trois décisions, Boussouar, Planchenault et Payet rendues en Assemblée du contentieux en date du 14 décembre 2007, le Conseil d'État a apporté une nouvelle restriction au champ des mesures d'ordre intérieur dans le milieu carcéral.
La catégorie des mesures d'ordre intérieur, décisions individuelles traditionnellement insusceptibles de recours devant le juge de l'excès de pouvoir, n'est plus aussi intouchable depuis quelques années. En effet, le Conseil d'État (CE) dans ses arrêts Boussouar, Planchenault et Payet a souhaité à nouveau restreindre le champ de ces mesures en admettant un recours contentieux à l'encontre de certaines décisions frappant les détenus d'un établissement pénitentiaire.
En l'espèce, dans la première affaire, M. Boussouar a fait l'objet d'une décision de changement d'affectation d'un établissement pour peines (Saint-Maur) vers une maison d'arrêt (Fleury-Mérogis) en date du 26 novembre 2003. M. Boussouar a alors saisi le tribunal administratif (TA) de Paris qui le 20 décembre 2004, a rejeté sa demande d'annulation de cette décision pour motif d'irrecevabilité. Par un arrêt du 19 novembre 2005, la Cour administrative d'appel (CAA) de Paris a censuré l'ordonnance du président de la 7ème section du TA de Paris. Le Garde des Sceaux s'est alors pourvu contre cet arrêt devant le CE en tant qu'il juge recevable la requête présentée par M. Boussouar.
Dans le second arrêt, M. Planchenault, par une décision du 12 juillet 2001 a été déclassé de son emploi d'auxiliaire de cuisine à la maison d'arrêt de Nantes. Il a alors effectué un recours hiérarchique auprès du directeur régional des services pénitentiaires qui a été rejeté. Il a ensuite saisi le TA de Nantes, lequel a également rejeté sa demande par un jugement du 4 août 2004. L'arrêt de la Cour de Nantes en date du 29 juin 2005 a confirmé ce jugement. M. Planchenault s'est donc pourvu en cassation devant le CE afin d'obtenir l'annulation de l'arrêt rendu par la Cour d'appel.
Enfin dans le dernier arrêt, M. Payet a fait l'objet d'une décision de rotation de sécurité sur ordre du ministre de la justice en date du 4 février 2006, qui se définit comme un changement d'affectation fréquent d'un établissement à un autre sur décision de l'administration pénitentiaire afin de prévenir toute tentative d'évasion. M. Payet a saisi le juge des référés du TA de Paris d'une demande de suspension de la décision en invoquant le caractère urgent dès lors qu'il estimait une très nette aggravation de ses conditions de détention. Cette demande a été rejetée et le requérant a donc saisi le Conseil d'État d'une demande en annulation de l'ordonnance de rejet en date du 25 mai 2007.
La question posée par ces trois affaires soumises au Conseil d'État consistait à déterminer dans quelles mesures certaines décisions de l'administration pénitentiaire affectant la situation des détenus sont ou non susceptibles d'être soumises au contrôle du juge administratif ?
Par ces trois arrêts en date du 14 décembre 2007, le Conseil d'État a considéré que certaines décisions prises l'administration pénitentiaire pouvaient faire l'objet d'un recours contentieux. Le Conseil d'État a donc confirmé ici le choix du double critère de la nature et des effets de la mesure, ces critères étant complémentaires et non cumulatifs. Le critère de la nature de la mesure recouvre trois séries d'éléments : son objet, son caractère et son statut juridique, alors que le critère des effets renvoie aux conséquences que la décision est susceptible d'entraîner.
Les mesures d'ordre intérieur faisant l'objet d'une restriction progressive depuis quelques années (I), cela est le signe d'un contrôle croissant du juge sur les actions de l'administration et d'une meilleure protection des détenus (II).
[...] Constitue un acte administratif susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, et non une mesure d'ordre intérieur, une décision de changement d'affectation d'une maison centrale, établissement pour peines, à une maison d'arrêt. Un tel changement d'affection entraîne en effet un durcissement des conditions de détention. En revanche, il en va autrement des décisions d'affectation consécutives à une condamnation, des décisions de changement d'affectation d'une maison d'arrêt à un établissement pour peines ainsi que des décisions de changement d'affectation entre établissements de même nature, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus. [...]
[...] GOUTAUDIER Mickaël Groupe 06 Commentaire comparé : « Conseil d'État décembre 2007, Boussouar, Planchenault et Payet » Par trois décisions, Boussouar, Planchenault et Payet rendues en Assemblée du contentieux en date du 14 décembre 2007, le Conseil d'État a apporté une nouvelle restriction au champ des mesures d'ordre intérieur dans le milieu carcéral. La catégorie des mesures d'ordre intérieur, décisions individuelles traditionnellement insusceptibles de recours devant le juge de l'excès de pouvoir, n'est plus aussi intouchable depuis quelques années. En effet, le Conseil d'État dans ses arrêts Boussouar, Planchenault et Payet a souhaité à nouveau restreindre le champ de ces mesures en admettant un recours contentieux à l'encontre de certaines décisions frappant les détenus d'un établissement pénitentiaire. [...]
[...] Boussouar a alors saisi le tribunal administratif de Paris qui le 20 décembre 2004, a rejeté sa demande d'annulation de cette décision pour motif d'irrecevabilité. Par un arrêt du 19 novembre 2005, la Cour administrative d'appel (CAA) de Paris a censuré l'ordonnance du président de la 7ème section du TA de Paris. Le Garde des Sceaux s'est alors pourvu contre cet arrêt devant le CE en tant qu'il juge recevable la requête présentée par M. Boussouar. Dans le second arrêt, M. [...]
[...] Il s'agit des arrêts Marie et Hardouin rendus le 17 février 1995. Ainsi dans le second arrêt, le Conseil d'État a admis la recevabilité de la requête d'un marin dirigée contre la sanction de dix jours d'arrêts qui lui avait été infligée au motif que, rejoignant l'unité navale sur laquelle il servait, il avait manifesté des signes d'ébriété et avait refusé de se soumettre à l'alcootest. Deux critères permettent depuis de fixer la frontière entre les mesures d'ordre intérieur et les autres. [...]
[...] Une restriction progressive des mesures d'ordre intérieur : Si une première restriction de ces mesures avait été opérée avec la jurisprudence antérieure les trois arrêts de 2007 ont été l'occasion de dégager de nouveaux critères en prolongement de ce premier mouvement Une amorce entamée par la jurisprudence antérieure : Les mesures d'ordre intérieur peuvent être regardées comme de véritables actes administratifs unilatéraux, mais sont considérées comme d'ordre intérieur du fait de leur impact et de leurs conséquences sur le destinataire. La doctrine porte un regard souvent critique sur l'irrecevabilité contentieuse attachée à ces actes qui se justifie par leur faible importance. Au début des années 1990, la jurisprudence va évoluer dans le sens d'un élargissement général des possibilités de contestations de l'action administrative. [...]
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