Réquisition de salariés grévistes, pouvoir de réquisition du préfet, référé liberté, police administrative, contrôle de proportionnalité
On se souvient que le projet de réforme des retraites fut à l'origine de nombreux mouvements collectifs déclenchés , pour certains, dans des raffineries; les activités visées par la cessation du travail risquaient de paralyser l'activité économique. C'est pour cette raison que plusieurs préfets, armés de l'article L. 2215-1 du Code général des collectivités territoriales issu de la loi du 18 mars 2003, ont procédé pour des motifs d'ordre public à des réquisitions. Dans l'ordonnance rendue le 27 octobre 2010, le juge des référés du Conseil d'Etat, statuant selon une procédure d'urgence, devait se prononcer sur l'existence d'une atteinte grave et illégale au droit de grève par un arrêté préfectoral de réquisition d'une partie de salariés grévistes d'un établissement pétrolier. Recherchant si la réquisition était ou non justifiée par l'ordre public, il a rejeté en appel la demande de suspension de l'arrêté préfectoral face aux risques de pénurie aéroportuaire totale à Roissy et d'interruption des services d'urgence.
[...] L. 2211-1 et s.) ou, le cas échéant, par le préfet, pour des raisons d'ordre , de salubrité, de tranquillité et de sécurité publics -(CGCT, art. L. 2215-1). En l'espèce, le pouvoir de réquisition a été exercé par le préfet qu'il détient en sa qualité d'autorité de police administrative, sur le fondement de l' article précité. Ce pouvoir a été exercé à l'endroit de personnels relevant d' une entreprise privée. [...]
[...] Le droit de réquisition, qui peut viser aussi bien des fonctionnaires et agents publics que des particuliers, est l'une des limites apportées au droit de grève. Dans son arrêt Commune de Herme ( CE janvier 1957), le Conseil d'Etat affirme en principe que le procédé de la réquisition figure parmi les pouvoirs généraux d'une autorité chargée du maintien de l'ordre. Ainsi, bien que le droit de grève présente le caractère d'une liberté fondamentale, le pouvoir du préfet de réquisition de salariés grévistes exercé en l'espèce, sur le fondement de l'article L. [...]
[...] 2215-1 du code général des collectivités territoriales dans les limites précédemment énoncées invitant ainsi le Préfet à se mettre en conformité avec le droit. Saisi d'un nouvel arrêté le 24 octobre 2010 réduisant le nombre de personnes réquisitionnées, le même juge, le 25 octobre 2010, rejetait le référé aux motifs que seuls quatorze agents sur les cent soixante dix environ affectés à ce site faisaient l'objet de la présente réquisition sans qu'il soit allégué que ce nombre serait excessif par rapport aux besoins des opérations pour lesquels ils sont requis (TA Melun, ord oct Fédération nationale des industries chimiques CGT Préfet Seine-et-Marne Dans le même sens, le tribunal administratif de Nantes a estimé que la réquisition de quatre salariés sur quinze d'un dépôt pétrolier, qui ne peut avoir pour objet, ni pour effet, d'assurer le fonctionnement normal du dépôt, mais qui vise à éviter des conséquences graves dans l'approvisionnement énergétique du pays n'était pas attentatoire au droit de grève (TA Nantes, ord octobre 2010, Synd. [...]
[...] Certes, les dispositions précitées du de l'article L. 2215-1 du Code général des collectivités territoriales ne distinguent pas selon la qualité des personnes requises. Mais il n'en demeure pas moins, selon le commissaire du gouvernement J.H Stahl, qu' on ne peut sans doute pas admettre [que les possibilités de réquisition offertes par ces dispositions] puissent permettre, en principe, au préfet de requérir n'importe quels personnels grévistes, et notamment pas les agents d'entreprises privées (J.H Stahl, Le droit de grève comme liberté fondamentale et la réquisition de personnels de santé, conclusions sur Conseil d'Etat décembre 2003, Aguillon : RFDA 2004, p. [...]
[...] L'arrêté pris par le Préfet indique, conformément à l'article 2215-1,4° du CGCT, les motifs de la réquisition, sa durée, les prestations requises, les effectifs requis et leur répartition, et laisse à l'exploitant de l'établissement la gestion de l'activité demandée. Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d'Etat conclut à l'absence d'atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice du droit de grève. Il rejette, par suite, l'appel dont il était saisi. Ainsi une entreprise privée, dont l'activité présente une importance particulière pour le maintien de l'activité économique, la satisfaction des besoins essentiels de la population ou le fonctionnement des services publics peut voir ses salariés grévistes réquisitionnés par le préfet lorsque les perturbations résultant de la grève créent une menace pour l'ordre public. [...]
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