Commentaire, CE, 16 décembre 1999, Société Aubettes
« L'administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés de l'Etat. » dispose l'article premier de la loi du 6 février 1992.
Le territoire français est ainsi divisé en plusieurs collectivités, parmi lesquels on trouve notamment la commune, le département et la région. Chacune possède une autorité représentant l'Etat au sein de ses collectivités. S'agissant du département, il s'agit du préfet. Il est le chef des services déconcentrés de l'Etat, et il joue, en quelque sorte, le rôle du Premier ministre à l'échelon local. La déconcentration peut donc se résumer par la phrase du député Odilon Barrot : « c'est toujours le même marteau qui frappe, on a juste raccourci le manche. ».
Néanmoins, l'un des rôles de la déconcentration de l'administration, et donc du préfet, c'est d'être plus proche des administrés. Il peut notamment servir d'intermédiaire en cas de litige entre l'administration et un administré. L'administré peut demander ce que l'on nomme un déféré en demande au préfet, afin que ce dernier agisse en justice, plus aisément qu'il n'aurait pu le faire lui-même, compte tenu du rôle administratif du préfet. C'est de se déféré qu'il est question dans un arrêt du Conseil d'Etat en date du 6 décembre 1996.
Le 17 mai 1991 la société Aubettes a demandé au préfet de Seine-et-Marne de mettre en oeuvre la procédure de déféré prévue par l'article 3 de la loi du 2 mars 1982 à l'encontre du marché conclu entre le département et la société Decaux. Le préfet introduit un recours tendant à l'annulation du marché, mais se désiste de son déféré et en informe la société requérante en octobre 1993.
Après ce désistement, la société Aubettes a saisi le tribunal administratif de Versailles le 23 novembre 1993 pour une demande d'annulation des décisions du 29 juillet 1991 et 17 février 1992 par lesquelles le président du conseil général de Seine-et-Marne a confié à la société Decaux le marché.
Pour annuler le jugement du 6 juin 1996 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions en date des 29 juillet 1991 et 17 février 1992, la Cour d'appel de Paris a soulevé les motifs selon lesquels à compter de la notification de la réponse du préfet à la demande de la société Aubettes sur la mise en oeuvre de la procédure de l'article 3 de la loi du 2 mars 1982, la société disposait d'un délai de deux mois pour exercer directement un recours contentieux. La circonstance que le préfet se soit finalement désisté de son déféré n'ayant pu rouvrir le délai de recours contentieux dont elle disposait, la requête introduite par celle-ci après le désistement du préfet est alors irrecevable. La cour d'appel a alors justifié sa décision selon le Conseil d'Etat.
Cette décision est très largement contestable. En effet, le Conseil d'Etat valide en quelque sorte une insécurité juridique de l'administré. Le préfet devient libre de changer d'avis, sur la seule base de son bon vouloir, ce qui n'est pas acceptable en vu de son rôle de médiateur, et sa fonction d'aide aux administrés. Il convient donc d'étudier cet arrêt à travers la problématique suivante :
En quoi l'accroissement des pouvoirs du préfet par cet arrêt se fait-il au détriment des administrés ?
Comme soutenu dans la thèse vue précédemment, cet arrêt vient instaurer un réel handicap pour les administrés (I), et, en contrepartie, affirmer les prérogatives du préfet, au détriment des tiers (II).
[...] En effet, le Conseil d'Etat valide en quelque sorte une insécurité juridique de l'administré. Le préfet devient libre de changer d'avis, sur la seule base de son bon vouloir, ce qui n'est pas acceptable en vu de son rôle de médiateur, et sa fonction d'aide aux administrés. Il convient donc d'étudier cet arrêt à travers la problématique suivante : En quoi l'accroissement des pouvoirs du préfet par cet arrêt se fait- il au détriment des administrés ? Comme soutenu dans la thèse vue précédemment, cet arrêt vient instaurer un réel handicap pour les administrés et, en contrepartie, affirmer les prérogatives du préfet, au détriment des tiers (II). [...]
[...] Il semblerait qu'elle ne vienne que renforcer le rôle du préfet. II) La consécration du préfet : Le préfet devient une autorité de contrôle pure, qui recycle les administrés au rôle d'informateurs ce qui est dans la perspective de la jurisprudence du Conseil d'Etat Les administrés : simples informateurs au profit de l'autorité administrative : Il s'avère que les administrés peuvent se transformer en collaborateur du préfet. En effet, la procédure n'ayant plus d'utilité pour les administrés, celle-ci, comme elle est maintenue, profite nécessairement à quelqu'un. [...]
[...] Il peut notamment servir d'intermédiaire en cas de litige entre l'administration et un administré. L'administré peut demander ce que l'on nomme un déféré en demande au préfet, afin que ce dernier agisse en justice, plus aisément qu'il n'aurait pu le faire lui-même, compte tenu du rôle administratif du préfet. C'est de se déféré qu'il est question dans un arrêt du Conseil d'Etat en date du 6 décembre 1996. Le 17 mai 1991 la société Aubettes a demandé au préfet de Seine-et-Marne de mettre en œuvre la procédure de déféré prévue par l'article 3 de la loi du 2 mars 1982 à l'encontre du marché conclu entre le département et la société Decaux. [...]
[...] C'est qui ressort de l'arrêt Brasseur du 26 janvier 1991. L'administré bénéficie ainsi d'un panel de recours satisfaisant pour faire entendre sa contestation, soit directement par le préfet auprès de la collectivité territoriale, soit par le tribunal sais d'un déféré préfectoral, ou encore pour un recours pour excès de pouvoir directement auprès d'un tribunal administratif. Seulement, l'arrêt Sociétés des Aubettes vient casser ces moyens mis à la disposition de l'administré, concernant notamment le déféré en demande, ce qui aura un impact sur les autres possibilités d'agir. [...]
[...] L'administré ne peut donc plus saisir le juge, il aurait du anticiper un refus improbable et hypothétique du préfet. C'est ce qu'explique le Conseil d'Etat dans cet arrêt en refusant de proroger le délai de recours pour excès de pouvoir, ou de le faire débuter à nouveau au moment du désistement du préfet. Ce raisonnement est clairement contestable, du fait que le déféré en demande devient une procédure inutile de part son insécurité pour l'administré. Il n'a donc plus le choix que de se débrouiller par lui-même, sans avoir le poids d'un préfet. [...]
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