Commentaire d'arrêt, Tribunal des conflits, 4 mai 2009, compétence concurrente du juge administratif du contrat, pratique anticoncurrentielle
L'affaire à l'origine de ce revirement de jurisprudence relève de l'anecdote. Dans cette espèce, la société Éditions Jean-Paul Gisserot, qui publie des monographies consacrées aux monuments historiques, a conclu, le 16 décembre 2004, avec le Centre des monuments nationaux (CMN) un marché public de fournitures de livres en vue de leur commercialisation dans les points de vente de l'établissement public. Mais, dès avril 2006, le CMN a cessé de lui commander trois ouvrages de son catalogue. Cette décision a été contestée par la société Gisserot, d'abord devant le juge administratif, ensuite devant l'ex Conseil de la concurrence sur le fondement de l'article L. 420-2 du Code de commerce. Ses prétentions ont été à chaque fois rejetées, le juge et l'autorité s'estimant tous deux incompétents. Gisserot a alors contesté la décision de l'autorité administrative devant la cour d'appel de Paris, et, à cette occasion, le préfet de la région Île-de-France a produit un déclinatoire de compétence, soutenant que le marché public liant les parties était un contrat administratif, conclu par un établissement public administratif, et que le litige, afférent à l'exécution de ce contrat et né de la mise en œuvre par cette personne morale de droit public de ses prérogatives de puissance publique, relevait de la compétence de la juridiction administrative. La Cour d'appel de Paris, au vu de l'arrêté de conflit, a sursis à statuer jusqu'à la décision du Tribunal des conflits.
[...] D'abord, en ce qu'il étend la formule réservant la compétence du juge administratif en visant les décisions ou actes portant sur l'organisation du service public ou mettant en oeuvre des prérogatives de puissance publique et plus seulement les actes par lesquels les personnes publiques assurent la mission de service public qui leur incombe au moyen de prérogatives de puissance publique Ensuite, parce qu'il restreint la portée de cette formule en jugeant que tous les actes administratifs n'entrent pas dans l'une ou l'autre de ces catégories. Ce dernier point conduit à opérer une distinction - pour ne pas dire une hiérarchisation - entre les actes administratifs. Seuls ceux ayant pour objet l'organisation du service public ou comportant la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique conduisent à la compétence du juge administratif pour connaître des pratiques anticoncurrentielles qui n'en sont pas détachables. [...]
[...] La nouveauté provient ici des hypothèses de compétence du juge administratif. Dérogatoire, cette compétence ne concerne que les décisions ou actes portant sur l'organisation du service public ou mettant en oeuvre des prérogatives de puissance publique Le juge administratif est ainsi tout d'abord compétent pour examiner les décisions ou actes [ . ] mettant en oeuvre des prérogatives de puissance publique On retrouve ici l'hypothèse issue de la jurisprudence de 1999, à ceci près que le juge des conflits abandonne la notion ambiguë de pratiques non détachables de prérogatives de puissance publique. [...]
[...] Elle soutenait principalement que, d'une part, les librairies-boutiques du CMN constituent des infrastructures essentielles auxquelles elle a un droit d'accès et, d'autre part, que les pratiques de déréférencement dont elle a fait l'objet avaient pour objet de favoriser les éditions du Patrimoine, lesquelles constituent une régie du CMN dont l'activité concurrence les opérateurs privés sur le marché de l'édition des monographies touristiques. Par une décision 08-D-08 du 29 avril 2008 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de l'édition et de la vente de monographies touristiques, le Conseil de la concurrence a rejeté ces recours au fond. La société des Editions Jean-Paul Gisserot ayant saisi la cour d'appel de Paris d'un recours contre cette décision (art. L. [...]
[...] Elle n'est, au surplus, pas dépourvue de justification. En effet, il convient de rappeler que la dévolution de compétence au profit du juge administratif, si elle conduit à un contrôle de plus en plus étroit du respect des règles de concurrence (CE 15 mai 2009, Société Compagnie des bateaux-mouches, AJDA ) et de la responsabilité des auteurs des pratiques anticoncurrentielles (CE 19 déc Société Campenon Bernard et autres, AJDA obs. J.-D. Dreyfus ; Contrats Marchés publ comm. 56, obs. G. [...]
[...] Celui-ci dispose que : Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs Il n'est pas rédigé comme une clause d'attribution de compétence au profit du juge administratif (comme, par ex., l'article L. 2331-1 CGPPP, lequel énonce que : Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs [ . ] aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires La loi précitée ne fait donc pas obstacle à la compétence du juge judiciaire. [...]
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