Commentaire d'arrêt, Conseil d'Etat, 9 décembre 2003, réquisition d'agents grévistes, service public
Le Conseil d'État, le 9 décembre 2003, a rendu un arrêt dit « Mme Aiguillon » relatif aux limites du principe de continuité d'un service public que représentent le respect du caractère urgent des mesures de réquisition ainsi qu'à leurs proportionnalités « aux nécessités de l'ordre public ».
Les sages-femmes de la clinique du Parc de la commune de Chambray-lès-Tours ont débuté un mouvement grève le 5 novembre 2003. En réaction et sans qu'aucun accord avec ces grévistes pour organiser un service minimum dans la clinique ne se soit fait, le Préfet d'Indre-et-Loire a pris un arrêté le 28 novembre 2003 tendant à rétablir et maintenir la continuité du service. Usant de ses pouvoirs prévus au 4° de l'article L.2215-1 du Code général des Collectivités territoriales, il prend précisément, par cet arrêté, une mesure de réquisition de l'ensemble des sages-femmes grévistes afin de parer aux risques graves de troubles à la santé publique, notamment pour le service « débordé » de la maternité de l'établissement concerné et justifié de ce fait par le cas d'urgence qui en découle
[...] Le Préfet d'Indre-et-Loire s'est surement référé à la décision du Conseil Constitutionnel datée du 25 juillet 1979 (droit de grève à la radio et à la télévision) qui rendait possible l'interdiction du droit de grève aux agents indispensables pour le bon fonctionnement du service et dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays. Pourtant le principe de continuité n'est pas absolu et doit donc nécessairement se concilier avec d'autre . L'atténuation du principe de continuité du service public dans les conditions de l'exercice des pouvoirs du préfet On abordera ici, les conditions, dans lesquelles le droit de grève est encadré pour garantir la continuité du service public, émissent par le Conseil d'État dans l'arrêt Mme Aiguillon qui sont celles de la proportionnalité et la défense des libertés fondamentales La nécessaire proportionnalité aux attentes du service Le Préfet méconnait le principe de conciliation nécessaire entre la continuité du service et la défense du droit de grève que pose la décision constitutionnelle qu'il a pris pour référence. [...]
[...] Or, souvent une primauté pour le principe de continuité d'un service public est établie ce qui est curieusement pas remarquable dans l'arrêt commenté. En effet, le Conseil s'est positionné ici en faveur du droit de grève puisqu'il commende la présence indispensable d'une certaine proportionnalité aux nécessités de l'ordre public. Le Conseil explicite que l'arrêté litigieux conduisaient à instaurer un service complet au sein de la clinique du Parc et non un service minimum. Cette instauration commandée le Préfet d'Indre-et-Loire ne constituait pas une atteintes grave et illégale au droit de grève selon le juge des référé du tribunal administratif d'Orléans. [...]
[...] Il s'agit ici pour le Conseil d'État de savoir : Quelles sont les conditions que doit respecter un préfet usant de ses pouvoirs prévus à l'article L.2215-1 du Code général des Collectivités territoriales lorsqu'il prend précisément une mesure de réquisition d'agents grévistes d'un service publics afin d'en assurer sa continuité? À cette question, le Conseil d'État explicite d'abord que le droit de grève est une liberté fondamentale au sens de l'article L.521-2 du Code de justice administrative; et répond ainsi que les pouvoirs du préfet prévus à l'article L.2215-1 du Code général des Collectivités territoriales lui permettent de procéder à la réquisition des agents grévistes d'un établissement de santé, même privé, afin d'assurer le maintien d'un effectif suffisant pour garantir la sécurité des patients et la continuité des soins cependant il émet une limite imposant le critère d'urgence et également celui de proportionnalité aux nécessités de l'ordre public telles les impératifs de santé publique. [...]
[...] Une liberté fondamentale atteinte et le critère d'urgence qui en découle visé à l'article 521-2 du Code de justice administrative Après la nécessaire conciliation entre la défense des intérêts professionnels par l'emploi du droit de grève et la sauvegarde de l'intérêt général garantie en partie par le principe de continuité du service public, de la traduction de cette conciliation dans une proportionnalité aux nécessités de l'ordre public, il convient du respect de la liberté fondamentale qu'est le droit de grève. Le Conseil dans ses conclusions a érigé le droit de grève en liberté fondamentale au sens de l'article L.521-2 du Code de justice administrative. [...]
[...] Il faut souligner qu'en l'espèce l'arrêté préfectoral commandait la réquisition de l'ensemble des sages-femmes ne permettant ainsi à aucune d'entre elles d'exercer leur droit de grève et que par ces motif cela constituait peut être une atteinte grave et immédiate de la liberté fondamentale qu'est le droit de grève Le Conseil d'État estime que l'article L.521-1 du code de justice administrative est parfaitement applicable en l'espèce de par l'existence d'une atteinte à une liberté fondamentale comme le droit de grève et du caractère urgent qui en ressort. Ainsi il établit que les requérantes sont fondées à demander l'annulation de l'ordonnance attaqué. Cette décision du 9 décembre 2003 cependant ne semble pas pouvoir permettre un usage abusif du droit de grève bien que ce dernier prévaut en partie sur le principe de continuité. [...]
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