Droit, commentaire d'arrêt, Conseil d'État, 9 janvier 2014, ministère de l'Intérieur c/ Dieudonné M'Bala M'Bala, référé-liberté, contrôle des libertés fondamentales, atteinte à l'ordre public
Par une ordonnance en date du 9 janvier 2014, le juge des référés du Conseil d'État a validé la légalité de l'interdiction préfectorale du spectacle de l'humoriste Dieudonné M'Bala M'Bala.
En l'espèce, le préfet de Loire-Atlantique avait pris un arrêté d'interdiction du spectacle « Le Mur » de l'humoriste à la suite d'une circulaire émanant du ministre de l'Intérieur invitant les représentants de la police administrative générale à agir pour encadrer voire empêcher l'artiste de s'exprimer.
[...] Cette interdiction préventive du spectacle de Dieudonné, décidée au final par l'ordonnance que nous commentons (puisqu'elle annule le référé-liberté du Tribunal de Nantes) s'inscrit peut-être dans une logique d'extension du régime préventif et c'est la raison première pour laquelle Dominique Rousseau s'est inquiété quelques jours après la fin de l'affaire Dieudonné. Cette extension du régime préventif est une crainte certaine de la doctrine, on peut d'ailleurs rappeler l'article de Bernard PELLEGRINI qui dès 2007 craignait un retour d'une censure déguisée. Ceux qui défendent l'arrêt pourront tout de même répondre à cette observation en considérant autrement la décision du Conseil d'État. [...]
[...] L'arrêt Benjamin affirme qu'on ne peut interdire un spectacle que lorsqu'on ne dispose pas de troupes de polices suffisantes pour éviter que ça ne dégénère en violence. Paradoxalement ici on a envoyé des centaines de policiers sur place pour interdire le spectacle le soir même. Donc la réutilisation de l'arrêt Benjamin par le préfet et par le Conseil d'État est en partie critiquable. Néanmoins l'addition de cette idée de respect de l'ordre public au sens immatériel est très intéressante même si on peut la remettre en cause sur la forme puisque le juge des référés se joue en réalité ouvertement de l'ambivalence de l'expression. [...]
[...] Cette décision du président Stirn doit être étudiée au regard de l'histoire et du contexte politique. Et ce n'est pas parce qu'elle est limitée juridiquement qu'elle doit être sous-considérée. L'histoire du droit montre avec perspicacité combien il est important parfois que le juge fasse des entorses à ses règles et qu'il prône des jugements exceptionnels. Mais il ne faut pas non plus oublier que la démocratie est le règne du droit comme nous le rappelle le philosophe Alain et que l'exception ne doit pas devenir la règle. [...]
[...] Le Conseil d'État s'arroge ici le pouvoir de juger des actes présumés pénalement répréhensibles. On pourrait d'ailleurs à ce titre rappeler l'une des dernières phrases de l'arrêt il appartient à l'autorité administrative de prendre les mesures afin d'éviter que des infractions pénales ne soient commises Ici, le Conseil d'État explique très clairement que le juge judiciaire n'est plus le seul garant des libertés fondamentales au sens pénal du terme. Il invoque une présomption que l'on pourrait qualifier de présomption de récidive. [...]
[...] À cette occasion, il est intéressant de noter que les 3 grandes conditions qui déterminent le référé-liberté avaient été réunies. l'urgence CE Commune de Pertuis L'urgence au sens de l'article L.521-2 du CJA doit s'apprécier au regard du délai de 48 heures imparti au juge de référé-liberté pour statuer l'atteinte à une liberté fondamentale cette notion doit être définie. Elle a été rappelée par un certain nombre de grands arrêts. René Chapus en reconnaît une vingtaine, on peut se contenter de reprendre les 8 principaux établis par Patrice Chrétien dans Droit administratif (Editions Sirey). [...]
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