Commentaire d'arrêt, Conseil d'Etat, 28 mars 2011, mesures d'ordre intérieur, droit administratif, excès de pouvoir
« L'histoire des mesures d'ordre intérieur est heureusement celle de leur déclin » constatait en 2009 Mattias Guyomar, secrétaire général de la commission des sondages au Conseil d'Etat.
L'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 28 mars 2011 suit effectivement ce constat en ce qui concerne la détermination de la nature d'une décision carcérale. En l'espèce, le directeur du centre de détention de Nantes avait décidé, par une décision du 26 septembre 2006, de soumettre un de ses détenus à un régime différencié de détention selon des modalités dénommées, par le règlement intérieur de l'établissement. le détenu a saisi le tribunal administratif de Nantes d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de cette décision. le tribunal ayant accueilli cette demande par un jugement rendu le 26 juillet 2007, le garde des Sceaux a interjeté appel devant la cour administrative d'appel de Nantes afin d'annuler ce jugement. la cour d'appel a rejeté ce recours. le garde des Sceaux a alors formé un pourvoi en cassation devant le conseil d'Etat afin d'annuler l'arrêt de la cour d'appel et de faire rejeter la demande de l'intéressé en première instance. Il estimait que le détenu ne pouvait pas faire de recours en excès de pouvoir contre la décision car celle-ci est une mesure d'application, et de plus, que la cour administrative de Nantes avait méconnu les dispositions de l'article 1er de la loi du 11juillet 1979 en jugeant que la décision devait être motivée.
Deux questions donc se posent au conseil d'Etat : est-ce-que la décision prise en application d'un règlement administratif est nécessairement une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours pour excès de pouvoir ? Est ce que la décision du directeur du centre de détention est fondée et conforme aux procédures ?
Le conseil d'Etat estime que la décision du directeur affecte la liberté et l'intégrité du détenu doit donc être considérée comme un acte administratif unilatéral, susceptible de recours en excès de pouvoir. Cependant, la haute juridiction donne droit à la demande du garde des sceaux car la décision d'affectation était fondée et conforme aux procédures.
[...] Elle statue ainsi sur l'affaire au fond en considérant les justifications de la décision prise par le directeur pénitentiaire. Ainsi il s'avère que le comportement du détenu avait fait plusieurs fois l'objet de « rappels à l'ordre », le directeur du centre de détention n'a donc pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant de l'affecter en secteur de détention portes fermées. Or depuis l'arrêt ministre de l'intérieur contre Pardov, rendu en 1975, le juge peut contrôler toute erreur manifeste d'appréciation de l'Administration. [...]
[...] Jacinthe Hamy 28 février 2012 td de droit administratif II COMMENTAIRE D'ARRET doc.1 ce mars 2011, à propos des mesures d'ordre intérieur. « L'histoire des mesures d'ordre intérieur est heureusement celle de leur déclin » constatait en 2009 Mattias Guyomar, secrétaire général de la commission des sondages au Conseil d'Etat. L'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 28mars 2011 suit effectivement ce constat en ce qui concerne la détermination de la nature d'une décision carcérale. En l'espèce, le directeur du centre de détention de Nantes avait décidé, par une décision du 26 septembre 2006, de soumettre un de ses détenus à un régime différencié de détention selon des modalités dénommées, par le règlement intérieur de l'établissement. [...]
[...] En l'espèce, le conseil d'Etat, à la suite des juridictions du fond, estime que la décision du directeur affecte les conditions de détention du détenu. Ce dernier a donc formé un recours en excès de pouvoir de plein droit, c'est pourquoi le conseil d'Etat a refusé de rejeter sa demande en première instance, selon la requête du garde des sceaux. La première requête du garde des sceaux, portant sur un problème de qualification a donc été rejeté, mais il en a été autrement de sa seconde requête concernant la décision du directeur en elle-même. [...]
[...] B conséquence de cette identification : la possibilité d'un recours en excès de pouvoir. Cette qualification est importante, car une mesure d'ordre intérieur, bien qu'émanant d'une autorité administrative, n'est pas considérée comme un acte administratif unilatéral et n'est alors pas susceptible de recours en excès de pouvoir par l'intéressé. En effet, pour des raisons de politique jurisprudentielle, le conseil d'Etat ne veut être pas être submergé par des recours pr des décisions modestes, or les mesures d'ordre intérieur ne modifient à l'ordonnancement juridique. [...]
[...] Ainsi l'un des arguments majeurs de la cour d'appel, selon lequel la décision individuelle du directeur devait être motivée puis succéder obligatoirement aux observations écrites de la personne intéressée, était mal fondé et oblige alors, en l'espèce, le conseil d'Etat de régler l'affaire au fond. Ainsi, pour que la décision soit valide, le détenu n'avait pas à présenter des observations écrites. B une décision nécessitant un fondement juste. Le conseil d'Etat ne se limite pas au simple constat procédural mais humanise sa décision. [...]
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