Commentaire d'arrêt, Conseil d'État, France Nature Environnement, 28 juillet 2000, excès de pouvoir
« L'administration dispose du choix et des moyens pour prendre les mesures d'application de la loi », rappellent Laurent TOUVET et Jacques-Henri STAHL dans un article publié dans l'AJDA de 1995. Cela ne la dispense pas pour autant de prendre ces mesures, comme on peut le voir dans l'arrêt du Conseil d'État en date du 28 juillet 2000 soumis à notre étude, qui sanctionne un dépassement du délai raisonnable du premier ministre pour prendre des décrets d'application. L'Association France Nature Environnement avait adressé une demande au premier ministre tendant à ce qu'il prenne les décrets d'application prévus à l'article 2 de la loi du 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. Le premier ministre n'a pas souhaité répondre à cette demande. Le silence du premier ministre s'interprète comme un refus implicite de faire droit à la demande. Dans les deux mois qui ont suivi l'écoulement des deux mois à compter de l'envoi de la demande, l'association a attaqué la décision implicite de rejet. Cette requête a été présentée devant le Conseil d'État qui est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des litiges naissant des décisions du premier ministre. La requête est considérée comme recevable par Le Conseil d'État qui annule la décision implicite de rejet pour excès de pouvoir et ordonne au premier ministre de prendre les décrets dans un délai de 6 mois.
[...] La décision Blocage des prix du Conseil Constitutionnel de 1982 a contribué a atténuer la gravité du phénomène puisque cette décision n'a pas déclaré une loi inconstitutionnelle alors qu'elle comportait des dispositions de nature réglementaire. De fait la distinction entre le domaine de la loi et le domaine du règlement est devenu relative et de nombreuses loi contiennent maintenant les détails qui permettent leur application. La décision du 21 avril 2005 Avenir de l'école, ne remet pas fondamentalement en cause la jurisprudence Blocage des prix. [...]
[...] Mais qu'entend t-on précisément par délai raisonnable? B. L'appréciation souveraine du juge du délai raisonnable, obstacle fréquent au succès du recours L'obligation qui pèse sur le Premier Ministre n'est pas uniquement de prendre les décrets d'application des lois, mais de les prendre dans un délai raisonnable. Le juge estime en l'espèce que l'abstention [du Premier Ministre] à prendre [le décret] s'est prolongé très largement au delà d'un délai raisonnable Cependant il n'en donne pas la définition : il ne précise pas la durée du délai raisonnable. [...]
[...] Le juge, si on lui en fait la demande, enjoint traditionnellement au Premier Ministre de prendre des décrets d'application nécessaire comme en l'espèce depuis l'arrêt de Section du Conseil d'État Association lyonnaise de protection des locataires (1996). Le prononcé de l'injonction en l'espèce n'est pas une surprise, c'est même une des principales garanties d'exécution des décisions de la justice administrative. Nombreux sont les décisions qui prononcent des injonctions à l'égard de l'administration. Son prononcé est presque systématique, raison pour laquelle il était attendu. [...]
[...] A cette obligation constitutionnelle, se vient se rajouter une obligation légale. En effet la loi du 3 janvier prévoit que des décrets d'application seront pris. Or en vertu de la hiérarchie des normes la décision du Premier Ministre de ne pas prendre les décrets d'application est de nature réglementaire, il ne s'agit pas d'un acte de gouvernement. Ce refus a donc une valeur inférieure à la loi, et par conséquent ce refus est illégal. C'est la raison pour laquelle le juge l'annule pour excès de pouvoir. [...]
[...] C'est le cas de l'Association France Nature Environnement en l'espèce. Il peut donc apparaître opportun de se demander si le juge administratif pouvait contraindre l'administration à prendre des règlements d'application. Dans une première partie nous verrons que si le juge administratif a annulé, comme à son habitude, bien que cela soit relativement peu fréquent, le refus de prendre les règlements d'application dans un délai raisonnable comme nous le verrons dans une seconde partie, ce n'est que par l'usage des nouveaux moyens de contrainte dont il dispose depuis récemment qu'il a pu effectivement forcer l'administration à prendre ces règlements d'application (II). [...]
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