Commentaire d'arrêt, Conseil d'Etat, 26 septembre 2005, Association collectif contre l'handiphobie, convention européenne, pacte international, contrôle de constitutionnalité, juge administratif
Si le propre du juge administratif est de contrôler la légalité d'un acte émanant d'une autorité administrative, la multiplication des normes juridiques ces 50 dernières années n'a pas été sans incidence sur ce contrôle puisque le juge est souvent amené dans le cadre du contentieux à "monter d'un cran" dans la hiérarchie des normes et à connaitre de la régularité d'une disposition législative par voie d'exception avec certaines limites que cet arrêt Association collectif contre l'handiphobie rendu par le Conseil d'Etat le 26 septembre 2005, permet de mettre particulièrement en lumière.
En l'espèce, une loi du 4 juillet 2001 a introduit à l'article L 21332 du Code de santé publique des dispositions relatives à la possibilité de stérilisation des handicapés mentaux. Cette loi prévoit des conditions trés strictes dont un décret du 3 mai 2002 pris après avis du Conseil d'Etat vient en préciser les applications.
Malgré ces précisions apportées, une association de lutte contre les discriminations envers les handicapés considère que ce décret est illégal.
Par conséquent, elle décide de saisir le Conseil d'Etat en recours en excès de pouvoir afin de demander l'annulation de cette décision pour défaut de base légale car elle estime que la loi dont elle vient en application est contraire à plusieurs engagements internationaux de la France et à la déclaration des
droits de l'homme et du citoyen.
[...] II) LA REITERATION DU REFUS DU CONTROLE DE CONSTITUTIONNALITE DES LOIS Sur ce point là également, cette solution n'est pas nouvelle et ne fait que réfléter une jurisprudence bien établie. Dans cette espèce, cela se concrétise par le rappel du Conseil d'Etat de l'invocabilité devant les juridictions administrative de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen Néanmoins, si ce refus transparait comme un souhait de ne pas empiéter sur le travail du législateur, il n'en apparait pas moins que cette solution est discutable dans un état de droit comme le nôtre L'invocabilité devant le juge de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen Cette invocabilité de ce texte constitutionnel apparait clairement au troisième considérant de cet arrêt de 2005 " il n'appartient pas eu Conseil d'Etat statuant au contentieux de se prononcer sur la conformité de la loi à la constitution". [...]
[...] Concernant le pacte international relatif au droit économiques, sociaux et culturels, la solution du Conseil d'Etat est tout de suite plus discutable même si elle ne fait que reprendre des solutions antérieures (CE,5 mars 1999, Rouquette et Lipietz). Afin de justifier son refus du contrôle, le juge considère que les dispositions invoquées par le requérant (article 12 en l'espèce) "sont dépourvues d'effet direct dans l'ordre juridique interne". Il est regrettable que le Conseil d'Etat n'apporte pas plus de précision quant à ce refus alors que la Cour de cassation viendra en 2008 reconnaitre l'invocabilité directe des dispositions de ce pacte.Les arguments du Conseil auraient été précieux en la matière et peut être, qui sait, permis de conforter la thèse qu'il porte. [...]
[...] Saisi en premier et dernier ressort conformément à l'article . du code de justice administrative qui lui donne compétence exclusive pour connaitre de la légalité des décrets, le Conseil d'Etat doit alors répondre à la question suivante, à savoir si la stérilisation des handicapés mentaux prévue à l'article L 21232 du code de la santé publique dont le décret du 3 mai 2002 vient en application est contraire aux normes conventionnelles que la France a ratifiées. La haute juridiction administrative apporte une réponse négative à cette question et juge que la loi, en raison des conditions qu'elle pose, est conforme aux dispositions de la convention européenne sans s'attarder plus longuement sur les autres dispositions et va décider par là même que le décret pris pour son application ne peut pas être attaqué sur ce fondement. [...]
[...] L'association collectif contre l'handiphobie va en effet invoquer plusieurs dispositions de ces deux textes en alléguant que l'article L 21232 du code de santé publique est en contradiction avec elles. A cela le conseil d'Etat va procéder par étapes en démontrant que cet article n'est pas contraire à l'article 12 de la convention européenne reconnaissant un droit au mariage et à fonder une famille puisqu'il laisse une place particulièrement importante au consentement de la personne " si la personne est apte à exprimer sa volonté, la stérilisation ne peut pas lui être imposée "et que des gardes-fous ont été prévus dans le cas où un tel consentement viendrait à faire défaut " les conditions dans lesquelles le juge des tutelles est amené à se prononcer sont définies avec précision" ou encore " le juge est tenu d'entendre la personne concernée ( . [...]
[...] Les garanties apportées par la loi semblent assez fortes pour justifier cette solution à plus forte raison que le décret litigieux a été pris en Conseil d'Etat. Il serait en effet difficile à imaginer, que ces différents aspects n'aient pas été pris en compte lors de son édiction. On peut regretter cependant, même si il y a pas à douter particulièrement des garanties offertes par ce texte législatif, que la haute juridiction soit si concise dans son argumentation afin d'écarter une quelconque violation. [...]
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