Commentaire d'arrêt, Conseil d'Etat, 14 octobre 2011, juge administratif, coutume internationale, Cour de cassation
" Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité. " C'est en ces termes que Victor Hugo a en son temps défini les obligations naturelles dont découle le principe de liberté. Aujourd'hui sacralisé dans les textes de loi, la responsabilité demeure une pierre angulaire de notre système juridique, lui-même descendant du droit romain. L'administration œuvre pour l'intérêt général que l'on pourrait définir comme l'émanation suprême de la volonté de l'ensemble de la collectivité et qui demeure encore aujourd'hui une notion centrale de la pensée juridique, lui conférant le privilège d'agir unilatéralement et de contraindre les administrés.
Toutefois si cette conception de la liberté administrative est appréciée de façon très large par la Jurisprudence, force est de constater que ces mêmes juridictions se sont de plus en plus attachées à contrebalancer cette liberté par un régime de responsabilité. Ce régime spécial de responsabilité applicable à l'administration n'a été que très tardivement instauré dans le droit français, longtemps partisan de l'adage « le Roi ne peut mal faire » qui avait pour vocation de déresponsabiliser totalement l'administration de tout préjudice qu'elle pouvait commettre à l'exception de ceux prévus par une loi spéciale. Son acte de naissance n'apparut qu'en 1873 avec l'arrêt Blanco qui pose le principe d'une responsabilité administrative générale.
D'abord frileux concernant la réparation et l'indemnisation des victimes, car soucieux d'économiser l'argent public pour mener à bien le devoir de l'administration, le juge administratif a petit à petit ouvert le champ d'application du régime de responsabilité passant d'une faute lourde à une faute simple. Innovation supplémentaire et remarquable, le juge a transposé en droit administratif, un type de responsabilité civile qui est celui de la responsabilité sans faute. C'est ce que nous verrons dans notre arrêt. Il s'agit d'un arrêt du Conseil d'État rendu le 14 octobre 2011. En l'espèce, Mesdames Om Hashem D, Mary Magrat F, Chérifa B et Ranjani A avaient pour employeur l'ambassade du Koweit à Paris. Suite à leurs licenciements, ladite ambassade ne leur reverse pas leurs indemnités ainsi que leurs rappels de salaires.
[...] Pour comprendre cette décision, il faut remonter dans la jurisprudence du Conseil d'Etat qui ne s'est pas toujours montré très enclin à suivre une même logique. En effet celui-ci à longtemps estimé qu'une victime ne pouvait pas se prévaloir de l'indemnisation d'un préjudice dont elle connaissait les risques. C'est dans la jurisprudence Meunier du 10 juillet 1996 que le Conseil d'Etat vient délimiter cette notion de risque accepté. En l'espèce dans cette jurisprudence, il s'agissait d'un maire qui avait été dans l'obligation de fermer un site de Troglodytique à cause d'un risque d'éboulement et dont le propriétaire demandait indemnisation du préjudice qu'il avait subi du fait de la fermeture. [...]
[...] Mécontent, il exige de ne plus y être assujettie au motif d'une règle coutumière contraire. La consécration de cette nouvelle jurisprudence apparait avec l'arrêt Madame Saleh ou le conseil d'Etat reconnait la plénitude des effets de la coutume internationale en droit interne français qui va créer un préjudice aux demanderesses du fait de l'application de l'immunité d'exécution des Etats souverains et ouvrir droit à leurs demandes de réparation sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'Etat français. La reconnaissance du préjudice lié à l'application de la coutume internationale portant sur l'immunité d'exécution des Etats souverains est consacré par le conseil d'Etat, toutefois la Cour d'appel de Paris semble écarté la coutume internationale en opposant aux demanderesses la notion de risque accepté. [...]
[...] Cependant ce principe a commencé à s'étioler par un arrêt Blanco de 1873 ou pour la toute première fois le juge administratif reconnait l'existence d'une responsabilité de l'administration. Dans son considérant de principe, il affirme: "Considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l'État, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier; Que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue ; qu'elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'État avec les droits privés." Cette responsabilité, innovation jurisprudentielle reste très limitée et pose des difficultés d'application car le juge se montre réticent à accorder de fortes indemnisations soucieux de la préservation des deniés publics. [...]
[...] C'est le cas notamment avec l'affaire Susilawati ou le conseil d'Etat vient également cassé le jugement du tribunal administratif de Paris qui avait tenue dans le cas de cette dame le même raisonnement que pour Madame Saleh et avait donc fermé tout possibilité d'indemnisation. De plus, il faut noter que l'appréciation très large de ce critère peut venir de la volonté pour la plus haute juridiction de ne pas pénaliser les victimes et d'admettre toujours plus largement la notion de responsabilité sans faute de l'Etat Français et par voie de conséquence de mieux indemniser les victimes qui n'auront plus à supporter seules les conséquences de l'activité de l'administration motivé par une finalité d'intérêt général. [...]
[...] On pourrait ici parler de contrôle de la quantité. Ensuite, on retrouve le caractère anormal de ce préjudice. Pour le caractériser les juges du fond doivent tenir compte de la gravité du préjudice. Certains auteurs vont jusqu'à trouver une troisième condition celle de l'anormalité du fait générateur que l'on pourrait clairement rapproché de la notion de risque accepté. En effet, le préjudice ne peut pas découler d'un aléa dont la victime avait conscience et auquel elle s'est exposé car cela reviendrait à diminuer son indemnisation. [...]
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