COMMENTAIRE, ARRET, CE, 4 mars 2009, SNIIS
L'attachement communautaire au principe de la libre concurrence a longtemps fait oublier aux pouvoirs publics français et aux instances communautaires, qu'il existait des hypothèses dans lesquelles l'application des principes de mise en concurrence, et plus largement des règles de la commande publique, peut s'avérer inutile ou contre productive. Tel est par exemple le cas lorsque la prestation demandée échappe à toute logique concurrentielle, qu'elle résulte d'un besoin urgent, ou encore que son prix est modeste. De même, une mise en concurrence préalable perd de son sens lorsque le cocontractant de la personne publique ayant la qualité de pouvoir adjudicateur est placé sous le contrôle étroit de cette dernière, c'est l'hypothèse où il n'est en fait que son prolongement administratif. Il s'agit là de l'exception des contrats « in house » encore appelée contrats de prestations intégrées ou contrats de quasi régie. Cette exception à l'application des règles de la procédure de passation joue lorsque certaines conditions sont remplies et s'applique essentiellement aux marchés publics, c'est-à-dire, selon la définition donnée par l'article premier du code des marchés publics, pour les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 du codé précité et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leur besoin en matière de service, fourniture et travaux. Elle exclut alors l'application du Code des marchés publics. Pour une partie de la doctrine, le contrat de quasi régie est d'abord apparu dans la jurisprudence communautaire avec l'arrêt Teckal du 18 novembre 1999 rendu par la Cour de Justice de l'Union Européenne qui a jugé que les directives relatives aux marchés publics ne sont pas applicables aux contrats conclus par un pouvoir adjudicateur et une entité qui lui est étroitement liée. Cependant, pour certains, le droit interne connaissait déjà l'exception in house, et ce depuis un arrêt du Conseil d'Etat Unipain du 29 avril 1970. Quoi qu'il en soit, ce n'est que dans les années 2000 que cette exception à la mise en œuvre des procédures de mise en concurrence en cas de conclusion d'un marché public a trouvé toute sa dimension dans la jurisprudence interne, c'est-à-dire après sa consécration par le juge communautaire, et sa codification dans la législation française, à l'article 3 premièrement du code des marchés publics. Elle est aujourd'hui particulièrement utilisée par le juge administratif, comme le montre ce nouvel arrêt du Conseil d'Etat rendu le 4 mars 2009, dit syndicat national des industries d'information de santé ou tout simplement SNIIS.
[...] Plus tard, l'arrêt Société Unipain du 29 avril 1970 relatif à la fourniture du pain par une boulangerie militaire à des établissements pénitentiaires fait dire au commissaire du gouvernement Braibant, « l'État n'a jamais été tenu d'acheter ses armes aux industriels ; il ne peut être tenu aujourd'hui d'acheter son pain aux boulangers ». À cet égard, la position du Conseil d'État n'a pas varié : les établissements publics de santé ne sont pas tenus de faire concevoir et de gérer leurs systèmes d'information par des sociétés privées. [...]
[...] Cette application est justifiée par le fait que la législation française n'offre aucun cadre de coopération entrant dans le champ d'application de la jurisprudence in house aux collectivités publiques Elle constitue une évolution jurisprudentielle qui est irréprochable dans le sens où elle est permise par la jurisprudence communautaire A / Une décision justifiée par l'insuffisance de la législation française Les collectivités publiques peuvent avoir recours à la création d'une société d'économie mixte qui sera chargé de leur fournir certaines prestations définies. L'application de la jurisprudence in house aux contrats susceptibles d'être conclu entre ces collectivités publiques et les sociétés d'économie mixte aurait été avantageuse, car elle aurait permis un gain de simplicité et de temps. Toutefois, l'exception in house est inapplicable à de telle société car, bien qu'à capital majoritairement public au moins de leur capital doit être détenu par des personnes privées. [...]
[...] Il s'agissait là de l'argument le plus pertinent, ou tout du moins, du plus intéressant au regard l'évolution du régime des contrats in house qu'il permet. L'exception in house est-elle applicable aux groupements d'intérêt public créé par des établissements publics afin de répondre à leurs besoins communs ? Rappelant les conditions des contrats de prestations intégrées décrites en jurisprudence et à l'article 3 du Code des marchés publics, le Conseil d'État conclut que la création de ce groupement n'a pas été approuvée en méconnaissance des règles applicables aux marchés publics et rejette la requête du SNIIS. [...]
[...] C'est un nouveau type de société au capital entièrement public et pouvant être constitué entre plusieurs collectivités publiques désireuses d'accomplir certaines tâches en commun. Ces sociétés entrent dans le champ d'application de la jurisprudence in house, ce qui implique que les contrats conclus entre les personnes publiques et ces sociétés publiques bénéficient d'une certaines souplesse, puisqu'ils échappent aux règles de publicité et de mise en concurrence. Le législateur a réagi en permettant une application plus large de la jurisprudence in house, prenant ainsi le relais de la jurisprudence administrative. [...]
[...] Le Conseil d'Etat a passé sous silence cette troisième condition. Ce silence peut paraître regrettable, parce que l'arrêt SNIIS aurait ainsi pu servir de référence complète en matière d'application de la jurisprudence in house, mais en tout état de cause, la présence de cette condition ne posait aucun problème en l'espèce. En effet, l'article 3 premièrement de l'ordonnance de 2005 soumet les groupements d'intérêt publics aux règles de passation des marchés publics lorsqu'ils agissent en tant que pouvoir adjudicateur. La condition légale d'application de la jurisprudence in house, et donc de soustraction des contrats conclus entre les personnes publiques et un groupement d'intérêt public qu'elles ont constitué du champ d'application du code des marchés publics, est bien remplie en l'espèce. [...]
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